En lisant en filigrane les événements des derniers jours, nous avons qualifié Issoufou Mahamadou du nouveau Maradona de la classe politique nationale, référence faite à ses dribbles déroutants. A présent que les faits se clarifient un peu plus, nous allons essayer de voir quel avenir cette politique de division pour mieux régner peut lui réserver.
Quelques précisions de départ…
La politique n’est pas un jeu de jeunes filles où la première se met à la queue pour laisser passer la dernière. C’est un jeu dangereux où l’on mise ce qu’il a de plus cher. Combien des Nigériens ont perdu la vie au nom de la politique depuis que le Niger est indépendant ? Pourquoi a-t-on lâchement assassiné le Président Baaré Maïnassara ? Combien d’autres avaient croupi en prison dans la disgrâce ? Dans quel but l’anti tazartché a-t-il mobilisé une propagande contre l’oeuvre de l’ancien Président Tandja Mamadou ? Pourquoi le sort réservé aux Colonels Bagué et consort ?
Assurément, ici comme ailleurs, la politique diffère de l’amusement. Et les événements qui se précipitent, ces derniers jours dans notre, sont là pour nous rappeler cette triste vérité. Mettons donc de côté toutes ces affaires sentimentales de trahison, de loyauté et de je ne sais quel autre subjectivisme encore pour ne considérer que les faits politiques en eux-mêmes avec en filigrane cette seule réalité : tout le monde joue pour son intérêt !
Une règle : tirer le premier et ne pas rater !
C’est en fait la règle capitale du jeu. Dans ce qui se passe dans notre pays, le PNDS a été plus prompt à lâcher son tir. Il s’en suit qu’il a déstabilisé son allié du LUMANA et son adversaire du second tour. En conséquence, il mène non seulement la danse, profitant pour conforter son assise et sa notoriété, mais il renforce également l’image du Président de la République. Ce dernier, il faut le reconnaître, fait face à des critiques acerbes quant à sa capacité à pouvoir gérer le pays. Cette campagne nuisible pour sa carrière politique, souvent orchestrée de l’intérieur même de la mouvance présidentielle, visait l’objectif inavoué de jeter le doute dans les esprits des Nigériens sur le choix à faire en 2016.
Il était même acquis, dans tous les débats, que le dernier virage serait difficile pour le Chef de l’Etat guetté par une cohabitation au moment où il ne pourrait plus dissoudre l’Assemblée nationale. Son tir était venu plus tôt et de toute évidence l’effet de surprise a porté ses fruits.
Le LUMANA groggy, le MNSD panse ses blessures et le CDS fait le dos rond…
Le plus surpris dans cette affaire est bien entendu le parti LUMANA. En effet, un excès de confiance du côté de ce parti pourrait être à l’origine de l’imprudence qui a voilé l’arrivée du coup fatal qui le laisse sans réaction. Un remake avec quelques corrections du scénario de la motion de censure de mai 2007 ? Possible, puisque le Président du MODEN-FA s’est fait facilement cueillir pour la deuxième fois malgré quelques signes avant-coureur.
Même ses affidés les plus avertis n’ont pas vu le coup venir. Il faut dire que les partisans de Hama Amadou partageant, du sommet à la base, la faiblesse de lui vouer un culte de personnalité, étaient occupés à chanter partout qu’il est un animal politique, qu’il est d’une finesse qui lui fait débrouiller tous coups bas préparés contre lui et les militants du LUMANA. En conséquence, ils n’ont pas été alertés par les dernières décisions ayant précédé le remaniement gouvernemental. Ni la nomination de l’universitaire Alkach, un fidèle parmi les fidèles du Président Issoufou Mahamadou, à la tête de la Cour des Comptes (cette institution est chargée du contrôle de l’utilisation des fonds publics affectés aux autres institutions y compris l’Assemblée Nationale) ni celle du magistrat Gayakoye comme Président de la Cour d’Appel n’avaient inquiété au LUMANA. Il faut rappeler que l’animosité entre ce magistrat et Hama Amadou était connue du grand public au point où celui-ci aurait menacé le Chef de l’Etat d’une démission de la mouvance si Gayakoye n’est pas relevé de son poste de procureur général. Un conseil des ministres fut convoqué dare-dare pour donner suite à l’exigence de Hama Amadou. Gayakoye accepta son sort de conseiller au ministère de la justice et tout rentra dans l’ordre.
