Le Mouvement National pour la Société de Développement (MNSD) Nassara, l’un des plus grands partis politiques du Niger de ces 20 dernières années, vit l’une de ses plus grandes crises de toute son histoire avec la fronde actuelle de certains de ses dirigeants consécutivement à la formation du gouvernement d’union nationale.
En effet, comme vous le savez, le Président de la République, soucieux de la stabilité politique et institutionnelle du Niger, avait pris langue avec le président du MNSD Nassara, Seini Oumarou, pour la formation d’un gouvernement d’union nationale. Pendant plusieurs mois, des deux côtés, on avait travaillé, nuit et jour, pour parvenir à un accord raisonnable, dans l’intérêt supérieur du pays. Tout semblait aller sur des roulettes quand, patatras, les démons de la discorde et les jeux d’intérêts personnels vinrent se substituer aux bonnes intentions du Président de la République pour faire capoter, finalement, l’union sacrée tant espérée par les populations nigériennes, pour une fois, fières de constater la maturité de leurs dirigeants politiques à l’aune des défis patriotiques à relever. Le MNSD n’est pas sorti indemne de cette tragédie, car, son avenir risquerait de s’écrire, dorénavant, en pointillé. Dans une série d’articles, nous tenterons de retracer les heures de gloire, mais aussi les moments sombres que connu ce géant de la scène politique nigérienne qu’est le MNSD Nassara, dorénavant en voie de phagocytose avancée.
Le retour au pouvoir sous la cohabitation de 95.
L’Alliance des Forces du Changement (AFC), une coalition de dix-huit partis politiques, qui s’était formée entre les deux tours de l’élection présidentielle de 93 pour barrer la route au candidat du MNSD, commençait à s’effilocher avec le départ de cette alliance du PNDS/Tarayya en septembre 94, laissant ainsi le président Mahamane Ousmane sans majorité pour gouverner. Pour éviter une cohabitation qui se profilait à l’horizon avec le rapprochement entre le MNSD et le PNDS, les deux frères ennemis d’hier, le président Ousmane n’avait d’autre choix que de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer des législatives anticipées en janvier 95, scrutins qu’il espérait remporter du fait de l’avantage du pouvoir qu’il avait sur ses adversaires politiques. Mais Nafarko était loin de penser que ses dix-huit mois passés à la tête avaient été catastrophiques pour les Nigériens dans leur ensemble, une présidence marquée du sceau de l’incompétence et de l’irresponsabilité politiques à leur stade le plus achevé.
Certes, la CDS/Rahama, au terme de ces législatives anticipées, réussit à faire le plein de députés dans son fief électoral de Zinder, passant de 22 députés à l’échelle nationale dans la première législature à 24 dans la seconde, mais dans les autres circonscriptions du pays, elle avait été battue à plate couture par ses adversaires. Quant au MNSD, il retrouvait ses 29 députés comme précédemment, pendant que le PNDS perdait un député, de 13 avant, il revenait à 12. Pour obtenir la majorité parlementaire absolue pour gou gouverner, il fallait avoir au moins 42 députés sur 83 que comptait l’Assemblée nationale à cette époque. La CDS et son allié principal, l’ANDP-Zaman Lahiya de feu Djermakoye, plus quelques petites formations ayant obtenu des sièges au parlement, ne pesaient pas plus de 40 députés, insuffisants pour gouverner. De l’autre côté, le MNSD et le PNDS plus d’autres petites formations présentes à l’Assemblée (PPN/RDA, UDFP/Sawaba, PUND/Salama), réussirent à former une majorité de 43 députés, justes pour mettre Ousmane en cohabitation.
Il faut ici ouvrir une parenthèse pour signaler que la Cinquième République française avait attendu 28 ans (1958-1986) pour connaître sa première cohabitation entre le président socialiste, François Mitterrand et le Premier Ministre de Droite, Jacques Chirac, tandis qu’en moins de deux ans seulement, le Niger fit cette expérience politique inédite en Afrique. Cette particularité accréditait déjà l’idée selon laquelle le Niger serait un laboratoire politique en Afrique et en même temps posait la fondamentale question de savoir si le régime semi-présidentiel, un mimétisme des institutions politiques françaises, était véritablement adapté aux réalités nigériennes en particulier, et à celles africaines en général, attachées à une conception unitaire du pouvoir. Mais, c’est un autre débat qui ne nous intéresse guère dans le cadre de cet article. Revenons donc à nos moutons pour souligner les péripéties ayant entouré la nomination du Premier Ministre de la Cohabitation par le président Ousmane, devenu désormais, un président de ’’pacotille’’, bon seulement pour inaugurer les chrysanthèmes, un roi sans couronne, car la réalité du pouvoir appartenait au PM.
Ne voulant pas de Hama à côté de lui, le président Ousmane choisit alors comme PM Amadou Boubacar Cissé (ABC) contre la volonté de la nouvelle majorité parlementaire qui le renversa 24 heures seulement après par une motion de censure à l’Assemblée nationale. C’est la mort dans l’âme que le président Ousmane accepta de nommer le SG du MNDS de l’époque, Hama Amadou, PM de la Cohabitation, conformément au voeu de Tandja selon son célèbre slogan : " zomo zaamani saï karé zaamani ", autrement,’’pour débusquer un lièvre des temps modernes, il faut également un chien de chasse des temps modernes’’. Profitant largement des profondes divergences qui avaient miné l’AFC, voilà le MNSD revenu aux affaires dix-huit mois seulement après avoir perdu les élections générales de 93 avec la complicité active du PNDS auquel la CDS de Mahamane Ousmane ne pardonnerait jamais pour cet acte !
Revanchard, vindicatif à l’égard de tous ces enfants gâtés de la Conférence Nationale de juillet 91 qui voulaient changer l’ordre naturel des choses, ces soi-disant progressistes qui ne sont pas sans rappeler les figures de proue et les martyrs de la Révolution Française de 1789 comme Robespierre ou Condorcet, le MNDS du tandem Tandja/Hama se fourvoya dans les sentiers battus des règlements de comptes politiques, préfigurant déjà la grande période des purges auxquelles il se livrera plus tard, sous la houlette du magistère de Hama, après la conquête du pouvoir suprême dans toute sa plénitude. Rien donc de grandiose ne fut réalisé par le MNSD sous la Cohabitation qui n’aura été en fin de compte qu’une vaste cour de récréation, digne d’une maternelle avec ses jouets, destinés aux divertissements et autres loisirs des pupilles, quand des Conseils des Ministres se déroulaient sans la présence du Chef de l’Etat, ou encore lorsque des Directeurs centraux étaient chassés de leur bureau manu militari.
C’est tout naturellement que survint le coup d’Etat militaire du 27 janvier 1996, lorsque le Colonel Baré fit sonner la fin de cette récréa, montrant ainsi que la baïonnette ne servait pas seulement à se curer les dents creuses, mais aussi à donner un coup dans le derrière pour signifier " rompez, chers politiciens, ça suffit ! ". C’est alors que commença pour le MNSD la longue traversée du désert avec son lot de défections, de petites et grandes trahisons dans rangs qui auront, au moins, eu l’avantage de jeter une certaine lumière sur la vraie face des animateurs politiques, d’hier et d’aujourd’hui, exactement comme le tazarché de Tandja Mamadou nous aura permis de distinguer les vrais démocrates des faux. Rendez- vous dans notre prochaine parution.