En voilà une question pas très difficile. Au Niger, les partis politiques reposent en grande partie sur les poches des militants de premier ordre particulièrement les opérateurs économiques. Ces derniers, financent formellement et informellement leurs formations politiques.
Ils sont en avant lorsqu’il s’agit des cotisations régulières, de cotisations ponctuelles et même des dépenses imprévues lors des activités politiques dont les meetings. Les campagnes électorales également sont financées en partie par ces opérateurs économiques. Ils investissent fortement dans les principales formations politiques et ce n’est pas gratuit, loin s’en faut. Même si pour la plupart, ils n’aspirent pas être ministres ou directeurs généraux de sociétés d’Etat, certains espèrent figurer sur la liste des candidats à la députation de leurs partis. D’autres s’engagent en contrepartie de l’accès aux marchés publics une fois la victoire acquise. Cette activité est le sport favori de nos opérateurs politico-économiques en ce qu’en grand nombre, ils ne sont pas allés à l’école et ne connaissent guère plus que le comptage des billets de banque.
Pourtant, ils sont incontournables sur le plan politique. Ce sont eux qui mobilisent les militants de base à travers l’achat des consciences et le transport des électeurs lors du vote. Ils supportent les desideratas des militants de base en assurant la proximité avec eux bref, les opérateurs économiques nigériens sont au sommet et à la base des partis politiques.
Le revers de la médaille.
Lorsqu’une formation politique arrive au pouvoir, tout naturellement, ceux qui l’ont soutenue – en première ligne, les bailleurs de fonds dont les opérateurs économiques – attendent impatiemment le retour de l’ascenseur. Certains demandent que leurs proches soient nommés à tel ou tel poste, d’autres exigent que les marchés publics s’ouvrent à eux dès que leur parfum se fait sentir dans les environs. Il y en a également qui tentent de bloquer ou débloquer, selon les intérêts, des dossiers dans l’administration publique ou la justice. Ils menacent, réprimandent et exigent tout ce qu’ils veulent des agents de l’Etat parce que « c’est nous, qui avons placé ce régime » crient-ils à qui veut les entendre. A la longue, ils mettent tellement la pression qu’ils finissent par compromettre le régime qu’ils ont pourtant contribué à mettre en place.
Mais pourquoi et comment ?
En vérité, ce n’est pas leur dessein de mettre à mal la gouvernance dans le pays. Mais puisque qu’ils ne semblent rien comprendre du sens profond de la politique, ils pensent que lorsqu’on arrive au pouvoir, on devient de facto propriétaire de l’Etat, du pays et de tout ce qui s’y trouve. Et s’ils pensent ainsi, ce n’est pas tellement de leur faute, c’est bien parce que la formation citoyenne et politique estl ittéralement absente dans nos partis politiques. Conséquence, une fois au pouvoir, on a beaucoup de mal à faire le distinguo entre d’une part, la formation politique et l’Etat, et d’autre part entre les relations personnelles et les activités publiques. C’est ainsi que nous avons vu le cas de Tahirou Guériel sous Baré Maïnassara.
Cet opérateur économique illettré dont l’influence sur le régime lui a valu le sobriquet de colonel Guériel, le dernier membre du Conseil de salut national, la structure qui a dirigé le Niger après le coup d’Etat de Baré Maïnassara ayant renversé Mahamane Ousmane en janvier 1996. Sous la présidence de Tandja Mamadou de 2000 à 2010, on a vu Elh. Zakou Djibo dit Zakaï qui a tellement attiré l’attention du public que la presse a inventé le mot « zakaïerie » pour faire allusion aux multiples scandales financiers ayant jalonné son parcours. Et comme si tout cela ne suffisait pas, un nouveau phénomène fait de plus en plus parler de lui.
Le nouveau phénomène.
Si l’immixtion des opérateurs économiques nigériens, aussi condamnable qu’elle soit, peut être encore tolérable, on ne peut dire de même de l’ingérence des richissimes étrangers dans les affaires étatiques du Niger. Sous le régime de Tandja Mamadou, on a beaucoup parlé de l’opérateur économique nigerian et ami de Tandja monsieur Dan Foulani qui a arraché des marchés publics au Niger. Néanmoins, on ne l’a jamais indexé relativement à une quelconque ingérence dans la gestion de l’Etat. C’est justement cela que nous sommes en train de vivre sous cette présidence de Issoufou Mahamadou avec le tristement célèbre Dahiru Mangal que l’opposition ARN voit dans toutes les sauces salées tant de la gestion du pétrole que de la vie des partis politiques du pays. A en croire l’ARN, le Nigérian Dahiru Mangal est à l’origine des débauchages et dissidences de militants des formations politiques au profit du PNDS-Tarayya.
Une situation qui menace la stabilité politique et institutionnelle du pays tout en compromettant sérieusement la souveraineté nationale. Alors, les hommes politiques nigériens, peuvent-ils s’affranchir de l’emprise des opérateurs économiques ? Oui ! S’ils acceptent de faire le choix de l’intérêt général. Dans ce cas, ils parviendront à convaincre leurs bailleurs de fonds, que les sacrifices que ceux-ci consentent ne doivent pas, ne peuvent pas leur permettre de s’ingérer dans la gestion de l’Etat une fois au pouvoir. Ils doivent surtout refuser les « largesses » des puissances financières étrangères pour financer leurs formations politiques. On peut espérer de l’opérateur économique nigérien, de prendre en compte au moins la paix de son pays, mais on ne peut espérer cela de l’étranger comme on le voit actuellement avec le cas de Dahiru Mangal.
Composer avec même le Diable pour conquérir le pouvoir est certes machiavélique mais c’est surtout un bien mauvais choix qui peut mettre en danger 17 millions de Nigériens.