Le phénomène de la fuite des athlètes africains lors des compétitions internationales a pignon sur rue, et les spéculations vont bon train sur cette pratique qui, selon plusieurs observateurs apparaît comme une nouvelle voie d'immigration clandestine pour certains sportifs.
Comme tous les autres continents, l'Afrique honore sa participation aux diverses compétitions nationales, mais elle se trouve de plus en plus confronté au phénomène lié à défection inattendue de certains de ses athlètes en dépit des dispositions prises.
DISPARITIONS "EN CASCADE"
En 1996, presque toute l'équipe féminine de basket de l'ex- Zaïre (actuel RDC) a profité de sa participation aux JO d'Atlanta pour rester aux Etats-Unis.
Lors des Jeux du Commonwealth organisés à Manchester en 2011, la délégation de la Sierra-Leone est repartie avec seulement dix de ses trente représentants 20 athlètes se sont ainsi fondus dans la nature.
Lors des Jeux Olympiques de 2012 à Londres, sept athlètes camerounais, trois membres de la délégation ivoirienne dont deux nageurs et même un entraîneur, l'entraîneur de l'équipe ivoirienne de lutte, ainsi que d'autres athlètes africains ont disparu.
Le phénomène s'est répété plus récemment aux Jeux de la Francophonie de Nice en France qui ont pris fin dimanche.
Au total, une dizaine de représentants ivoiriens à ces jeux dont plusieurs joueuses de l'équipe féminine de basket ball y compris la capitaine et un chanteur de rap ont pris la fuite.
Des joueurs congolais, des cyclistes et bien d'autres ont également pris la poudre d'escampette.
DE NOMBREUSES INTERROGATIONS
Le mode opératoire des fugitifs continue de susciter des interrogations dans divers milieux. "Les chefs de délégation confisquent les passeports des athlètes. Malgré ces dispositions, ils arrivent à disparaître. Ils risquent donc d'être des sans- papier", relève Joachim Ngoran, responsable d'une école de football à Yopougon, ouest d'Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire.
Pour Laurent Bénié, un sportif vétéran, les fugitifs ont certainement un plan bien établi. "Ils ont certainement pris contact avec des clubs qui vont leur établir par la suite des papiers pour qu'ils soient dans la légalité", a-t-il énoncé.
Bien d'autres personnes s'interrogent sur les éventuelles complicités qui permettent à des athlètes de se faire la belle avec autant d'aisance.
DES INTENTIONS INAVOUÉES
Pour Grégoire Obou, enseignant de sociologie dans une université privée, plusieurs athlètes ont des intentions cachées dès le départ. "Ils savent que le fait d'aller en Europe, en Asie ou en Amérique est une opportunité pour avoir un mieux-être. Donc parfois sous la pression des parents ou des amis, ils préfèrent rester pour tenter l'aventure et gagner mieux sa vie", estime M. Obou.
"Généralement les conditions de travail là-bas sont meilleurs et surtout les propositions financières qui sont alléchantes", ajoute-t-il.
Plusieurs athlètes s'inscrivent comme les autres pour la participation aux jeux internationaux, sans dévoiler leur plan secret, jusqu'à ce que l'on découvre plus tard qu'ils avaient des desseins inavoués et insoupçonnés qu'ils réalisent à travers la fuite.
SOLUTIONS POUR FREINER L'"HÉMORRAGIE"
Les condamnations sont multiples concernant cette pratique. A l'issue des Jeux de la Francophonie à Nice, le ministre ivoirien des Sports a déploré les fuites et proposé des solutions pour freiner l'hémorragie.
"Ils sont à la recherche d'un bien-être sportif, pour la plupart. Ils estiment qu'ici, ils auront les conditions réunies pour leur permettre d'évoluer. Nous dénonçons cette manière de fuir, parce qu'ils sont venus représenter leur pays. Les jeux n'avaient pas encore pris fin qu'ils ont pris le large. Nous disons qu'il ne faut pas leur jeter la pierre ; nous allons continuer toujours à les sensibiliser", a déclaré le ministre dans un entretien avec des journalistes.
M. Lobognon a ainsi interpellé les instances mondiales du sport et plaidé pour la mise en place de ressources et d'infrastructures conséquentes au profit du continent africain.
"Le continent qui produit le spectacle en fournissant les athlètes, ne bénéficie d'aucune ressource pour améliorer les conditions de jeu pour payer les athlètes, pour payer les entraîneurs. Voilà, les conséquences sont là avec la fuite des athlètes", a-t-il noté.
Lors d'une intervention, le président de l'Association des comités nationaux olympiques d'Afrique (ACNOA), l'Ivoirien Lassana Palenfo, a abondé dans le même sens, recommandant la construction de centres de sport de haut niveau en Afrique afin de limiter les fuites.