Cantiques religieux sous plafonds noircis : des milliers de fidèles nigériens ont fêté Pâques à Niamey sous le signe du "pardon", après les émeutes anti-chrétiens de janvier qui ont fait dix morts et ont détruit presque toutes leurs églises.
"Nous sommes toujours sous le choc. Un pardon est donné, mais les évènements restent dans les coeurs", remarque Paul Wendyam Sandwidi, le curé de la paroisse Saint-Gabriel, qui avait été totalement incendiée et pillée.
L’empreinte noire des flammes marque encore les murs et plafonds de cette église évangélique, restée sans porte ni fenêtre. Samedi soir, des centaines de chrétiens de Saint-Gabriel ont veillé dans des odeurs de brûlé.
"Le bâtiment est touché mais notre foi demeure", observe le père Sandwidi. "Nous ne gardons rien contre ceux qui nous ont attaqués".
Maria, quinquagénaire drapée dans une robe rose, affirme avoir vu sa foi "se renforcer" depuis l’embrasement des lieux. "Ils ont détruit mon église, mais ils n’ont pas atteint ma foi", affirme-t-elle, assise sur une chaise au milieu de gravats.
Des manifestations contre la publication d’une caricature de Mahomet en Une de l’hebdomadaire français Charlie Hebdo ont viré mi-janvier en émeutes anti-chrétiennes à Niamey et Zinder, la deuxième ville du pays. Dix personnes ont été tuées et 45 églises ont été brûlées, soit 80% des lieux de cultes chrétiens.
La surprise avait été amère pour cette minorité religieuse, qui ne représente qu’1 à 2% des 17 millions de Nigériens mais s’était toujours flattée d’être en excellents termes avec la majorité musulmane.
Les conséquences sont pénibles pour de nombreux fidèles qui, privés de lieux de culte, doivent désormais se réunir sous des tentes ou des structures temporaires, en attendant la réhabilitation de leurs églises.
La grande cathédrale de Niamey, un bâtiment carré situé au centre-ville, est l’un des rares édifices chrétiens à ne pas avoir trop souffert lors des émeutes. Des dizaines de policiers l’avaient protégée de groupes de jeunes en furie. Des forces de sécurité stationnent désormais en permanence devant l’édifice.
- ’Terrassés, mais pas anéantis’ -
Visage fermé et bougie à la main, l’archevêque de Niamey, Michel Cartatéguy, y a dirigé la messe dimanche devant un millier de fidèles.
"Nous avons été terrassés, mais pas anéantis", estime Eric Medagbé, le responsable de la communication de l’archevêché.
Si des ateliers de réflexion ont un temps été organisés pour comprendre les motifs des émeutes de janvier, l’église a depuis lors "offert le pardon à tout le monde" et "nous célébrons ces fêtes pascales dans la paix, la réconciliation avec nos frères et soeurs chrétiens et aussi musulmans", précise-t-il.
Pour Hélène, une catholique présente à la messe, "les chrétiens ont déjà oublié tout ce qui s’est passé" et "avancent vers l’avenir".
Le gouvernement nigérien a promis qu’il aiderait les églises à financer les travaux de réhabilitation. Les pertes se chiffrent à quelque 2 milliards de francs CFA (environ 3 millions d’euros), selon des responsables chrétiens.
Mais "concrètement, de l’État, on n’a rien vu jusqu’à présent", se désespère Paul Wendyam Sandwidi.
Or la saison des pluies s’approche à grands pas. Des trombes d’eau s’abattent chaque année sur Niamey dès le mois de mai. "Si d’ici là, les toits ne sont pas refaits, des édifices seront inondés et fragilisés et pourraient s’effondrer", s’inquiète un architecte local.
Des destructions qui, si elles advenaient, seraient un nouveau test pour les chrétiens nigériens. Certains, derrière un calme apparent, ne cachent pas leurs craintes de l’avenir.
Tel ce leader de la communauté, à la confiance toute modérée : "il y a des signes qui montrent que ce n’est pas fini et que tout peut survenir" de nouveau.