Quant au MNSD-NASSARA, ce parti attendait tous les cas coups imaginables, le débauchage des cadres étant en première ligne. Les ravages sont, certes, importants dans ses rangs mais le parti de Seyni Omar tente de panser ses plaies dans la discrétion. Après les échanges de mots du début, le MNSD joue la carte de la pondération. Il faut dire que ce parti avait l’habitude de ce genre d’hémorragie, la plus récente étant celle qui avait vu la naissance du LUMANA et la plus lointaine celle qui avait créé l’ANDP-ZAMAN LAHIYA.
Dans les partis politiques, c’est comme dans les familles. Les grandes familles gèrent mieux les crises internes évitant les épanchements publics. Ce parti a perdu des plumes mais elles repousseront aussi rapidement qu’elles sont parties.
C’est le CDS de Mahamane Ousmane qui reste l’énigme. Comme dans un oeuf, le silence est complet au CDS. Ohé ! Etes-vous là ? Nafarko 1er et les siens attendent leur heure sans précipitation et sans vacarme. Déjà, on peut dire qu’ils ont tiré leur épingle du jeu. La bourrasque de nomination ne les a pas frappés si on excepte la fronde de l’aile Abdou Labo, vieille de près de trois ans, aujourd’hui
Diviser pour mieux régner…
Après donc le CDS-RAHAMA miné par le virus de l’aile Abdou Labo, c’est au tour du LUMANA et du MNSD de vivre le germe de la division. De part et d’autre, des départs sont annoncés même si l’on tente de minimiser leurs impacts, il reste que les cadres politiques débauchés à la pellée si ce n’est à la brouettée laisseront des taches indélébiles. La plupart des transfuges occupaient des postes-clé dans leur formation d’origine et ce ne sont pas les déclarations à leur encontre qui changeront les choses.
Pour l’heure, même si cette politique est mauvaise, elle semble bien réussir à Issoufou Mahamadou et à son parti. Leur base de recrutement s’est considérablement élargie et plus aucun scrupule ne peut les retenir d’une part et d’autre part, cette politique leur donne un peu de répit pour envisager la suite des opérations pendant la session budgétaire prochaine. Ce n’est pas fini, comme dit le chanteur. Le théâtre du jeu, en attendant celui qui se déroulera à l’hémicycle, va être transféré au niveau des différents postes de nomination aux hautes fonctions de l’Etat. De ce côté aussi, il n’est pas exclu que le LUMANA perde des plumes.
Si l’on se concentre sur l’essentiel, c’est-à-dire sur la capacité de chaque être ou groupe de se tirer d’affaire quelle que soit la situation, eh bien, on peut dire que la devise « diviser pour mieux régner » a quelque chose de positif.
Quelle sera la finalité d’une telle politique ?
D’aucuns diront qu’elle vise à ouvrir le boulevard du premier tour aux élections de 2016. Je ne pense pas que cela soit envisageable. Mais ce qui paraît plus plausible, c’est de s’assurer le maximum des votes dès le 1er tour afin de compenser au second par l’apport des formations politiques moyennes. Il est même possible d’envisager un ralliement de ces partis dès le 1er tour. Mais le RDP, le RSD et l’UDR sont devenus « pierre qui roule n’amasse pas mousse ». Donc, ce n’est pas tentable.
Pourtant, en face du PNDS, il y aura bien sûr les partis de l’ARN et le LUMANA. La situation actuelle les pousse les uns dans les bras des autres. Mais l’ombre du départ sur la pointe des pieds du LUMANA de l’ARN planerait encore dans les esprits et pourraient bien gêner les choses. Une probabilité que le PNDS pourrait exploiter. Sans être au parfum du secret de Dieu, on peut aisément conclure que lorsque l’aveugle vous propose de jouer à se lancer des cailloux, c’est qu’il doit être assis sur un tas de cailloux ! Les hésitations du LUMANA sont à prendre en considération pour lire le futur. Car le plus difficile est de mettre le pays à l’abri de l’instabilité…