La formation du deuxième gouvernement de la Septième République aura consacré les profondes divergences qui opposaient le Président du Lumana FA, Hama Amadou et son Secrétaire Général, Omar Hamidou Tchiana, alias Ladan. De déclarations de soutien en déclarations de défiance, le calice du divorce entre les deux hommes semble être bu jusqu’à la lie ces derniers temps.
Comment en est-on arrivé à cette extrémité entre ces deux hommes qu’on supposait très liés par une profonde complicité de longue date ? Le virus de la politique et des intérêts croisés ont-il eu raison de cette grande amitié ? Pour répondre à toutes ces questions, il serait peut-être judicieux de revisiter les feuilles d’un passé pas très lointain pour y découvrir les germes de la future discorde entre les deux protagonistes, deux ego surdimensionnés, dont les observateurs de la chose politique que nous sommes savaient déjà, qu’inévitablement, un jour ou l’autre, qu’il y aurait un clash mémorable, mais destructeur et surtout fatal.
Flash-back dans le passé.
Lorsque Hama Amadou, président du MNSD et Premier Ministre déchu, avait été embastillé pour une sulfureuse affaire de fonds d’aide à la presse, Ladan Tchiana alors Premier Vice- président du CESOC, n’avait point hésité un seul instant à se jeter à l’eau en bravant l’ire du président Tandja pour soutenir la cause de Hama Amadou dont il croyait qu’il était simplement une victime de la politique politicienne du Niger. Ladan Tchiana paiera cher cette témérité, car il sera limogé de son poste de Vice-président du CESOC quelques temps après cette incartade considérée comme un crime de lèsemajesté, même si, plus tard, il remportera son procès en justice contre cette décision de limogeage. D’ailleurs, il refusera de réintégrer ses anciennes fonctions, en dépit de la décision de justice qui l’y autorisait, préférant rester indépendant et cohérent par rapport à sa position de défiance face au régime crépusculaire de Tandja dont il avait l’intime conviction qu’il touchait à sa fin malgré ses envies de tazartché.
Persécutés jusque dans leurs derniers re- tranchements, les partisans de Hama Amadou n’avaient d’autres choix que de s’organiser en un comité de soutien en faveur de celui-ci pour mener la lutte en vue de sa libération des goulags de Tandja. Deux éminents lieutenants émergèrent de ce lot, à savoir Ladan Tchiana et Soumana Sanda, qui constitueront les deux figures de proue, dans le camp Hama, de la croisade contre le tazartché et pour la libération de leur leader. Il faut rendre hommage à ces valeureux partisans de Hama de cette époque, car ils étaient rarissimes ceux qui osaient s’afficher publiquement pour exprimer leur soutien et leur solidarité au Seigneur de Youri, pensionnaire de Koutoukalé. Plus tard, ce sont ces mêmes initiateurs de ce comité de soutien en faveur de Hama qui seront les fondateurs ’’invisibles’’ du Lumana FA dans la perspective des élections générales de 2009, tout en gardant une main sur le MNSD dont ils risquaient de se faire exclure s’ils adhéraient publiquement à un autre parti.
Ladan Tchiana était donc le Commandant en chef de ces troupes-là qui luttèrent aux côtés de la CFDR dans la lutte contre le tazartché et pour l’obtention de la libération de Hama fin 2008. Non seulement Omar Hamidou Tchiana s’était investi physiquement, mais aussi, il avait, financièrement et matériellement, beaucoup aidé pour la mise en place des différentes structures qui avaient permis l’implantation du parti un peu partout au Niger. Tel est, succinctement, le bref retour au passé pour tenter de comprendre la guerre des ego qui divise, aujourd’hui, le Lumana. A présent, il serait important d’analyser le comportement de chacun des deux protagonistes à l’aune de l’exercice du pouvoir depuis avril 2011, c’està- dire depuis le début du régime de la Renaissance.μUne véritable cohabitation à deux au sein de l’Hémicycle. Comme vous le savez, les deux protagonistes ont tous les deux été élus, sans surprise, députés au titre de la région de Tillabéri à l’issue des élections législatives de mars 2011. Dans le cadre de la Mouvance pour la Renaissance du Niger (MRN), le perchoir à l’Assemblée Nationale échut à Hama Amadou, pendant que Ladan devenait, en sus de son poste de SG du parti, le président du groupe parlementaire du Lumana Fa.
