L'agriculture occupe une grande partie des populations de la région d'Agadez. Essentiellement irriguée, cette activité constitue un des maillons essentiels de l'économie régionale. A travers l'Initiative 3N, le Président de la République, SE Issoufou Mahamadou, a démontré que la région d'Agadez n'offre pas que la fascination et la promesse d'un désert total où l'homme se fond dans l'absolu.
Au pied des collines ocre, roses, rouges vifs, et bleus azur, le désert de pierres a disparu pour devenir incontestablement le plus grand centre d'activités agricoles du pays. Dans les koris qui s'étirent vers les horizons lointains, l'Initiative 3N a pris forme dans le Sahara et les réalités sont palpables. Le site de Boghol, situé à 25 km d'Agadez, est d'un contraste frappant avec le paysage qui l'entoure. Un désert de pierres, de massifs montagneux au pied desquels la nature déroule allégrement toute sa splendeur et sa beauté: la verdure a aussi droit de cité, avec de vastes étendues de plantations maraichères.
On y accède par camions dit ''marocains'' où hommes et bêtes voyagent comme dans une fable, et aussi en voiture particulière. Au désert de pierres, succède la douceur des kori qui longent les plaines et où quelque part, la vie nomade se passe au gré du temps qui passe imperturbablement. Un territoire d'ombre et de fraicheur, une vie de nomade-sédentaire qui coule comme les eaux de la source thermale de Taffadeck située à quelques encablures plus loin.
Des sommets abruptes qui annoncent l'entrée de ce havre de paix où l'on jouit d'une vue plongeante sur les maisons construites en briques artisanales, dont les parois de terre ocre méritent qu'on s'y attarde. Le visiteur qui prend contact la première fois avec ce bled est tenté d'y revenir, surtout lorsqu'il se donne le plaisir de flâner un temps dans les palmeraies luxuriantes d'où s'échappe une multitude d'odeurs caractéristiques des espèces arbustives qui s'épanouissent. Un territoire d'ombre et de fraicheur. Les poètes peuvent en ces endroits là trouver des sources d'inspiration. Boghol est loin d'être une vallée inhospitalière. Elle est paisible, attachante et attrayante.
Trop longtemps tombés en désuétude par manque d'eau la décennie passée, les jardins sont aujourd'hui redevenus florissants grâce à l'Initiative 3N qui a permis la mise en valeur de terres irrigables. Dans le cadre de l'initiative 3N, l'Etat a apporté des appuis multiformes aux producteurs. Les principales cultures pratiquées sont l'oignon, la pomme de terre, la tomate, le blé, le maïs, les épices, les agrumes etc. L'évolution des superficies emblavées et des productions obtenues atteste de la progression des activités de maraîchage.
En grande conversation avec ses amis sous un hangar situé au centre de sa concession, Moussa Mohamed alias Elhadj Bawa, est un homme heureux. Il a en effet bâti sa fortune au pied des massifs montagneux de l'Aïr où il est propriétaire de centaines d'exploitations maraichères aussi bien à Boghol qu'à Tabelot. Pour cet homme à la quarantaine bien sonnée, le maraichage n'a pas de secret. Il y est né, a grandi, et y a fait fortune. Le véhicule 4x4 rutilant, soigneusement stationné à l'entrée de sa maison, en dit long sur la santé financière du maître de céans. Dès que vous parlez de maraîchage à Elhadj Bawa, il laisse entrevoir un large sourire que cache mal le pan de son turban noir. Cela veut dire que c'est un sujet qui le passionne et pour lequel il a toujours du temps à consacrer. Il commença à répondre à de petites questions que nous lui lancions à la volée, et pour être plus pratique, il nous invite aussitôt à une ballade dans ses exploitations. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous voilà dans les jardins de Elhadj Bawa. Ce sont des exploitations ne dépassant guère un hectare chacune, mais dont la richesse du contenu est exceptionnelle : de la pomme de terre, de l'oignon, de la tomate, dans certains cas, du blé, de l'ail, du maïs, de la salade, et bien d'autres épices encore dans d'autres. Ce sol de l'Aïr est une véritable mine qui laisse sortir de ses entrailles des richesses insoupçonnées pourvu que l'on veuille bien le mettre en valeur. Moussa Mohamed sait que l'argent appelle l'argent. Et il sait mettre la main à la poche. C'est la mirifique somme de 100 millions de FCFA qu'il injecte annuellement dans ses exploitations de Boghol. A la question de savoir si la production annuelle de ses exploitations arrive à compenser un tel investissement, il répond : ''Je vous donne un petit exemple ; si vous récoltez 20 tonnes de pommes de terre par exploitation, que vous vendez au minimum à 5 millions de FCFA, et qu'au même moment vous avez investi 2 millions de FCFA dans l'exploitation, combien avez-vous gagné comme bénéfices?''. La réponse à cette interrogation se passe de tout commentaire. Et on comprend très vite les raisons de l'engouement des populations des communes rurales de l'Aïr pour le maraîchage. Ce sont de centaines de travailleurs qui tirent annuellement leurs ressources des exploitations de Moussa Mohamed.
