Le procès en Appel de la tristement célèbre affaire des bébés stigmatisés s’est enfin déroulé le lundi 11 mai 2015. Son délibéré est prévu pour le 13 juillet prochain, c’est-à-dire, dans 2 mois. Une durée qui pousse certains à se poser des interrogations sur la véritable motivation d’une telle échéance.
Beaucoup se demandent, en effet, si ces 2 mois ne coïncideront pas avec le franchissement du délai de 6 mois nécessaires pour la présence d’un potentiel candidat aux élections présidentielles sur le territoire national au risque de voir sa candidature rejetée. En termes clairs les tenants de cette thèse soutiennent qu’un candidat à la présidence de la république doit impérativement résider sur le territoire national 6 mois au moins avant le scrutin. Faux ! répondent les juristes que nous avons contactés.
Nulle part dans la constitution de la 7e république il n’est fait mention d’un tel délai. La seule chose prévue par la loi portant élections présidentielles est que le candidat doit mettre dans son dossier un certificat de résidence. Dans le cas de Hama Amadou cela ne devait poser une difficulté dans la mesure où il dispose d’un domicile connu de tous à Niamey.
Aussi, même hors du Niger, son parti, le MODEN FA Lumana africa peut bel et bien présenter sa candidature tant qu’il jouira de ses droits civiques c’est-à-dire pour autant qu’il ne sera pas condamné par un tribunal après un procès juste au cours duquel les droits de la défense seront pleinement respectés. Voilà pour ce qui est des clarifications juridiques. Mais si la question de la candidature de Hama Amadou inquiète une partie de l’opinion, ce n’est pas pour rien. Il y a de bonnes raisons. Bébés stigmatisés, une affaire pour disqualifier Hama Amadou ?
En tout cas la conscience collective en est convaincue. Depuis son lancement avec l’interpellation de Mme Hadiza Hama Amadou et plusieurs autres personnes le vendredi 20 juin 2014. Puis, l’épouse du président de l’Assemblée a été placée en garde-à-vue 3 jours plus tard. Tout de suite après, des voix commençaient à s’élever pour affirmer que c’est son époux qui est visé dans cette affaire de trafic de bébés devenu supposition d’enfants. Ayant éclaté moins d’une année après le départ du parti de Hama Amadou de la majorité présidentielle au profit de l’opposition politique, le rapprochement ne pouvait pas être ignoré.
Toutefois, beaucoup de Nigériens croyaient en une sincère volonté des autorités à faire la lumière et éventuellement ne pas laisser impunie de si graves actes s’ils étaient véritablement posés. De surcroît lorsque le ministre d’Etat Abdou Labo a été inculpé et placé sous mandat dépôt, la thèse d’une soif de justice s’est plutôt trouvée ragaillardie. Mais la précipitation et la violation des lois ayant suivie, et dans le seul but de jeter en prison la deuxième personnalité de l’Etat, a fait découvrir le pot aux roses. L’interdiction de voyager le 03 janvier 2014 suivie d’une nouvelle garde-à-vue pour Dame Hama Amadou finiront par convaincre une bonne partie de l’opinion publique qu’il y a harcèlement en la demeure.
La panique qui gagne le gouvernement chaque fois qu’il y a un élément en faveur des accusés a montré qu’il en fait une affaire d’Etat alors même que c’est sensé rester une simple histoire judiciaire. Les moyens déployés tant au Niger qu’à l’extérieur ne sont pas pour soutenir le contraire. mais ce qui a le plus fait perdre la crédibilité judiciaire à cette sale affaire est non seulement le défi que le président du deuxième parti de l’opposition – entre temps contraint à l’exil – a lancé au pouvoir de Niamey et le verdict du juge correctionnel de Première instance qui s’est déclaré incompétent à juger tant que la question de filiation n’est pas réglée par un juge civil. Hama Amadou a défié le gouvernement d’envoyer un mandat d’arrêt international à son encontre si le dossier qui le concerne n’était pas vide, en d’autres termes s’il y avait une quelconque preuve qui le mettrait en cause. Chose qui n’est toujours pas faite.
Puis vint la décision du juge de se déclarer incompétent. Ça a été si douloureux pour le régime que le ministre de l’Intérieur Hassoumi Massaoudou n’a pu s’empêcher de commettre ce que le SAMAN a appelé un « jet de discrédit sur une décision de justice et outrage à magistrat ». Ce qui a d’ailleurs fait l’objet d’une plainte du syndicat des magistrats contre le ministre Massaoudou.
Intervenu le 30 janvier 2015, le verdict de première instance n’a vu son Appel jugé que ce 11 mai soit 100 jours plus tard. Un temps relativement long compte tenu du caractère populaire ou disons politico judiciaire de l’affaire.
Maintenant, on est dans l’attente du verdict des juges d’Appel attendu dans 2 mois. Ce sont toutes ces péripéties qui font croire à certains compatriotes que le pouvoir veut gagner du temps pour empêcher la candidature de Hama Amadou aux présidentielles de 2016. Ils n’ont plus à s’en inquiéter, ce n’est pas possible disent les juristes.