Du coup, en s’emparant de ce précieux poste de président du groupe parlementaire adoubé à celui de SG du parti, Ladan Tchiana devenait, en quelque sorte, le premier patron du Lumana FA, car Hama, bien que président du parti, absorbé la plupart du temps par ses occupations de président du parlement et autres déplacements à l’extérieur, risquait de perdre le contrôle du parti au profit de son SG. D’ailleurs, cela s’était fait sentir dès les premiers mois de la législature, lorsque Hama avait constaté que les députés Lumana commençaient à lui échapper et semblaient n’obéir qu’à son SG. Dès lors, sentant son autorité menacée, Hama envisagea de ’’tuer’’ son SG irrévérencieux en réfléchissant comment s’en débarrasser politiquement, mais astucieusement, afin de ne point se faire passer pour un ingrat vis-à-vis dans l’opinion publique nationale d’un fidèle compagnon !
C’est ainsi qu’à la faveur du premier réaménagement technique du premier gouvernement de la Septième République, Hama proposa au Président Issoufou de nommer Ladan Tchiana Ministre d’Etat en charge des Mines et autre chose. Pour ceux qui connaissent Hama Amadou, ils n’avaient pas eu beaucoup de difficultés à deviner le piège dans lequel Ladan venait de tomber, piège machiavélique, digne de Hama Amadou ! En effet, un mandat parlementaire court sur cinq ans, tandis que un portefeuille ministériel est un fusible qui peut sauter à tout moment. Dans les calculs diaboliques de Hama, si par mésaventure, survenait un remaniement ministériel, et que, le nom de Ladan se perdît dans les méandres de la politique politicienne pour une raison ou pour une autre, la carrière politique de Omar Hamidou Tchiana serait, brutalement, écourtée à jamais, dans la mesure où, l’intéressé ne pourrait plus revenir à l’Assemblée Nationale. Du coup, Hama faisait d’une pierre deux coups :
non seulement, il se serait débarrassé d’un lieutenant encombrant au sein de l’Hémicycle, mais aussi, il aurait, durablement, affaibli un ambitieux qui pourrait lui faire de l’ombre dans l’instrumentalisation du parti à des fins purement personnelles. Voilà, de manière ramassée, les causes profondes porteuses des germes de la discorde entre Hama et Ladan qui refuse de se laisser ’’tuer’’ par son président. Analysons à présent le troisième acte, c’est-àdire la guerre ouverte depuis la formation du gouvernement de large ouverture. ......Les conséquences..... Ce n’est plus un secret pour personne au Niger, rien ne va entre Ladan et Hama Amadou. Le torchon brûle à grandes flammes, depuis que Ladan a décidé de passer outre les desiderata de Hama exigeant le retrait de tous les ministres Lumana du gouvernement, pendant que lui Hama, continue à s’accrocher comme une sangsue au perchoir de l’Assemblée Nationale. Dans une sortie médiatique, le SG du Lumana s’était longuement expliqué sur sa décision sans jamais rater de flinguer au passage le président de l’Assemblée Nationale pour son manque d’élégance en matière de respect d’une décision collective !
Une chose demeure certaine : Ladan revendique toujours son appartenance au Lumana au rayonnement duquel il avait largement contribué. D’ailleurs, dans une de ses sorties médiatiques, il avait soutenu que ce sont ’’eux qui ont créé et développé le Lumana ’’ pendant que Hama était à l’extérieur. Que risque-t-il d’arriver au sein du Lumana dans les prochains jours, mois ? Hama Amadou ira-t-il jusqu’à franchir le rubicond pour exclure Ladan et ses partisans de toutes les instances de Lumana au risque de fragiliser le parti et surtout de passer pour un ingrat au sein de l’opinion publique nationale, quelqu’un sans ’’Amana’’, ce qu’il a toujours reproché à Tandja ? La suite des évènements nous donnera certainement la réponse !