J’ai appris, par le biais des médias, que votre ministre de l’Agriculture s’est finalement jeté à l’eau, sans tenir compte de vos dernières déclarations à propos de la situation alimentaire de notre pays. Il a ainsi pris le contrepied de votre belle annonce de « révolution verte » qui aurait mis fin aux angoisses alimentaires de nos compatriotes et dont les effets, suprême miracle, auraient produit la réduction, de moitié, de la pauvreté en milieu rural.
La palme, ce serait l’émergence en milieu rural, depuis quatre ans, d’une classe moyenne qui aurait des arguments financiers assez convaincants. Bref, le 7 avril 2015, les Nigériens ont appris que leur pays était devenu un eldorado où l’angoisse alimentaire des populations ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Deux semaines plus tard, soit le samedi 18 avril 2015, alors que les révélations fracassantes du 7 avril étaient encore toutes fraîches dans les esprits estomaqués, votre ministre de l’Agriculture sort finalement de sa torpeur pour reconnaître et annoncer clairement que 2,5 millions de nos compatriotes sont en insécurité alimentaire, en raison d’un déficit céréalier lié aux conditions climatiques, une situation aggravée par la présence de quelque 200 000 réfugiés ayant fui les attaques de Boko Haram. Cette précarité alimentaire est liée, précise-ton, à un déficit céréalier de plus de 230 000 tonnes à l’issue de la campagne agricole 2014. Le gouvernement impute ce déficit à la sécheresse, aux inondations et à des attaques de chenilles ». Telle est la vérité crue, la réalité à laquelle nos compatriotes, dans six des huit régions du pays, sont confrontés. Et toujours cette manie de triturer les chiffres pour leur donner des rondeurs qu’ils n’ont pas. Le nombre de refugiés maliens est ainsi de 47 348 tandis que celui des personnes déplacées du Nigeria recensées au 3 février 2015 est d’un peu plus de 100 000 (Source: UNHCR), soit 147 348 refugiés maliens et nigérians au total alors que le ministre Maïdagi Alambeye a annoncé 200 000 venant du seul Nigeria. Entre le gouvernement et le HCR, qui faut-il croire ?
Monsieur le Président, le Niger est malade. Il est malade de chiffres qui ne riment à rien. Il est malade de cette valse politique où l’incohérence du discours politique le dispute au scandale permanent. À ce propos, j’ai suivi sur Télé Sahel un communiqué du Secrétariat général du gouvernement relatif à un réaménagement technique de votre « équipe » gouvernementale. Ce réaménagement technique consacre la permutation tant réclamée par Sanoussi Tambari Jackou, entre sa fille, Kaffa Rekiatou Christelle Jackou et Madame Sani Mariama Moussa, jusqu’alors ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, de la Coopération, de l’Intégration africaine et des Nigériens de l’Extérieur, chargé de l’Intégration africaine. Ainsi, donc, vous avez fait droit à la revendication de Sanoussi Tambari Jackou alors que vous vous refusez à tout dialogue salutaire pour le pays avec l’ARDR [Opposition politique] afin de créer les conditions d’un apaisement du climat politique, gage d’élections acceptées de tous. Ainsi, donc, vous avez réaménagé votre gouvernement pour calmer les humeurs d’un homme qui n’a pas, politiquement, le poids d’un atome sur l’échiquier politique national alors que vous vous refusez à mettre fin au climat politique délétère auquel, quoi que vous disiez, vous n’êtes pas étranger ; un climat politique qui se détériore de jour en jour, avec en toile de fond le démantèlement des partis politiques adverses. À l’inverse de Sanoussi Tambari Jackou et de sa famille honorés par tant de sollicitude pourtant refusée à une partie du peuple représentée par l’ARDR, vos compatriotes sont déçus par cette gouvernance patrimoniale où le premier magistrat que vous êtes est plus attentif aux humeurs et lubies de partisans politiques qu’aux plaintes de larges pans de la société. Les Nigériens, dans leur grande majorité, n’attendent plus rien de bon de votre part. Au contraire, ils s’attendent au pire, convaincus que la seule chose qui vous préoccupe, c’est ce pouvoir qui vous échappe indubitablement et pour lequel vous semblez cautionner toutes les abominations politiques. Vous êtes le président de la Magistrature et pourtant, vous cautionnez et même entretenez, par la voie de votre fidèle Massoudou Hassoumi, les actes de défiance à l’endroit de la Justice. Vous êtes le président de la République, mais vous êtes le premier à cautionner les faux chiffres. Vous avez prêté serment sur le Saint Coran d’être au dessus de la mêlée mais vous vous êtes gravement compromis dans des partis pris manifestes. Vous avez prêté serment sur le Saint Coran de protéger les deniers et biens publics, et pourtant vous n’êtes pas personnellement exempt de reproches dans de gros scandales financiers comme celui de l’achat de l’avion présidentiel. Dans le meilleur des cas, vous avez fermé les yeux sur les scandales que vous avez juré de combattre pour le bien du Niger, et pourtant, pas plus tard qu’il y a dix jours, le recrutement à la Fonction publique a été émaillé de graves fraudes imputées au ministre Laouali Chaïbou, dont l’ordinateur personnel a été saisi et inspecté par la Gendarmerie.