Marié et père d'un enfant, Ahmed, la trentaine bien entamée, travaille depuis 7 ans dans deux exploitations de Moussa Mohamed. ''C'est ici que je gagne quotidiennement les moyens d'entretenir ma famille. Nous cultivons beaucoup de denrées alimentaires dans nos exploitations. Et je suis bien content de notre réussite'', nous confie-t-il fièrement.
Rabilou, un jeune maraîcher, comme ses deux autres camarades de travail, avoue être venu de Tessaoua pour apprendre le jardinage à Boghol. ''depuis trois mois que je suis là, je pense avoir suffisamment appris les techniques du maraîchage. Et j'ai bien l'intention de faire ce même travail, une fois de retour chez moi'', ajoute-t-il.
En termes d'opportunités, la région d'Agadez compte plus de 276 sites de cultures irriguées répartis dans les 15 communes de la région, avec plus de 13 000 exploitants, indique le directeur régional de l'Agriculture, M. Moussa Oumarou. Les cultures se pratiquent sur l'ensemble des zones de l'Aïr, plus précisément les communes de Tchirozérine, Dabaga, Tabelot, Timia, Iférouane et, dans une moindre mesure, les commune de Gougaram, Dannet (Arlit) et dans l'Irhazer, dans la commune d'Ingall.
Le potentiel en superficies est estimé provisoirement à 2 millions 070 mille 400 hectares de terres irrigables avec comme source d'eau une nappe facilement utilisable dont la profondeur varie de 0 à 30 mètres, et dont la majeur partie se trouve dans la plaine de l'Irhazer, selon l'Etude du Potentiel en terres irrigables au Niger.
Des superficies irrigables en augmentation
Depuis 2011, on assiste à une augmentation progressive des superficies mises en valeur dans le cadre des cultures irriguées, avec plus de 7000 ha régulièrement exploités en 2014. Compte-tenu de la maitrise des techniques de production par les producteurs, les rendements des principales cultures pratiquées sont aujourd'hui très satisfaisants. Ils vont de 40 à 45 tonnes à l'hectare, respectivement pour l'oignon et la pomme de terre, selon le directeur régional de l'Agriculture, M. Moussa Oumarou. Pendant les 4 années de la mise en œuvre du Programme de Renaissance du Niger, l'Etat et ses partenaires ont apporté d'importants appuis à la région d'Agadez dans le cadre du développement des productions agricoles: des motopompes ont été fournies (30) ; des Banques céréalières ont été construites (21) ; des Boutiques d'intrants agricoles ont été créées(17) ; des maisons de paysans ont installées (15) ; des semences pour cultures pluviales et pour cultures irriguées ont été fournies. Il en est de même des engrais (3020,75 tonnes), des pesticides (9557 litres) ; des fongicides (2187 sachets).
En outre, 206 appareils de traitements ont été mis en place ; 3036 brigadiers et guides ont été formés ; 5292 kits matériels aratoires ont été fournis, de même que 25 charrettes asines, et 150 houes à traction asines (HATA). Trois fermes agricoles modernes ont également été créées, ainsi que 10 champs écoles paysans. En matière de logistique, 15 tracteurs ont été fournis, 3 véhicules ont été acquis pour les services départementaux de l'agriculture (DDA), ainsi que 25 motos pour les autres services, et 15 pour les agents d'appui et d'encadrement technique.
Agadez passe pour être une des régions du Niger où les actions matérialisant le Programme de la Renaissance prennent forme sur le terrain et se concrétisent en des réalités palpables au regard de l'implication pleine et entière des populations de l'Aïr, du Tamesna, du Tadress, de l'Irhrazer, et du Kawar.
