Entretien / A propos de la candidature de Hama Amadou en 2016 : « A ce stade, il n’y a aucun handicap dans la mesure où il n’y a pas de décision de justice devenue définitive.
Publié le vendredi 29 mai 2015 | Le Monde d' Aujourd'hui
Maïna Boukar Karthey est âgé de 48 ans. Il est juriste de formation. Doctorant en droit public et sciences politiques, l’homme est monogame et père d’un (1) enfant. Enseignant vacataire à l’université de Niamey, à l’ENAM (Ecole nationale d’administration et de magistrature), ainsi qu’à l’école de police et consultant juridique. Très actif dans les organisations de la société civile, Maïna Boukar Karthey a été membre du Comité directeur de l’USN (Union des scolaire nigériens) entre 1992 et 1993. Actuellement il est Secrétaire général de l’Association nigérienne des constitutionnalistes (ANC), membre du directoire du Collectif « sauvons le Niger ».
C’est à cet homme que nous avons demandé de nous éclairer sur les candidatures aux élections présidentielles pour apporter un point de vue purement technique sur la question.
« A ce stade, il n’y a aucun handicap dans la mesure où il n’y a pas de décision de justice devenue définitive. Donc le leader du parti LUMANA jouit encore de tous ces droits civiques et politiques » déclare le juriste Maïna Boukar Karthey{xtypo_quote}
Quelles sont les conditions exigées de tout candidat aux élections présidentielles ?
Les conditions sont fixées dans la constitution du 25 novembre 2010, mais aussi dans la loi n°2014-01 du 28 mars 2014 portant régime général des élections présidentielles, locales et référendaires. Pour l’essentiel, la constitution indique, en son article 47 que : « ... Sont éligibles à la présidence de la République, les Nigériens des deux sexes, de nationalité d’origine, âgé de 35 ans au moins au jour du dépôt du dossier, jouissant de leurs droits civils et politiques.... La loi précise les conditions d’éligibilité, de présentation des candidatures, de déroulement du scrutin, de dépouillement et de proclamation des résultats. La Cour constitutionnelle contrôle la régularité de ces opérations et en proclame les résultats définitifs. »
Donc sans même rappeler la loi, les conditions sont assez claires.
Existe-t-il un handicap pour la candidature de certains leaders politiques, notamment le leader du Parti LUMANA , Mr HAMA AMADOU , à cause de la procédure judiciaire qui le concerne, c’est-à-dire « l’affaire dite des bébés stigmatisés » ?
A ce stade, il n’y a aucun handicap dans la mesure où il n’y a pas de décision de justice devenue définitive. Donc le leader du parti LUMANA jouit encore de tous ces droits civils et politiques. Le chemin semble long car nous ne sommes qu’au stade d’appel et ce, pour une question de compétence de juridiction d’abord.
Quel pourrait être l’impact politique de cette affaire dite des bébés stigmatisés sur la candidature de M. HAMA AMADOU ?
Il est de coutume en Afrique de voir des pro- bables candidats aux plus hautes fonctions de l’Etat éprouvés par des procédures politico judiciaires. Je m’exprime ainsi parce que l’af- faire en question, même si elle revêt un intérêt judiciaire, elle est politique dans son déroulement et sa finalité. En effet, elle est liée au parcours et à l’ambition politique de M. HAMA AMADOU qui prétend présider aux destinées du Pays. Dans la plupart des cas, il n’y a pas un véritable impact négatif dans la destinée du leader en question. Les exemples sont nombreux sur le continent. Un an avant d’être consacré président de la fédération du Nigeria, le président OLUSEGUN OBASENDJO purgeait une peine de 25 ans de prison pour atteinte à la sureté de l’Etat. ALPHA CONDE était l’opposant le plus méprisé par le Général président LANASNA CONTE qui l’a embastillé pendant plus de trois ans. Cela ne l’a pas empêché de devenir Président de la République après une période de transition militaire. Mais l’exemple le plus proche et aussi le plus élo- quent est celui de l’actuel président Sud Africain JACOB ZUMA. On se rappelle encore qu’il était « assailli » par des procédures judi- ciaires qui semblaient ne lui laisser aucune chance pour la magistrature suprême. N’assume- t-il pas aujourd’hui des responsabilités continentales, notamment la résolution de cer- tains conflits politiques ?
A notre avis, ce sont des épreuves qui sont dans les destins des grands hommes politi- ques et c’est pour la même raison que Mes- sieurs SEINI OUMAROU et MAHAMANE OUSMANE connaissent des épreuves devant le juge.
L’intérêt en droit est que ces procédures politico judiciaires constituent dans tous les cas des instruments de mesure et d’apprécia- tion de certains principes constitutionnels comme l’indépendance de la justice, la sépa- ration des pouvoirs, l’état de droit ... En effet, le juge est plus que jamais éprouvé lui-même par des faits complexes mais qui lui posent une seule problématique. Comment forger la paix, garantir la stabilité institutionnelle et con- solider l’état de droit. ?
Interview réalisée par : Amadou BELLO