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Mariage précoce et scolarisation des filles : Tahara, l’adolescente qui dit non au mariage précoce et revendique son droit d’aller à l’école
Publié le vendredi 30 aout 2013   |  Le Sahel




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Ces yeux en forme d’amende sont imbibés de larmes parce qu’elle ne s’est pas remise d’avoir été renvoyée de l’école. Tahara est une adolescente de 12 ans qui revendique son droit d’aller à l’école. «Votre fille est exclue de l’école». Cette phrase, Tahara, accompagnée de sa tante, l'ont reçue comme un coup de fouet.

Tahara Issaka est petite de taille et un peu maigrichonne, ses cheveux tressés en nattes sont tirés pour en faire un petit chignon, dégageant son visage lumineux de fillette.


«Avant, l'école c'était bien...» Tahara peine à trouver ses mots. Assisse sur un tabouret, les bras croisés comme pour marquer son respect à mon endroit, la jeune fille ne manque pourtant pas de vocabulaire. Bien au contraire. Elle s'exprime particulièrement bien pour une fille de son âge.

Après avoir connu un échec à l’examen du Certificat d’Etudes Primaires, elle a été renvoyée de son école. « Ce fut un cauchemar quand j’ai appris que je ne pouvais plus continuer l’école. C’est mon directeur qui me l’a confirmé », avoue Tahara, les larmes coulant sur ses joues d’adolescente meurtrie. «Je me disais qu'il ne fallait pas que j'en parle à ma mère pour qu'elle ne soit pas déçue de moi», confie Tahara. «J'avais peur d'être aussi incomprise de mon père. Il n’arrive pas à marcher et cela me fait beaucoup de peine».

C’est que Tahara est issue d’une famille démunie de Saga, banlieue de Niamey, avec un père, handicapé physique et une mère ménagère. Elle n’a pas connu ses deux grandes sœurs, mortes avant son arrivée au monde. Elle-même, née prématurée, a été sevrée au bout d’un an seulement. Tahara a été obligée de poursuivre ses études chez sa tante au quartier Gamkalley à Niamey. Là, elle allait très souvent s’amuser avec ses copines du quartier, tout juste derrière l’école Gamkalley qu’elle fréquentait jusqu’à ce jour où son cursus scolaire s’est arrêté. Elle était une jeune fille pleine de joie de vivre, malgré la situation de précarité dans laquelle elle se trouvait.

Parfois tout va très vite. Dans un premier temps, Tahara, pas encore trop perdue dans son rapport avec sa société, a glissé petit à petit vers la marginalisation tout en restant digne. « Je me sentais seule devant cette adversité que je craignais beaucoup. Comment faire à présent ? » me suis-je demandée.

Puis dans un second temps, elle va rompre son silence. Elle a suivi une de ses amies, Djamila, qui lui montra la voie à suivre pour intégrer le Centre Lafia Matassa de Gamkalley.

«C’est mon amie qui m’a ouvert les yeux en me proposant de venir au centre ».

Le centre Matassa de Gamkalley est une structure créée par l’ONG Lafia Matassa avec l’appui de la Mairie de Paris et d’Equilibres et Population dans le cadre de la lutte contre le Sida, en vue d’offrir aux jeunes un lieu convivial d’échanges d’informations et de connaissances. Par la suite, le centre est devenu le site urbain d’un programme en faveur des adolescentes financé par l’Union Européenne et Equilibres et Population pour contribuer à assurer l’éducation des adolescentes, améliorer la santé des adolescentes, protéger les adolescentes de la violence, développer le capital social des adolescentes et recenser les adolescentes. En entrant dans le centre Matassa, Tahara y voyait un moyen d’acquérir des compétences à travers l’apprentissage d’un métier qui lui permettra d’être autonome et de disposer de ressources pour aider sa famille. Par la suite, le centre a été appuyé par UNFPA.

Sa participation aux activités du centre lui permet de réapprendre progressivement à vivre. En effet, Tahara a tout de suite intégré le groupe d’une quarantaine de jeunes filles venues dire « Non au mariage précoce ». Il y a également des cours de couture, d’informatique et d’alphabétisation pour celles qui ne savent pas lire, grâce au soutien de UNFPA. « Je suis très heureuse d’être venue pour apprendre un métier. Je suis aussi venue à la rencontre des personnes bienveillantes au sein de cette maison d’enfants», disait Tahara.

La comparaison entre la Tahara d'avant, visible lorsqu’elle parle brillamment de son désir de reprendre les bancs de l’école parce que c’est son droit, quand elle éclate en sanglots lorsqu’elle parle de son départ précipité de l’école et celle d’aujourd’hui montre les terribles changements intervenus à cause des difficultés auxquelles elle fait face. Cependant, Tahara ne lâche pas prise. Elle se bat aujourd’hui, pour avoir son autonomie; «je me battrais pour apprendre un métier, pour aider mes pauvres parents et cela même si la tâche est immense.»

Retourner à l’école, Tahara y pense souvent : «j’ai envie de reprendre les bancs de l’école car c’est mon droit et j’aime l’école». Tahara croit qu’elle va réussir son pari si seulement elle pouvait retourner à l’école parce qu’un jour elle avait promis à sa tante « quand je serais grande, je vous paierais le billet pour aller en pèlerinage à la Mecque et je vous construirais une maison à étage ». Ce rêve deviendra surement une réalité car Tahara ambitionne de retourner à l’école très bientôt, même si elle ne sait pas encore comment.


Moussa Abdou Saley

CC/UNFPA

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