Monsieur le Président, je ne vous apprendrais rien en vous informant que suite à cette inspection de la Gendarmerie, 360 noms ont été dénombrés au lieu de 310, soit 50 noms supplémentaires ajoutés frauduleusement ; que les collaborateurs directs du ministre Chaïbou l’ont plongé en déclarant à la Gendarmerie qu’il est l’alpha et l’oméga de ce vaste réseau de fraude. Et d’ailleurs, la moitié des noms figurant sur la liste des admis sont de Wacha, le village du ministre Chaïbou ; que lors de la réunion du Pnds Tareyya qui a planché sur cette grave affaire, le ministre Chaïbou s’est confondu en récriminations (contre qui alors qu’il doit s’en prendre à lui-même) et il a fallu que Mohamed Bazoum lui cloue le bec en lui disant la vérité blessante mais incontournable. Ce type, qui ignore encore ce qu’est la justice, l’apprendra sans doute un jour qui n’est pas loin. Il doit aller en prison et s’il s’en tire à bon compte aujourd’hui, demain il n’y échappera pas. C’est cette gouvernance de mots face à des maux réels que dénonçait, la semaine dernière, le collectif de la société civile « Sauvons le Niger ». Voici ce qu’il dit : « Le système éducatif est en déliquescence avancée, l’accès au soin reste théorique, la gratuité de soins est gravement menacée, la cherté de la vie devient insoutenable pour la majorité des Nigériens, les jeunes restent sans perspective, etc. Les milliers de milliards de francs CFA mobilisés et engloutis n’ont pas permis l’amélioration du quotidien du nigérien. En atteste la cherté de la vie du fait de l’augmentation exponentielle, depuis maintenant quatre ans, du prix des produits de première nécessité et le classement de notre pays au dernier rang du monde au titre de l’Indice de développement Humain. Bref, la renaissance n’a pas été une réalité pour la majorité des nigériens. La vie au Niger, en quatre ans de gouvernance de Mahamadou Issoufou, n’est rose que pour les oligarques roses. - Sur le plan économique, le régime a commencé avec tous les atouts, les élections venaient de se dérouler, la communauté internationale marquait fermement son retour avec à la clé des financements importants pour le Niger. Mieux le pétrole, pour lequel les régimes précédents ont travaillé est désormais exploité et les dividendes engrangées. Mais les reformes tant attendues tardent à être mises en oeuvre. Le programme 3N pouvant booster notre économie tarde à se concrétiser. Les ressources naturelles du sol et du sous-sol sont, plus qu’ hier, exploitées et gérées dans une opacité totale. Elles sont bradées et cédées aux investisseurs étrangers dans le cadre d’un vandalisme économique et financier qui traduit tout simplement une compromission des intérêts vitaux du Niger et de son peuple. L’affairisme et l’opacité entourent l’octroi des marchés publics, qui sont destinés principalement à une clientèle politique et rentière.
– Sur le plan politique et institutionnel, après la tentative de mise en oeuvre du fameux gouvernement d’Union nationale, le Président issoufou et son pré-carré ont engagé un vaste, cynique et effronté mécanisme de déstabilisation, de concassage et d’aliénation de toutes les forces démocratiques. Une machine consacrant une dictature drapée de démocratie, une machine instaurant la pensée unique, permettant l’émergence et le maintien d’une oligarchie possessive, agressive et arrogante, déversée dans l’affairisme et hypothéquant notre citoyenneté, notre sécurité, le bien vivre ensemble, la cohésion et l’harmonie des paisibles populations Nigériennes. En quatre ans de mise en oeuvre de la gouvernance « GURI »:
– Jamais le Niger n’a été en si grave insécurité, le régime a attiré vers le Niger tous les diables et misères sécuritaires. La diplomatie agressive et belliciste développée par le régime a mis le Niger dans l’oeil du cyclone. Heureusement, nos vaillantes forces de défense et de sécurité veillent avec honneur, bravoure et courage sur nos villes et villages, nos routes et nos pistes. C’est le lieu de leur rendre un vibrant hommage ;
– Jamais l’opacité dans l’attribution des permis d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles n’a été aussi criarde ;
– Jamais la collision d’un gouvernement avec les intérêts étrangers n’a été flagrante qu’en ces quatre ans de gestion.