L'engouement que suscite le Programme auprès des populations, dans le cadre de sa mise en œuvre en fait le socle sur lequel est en train de se bâtir le Niger de la Renaissance. Loin de la faim et de la soif, avec de l'eau à profusion pour les cultures irriguées, l'élevage, la préservation de l'écosystème sur tout l'espace géographique de cette région, qui couvre 52% de la superficie de l'ensemble du territoire national. Une terre d'avenir, pour un Niger d'aujourd'hui et de demain.
Au vu des importantes actions qui sont en train d'être réalisées dans la région d'Agadez, la mise en œuvre de l'Initiative 3N est une réalité à la dimension et à la hauteur des espoirs des autorités nigériennes pour le bien-être des paysans, des éleveurs, et aussi des citadins.
''Les différentes réalisations dans la région d'Agadez ont été rendues possibles grâce aux ressources importantes injectées à la fois par le gouvernement et les différents acteurs de mise en œuvre de la stratégie'', indique M. Mounkaïla Zakari, assistant technique à la coordination régionale de l'Initiative 3N d'Agadez.
Les principaux partenaires du développement du secteur agricole de la région d'Agadez sont l'Etat, la FAO, le Projet Irhazer-Tamesna, le PromAP, Africare, HED Tamet. Tout comme l'Etat, la FAO apporte un appui considérable en intrants agricoles, notamment des semences. Trois aménagements hydro agricoles ou fermes agricoles modernes (Agharous, Tiguirwit et Ingigrane) ont été réalisés par le Projet Irhazer pour plus de 140ha, ce qui ouvre la porte aux importants aménagements prévus dans la vallée de l'Irhazer.
Au titre de l'année 2014, les chiffres d'affaires enregistrés dans le cadre de la commercialisation des produits agricoles de la région d'Agadez dépassent les 30 milliards de francs CFA. On note une nette amélioration du circuit de commercialisation des produits agricoles à travers les comptoirs de la FRUCA et de l'UCMT sous l'égide des mêmes organisations des producteurs. En 2013, les producteurs ont réalisé un chiffre d'affaires de 25 milliards de FCFA contre 22 milliards en 2012.
Grâce à la compétitivité de l'or violet de l'Aïr, la tendance à l'exportation vise les marchés des pays comme le Ghana, le Bénin, la Côte d'Ivoire etc. Par rapport à la plus-value à l'exportation, ce sont des revenus importants qu'engrangent les producteurs chaque année. Pour couvrir les volets irrigation et mobilisation des eaux, plusieurs autres réalisations ont été effectuées. Il s'agit notamment des seuils d'épandage, des seuils radiés, de l'aménagement des mares, des puits et forages maraichers, des réseaux californiens, des périmètres irrigués, des digues de protection des terres agricoles, des pistes de desserte des zones agricoles, des magasins de stockage, etc. Au titre de l'année 2015, l'Etat et ses partenaires comptent, dans le cadre du renforcement des capacités, recruter les diplômés des secteurs agricoles en vue d'assurer un encadrement de proximité beaucoup plus performant. Ils comptent également renforcer les capacités des producteurs à travers la formation des paysans et des encadreurs, et leur équipement ; organiser les paysans et les structures coopératives. Pour les appuis en intrants agricoles, l'accent sera mis sur la dotation des producteurs en semences de qualité et à temps, en petits matériels ainsi que sur la défense des cultures.
Dans le cadre de l'irrigation et de la mobilisation des eaux, il s'agira, selon M. Moussa Oumarou, de réaliser et de réhabiliter des barrages et des seuils ; d'aménager et de la réhabiliter des périmètres irrigués, d'aménager des mares, de réaliser des puits et des forages maraîchers, ainsi que des pistes de desserte, etc.
Cependant, des contraintes ont été relevées par la Direction Régionale de l'Agriculture. Il s'agit de l'enclavement des zones de production, du mauvais état des routes, de la faible mobilisation des ressources en eau, de l'insuffisance, voire du manque, des moyens de conservation et de transformation des produits agricoles, de l'existence du secteur informel de commercialisation.
Malgré ces quelques difficultés relevées, les perspectives du développement agricole sont porteuses d'espoir dans la région d'Agadez, grâce à la volonté politique des gouvernants du Niger et l'engagement de tous les acteurs. Cependant, la maitrise de l'eau demeure un impératif, surtout pour la promotion de nouveaux aménagements hydro agricoles modernes.
Oumarou Moussa et Abdoulaye Harouna Envoyés spéciaux