En dehors de la souveraineté nationale qui a été compromise à travers l’installation des bases militaires étrangères, nous pouvons malheureusement rappeler le très déséquilibré contrat AREVA-Niger. Le gouvernement Nigérien a travaillé pour AREVA et ce contre le peuple Nigérien et ses intérêts. Le report sine die de l’exploitation d’Imouraren en est la parfaite illustration.
– En quatre ans de règne, jamais l’impunité n’a été autant consacrée et promue, la Halcia et la ligne verte étant détournées de l’objectif attendu par les Nigériens. Elles sont même transformées en institutions de harcèlement et d’intimidation politique ;
– En quatre ans, jamais un petit groupe de Nigériens ne s’est accaparé de tout l’Etat, de ses leviers et de ses ressources ; – En quatre ans, jamais on a autant violé la constitution ;
– Jamais les institutions républicaines n’ont été déstabilisées ; la séparation des pouvoirs a vécu ;
– Jamais la corruption n’a été érigée en moyen de gouvernance particulièrement en ce qui concerne la commande publique, l’accès à la fonction publique ou la promotion aux emplois techniques et politiques ; – Jamais, la presse nationale n’a été autant intimidée, menacée et ouvertement violentée ;
– Jamais les collectivités territoriales n’ont été déstabilisées, minimisées et spoliées dans leurs ressources que sous le régime de la 7e République l‘illustration la plus récente et même la plus éloquente est celle de la commune rurale de Ngourti où les mesquines attentes d’une famille relativement aux redevances minières, prennent en otage une population entière et menacent l’unité nationale ». Ce n’est pas terminé. Pour le collectif « Sauvons le Niger», vos quatre ans de gouvernance. C’est tout simplement quatre ans de méfaits que vousmême, vous décriez lorsque vous étiez à l’opposition ; c’est aussi quatre ans d’endettement, de surendettement, de dérivation et d’enrichissement pour les uns, de paupérisation pour les 17 millions de nigériens ; c’est enfin quatre ans de règne d’un système inique, irrespectueux des normes fondamentales, désagrégeant, annihilant toutes les valeurs et confisquant les acquis démocratiques et républicains. Monsieur le Président, comme moi qui ne cesse d’attirer votre attention sur le fait que vous faites une course de vitesse sur une très longue distance, le collectif « Sauvons le Niger » a souligné que « les perspectives de 2016 sont sombres car la coalition au pouvoir ne semble pas préparer des élections. Elle est plutôt dans la logique d’un fiasco électoral et nous constatons que les forces démocratiques et républicaines rechignent à prendre ouvertement position. En effet , les réactions des démocrates tardent à s’affermir pour exiger que soient créées les conditions d’organisation et de tenue d’élections non tronquées, démocratiques, libres et ouvertes à tous. Au vu de tout ce qui précède, le collectif « Sauvons le Niger » entend initier et participer dans les prochains jours à la mise en oeuvre d’un large front républicain qui oeuvrera, d’une part, à militer pour la tenue d’élections ouvertes et transparentes, et d’autre part, au respect des libertés individuelles et collectives. Nous lançons un appel en vue des concertations, à la fois aux acteurs sociaux et politiques, pour aboutir à la mise en place de ce front citoyen. Le Guri est loin, il menace toutes les dignes valeurs et attentes du peuple nigérien, il est temps, grand temps, de se réveiller, de se mobiliser, de s’unir et ainsi oeuvrer à la persévération de la démocratie, de l’Etat de droits et des acquis démocratiques. Ensemble, mettons fin à ce système de prédation et à cette dérive antidémocratique ».
Monsieur le Président, Voilà la gouvernance que vous flattiez, il y a à peine deux semaines, devant les caméras et les micros. Et si j’ai tenu à vous rapporter cette déclaration du collectif « Sauvons le Niger » dans son intégralité, c’est encore et toujours dans l’espoir d’émousser votre ardeur dans une voie sans issue que vous avez curieusement choisi de suivre. Un choix délibéré et réfléchi ? En tout cas, il ne fait pas l’affaire du Niger et de son peuple.
Mallami Boucar