Le gouvernement du président Issoufou vient d’autoriser le transfert des magasins sous douanes de la Rive droite au groupe Bolloré présenté sous la dénomination de Niger Terminale. Bolloré est le concessionnaire du port sec de Dosso et concomitamment de son antenne de Niamey. C’est donc à ce titre que le gouvernement lui a donné́ les magasins sous douanes du 5e arrondissement.
Conséquence immédiate de cette décision : un autre bras-de- fer est né entre le gouvernement et une partie de Nigériens. Il s’agit des opérateurs économiques et les transitaires. Ces derniers projettent d’ailleurs une opération ville morte ce mercredi 27 mai 2015.
Placés depuis toujours sous l’autorité de la douane nigérienne, ces magasins sont arrachés à l’affection de celle-ci, dans la désapprobation totale de leurs utilisateurs et au grand dam des consommateurs. Déjà, Bolloré n’a pas perdu de temps : il est venu se faire des sous et il compte bien le faire et tout de suite. L’annonce de la mauvaise nouvelle de ce changement s’est faite en même temps que la majoration des frais. C’est ainsi que, entre autres, la manutention du conteneur 40 pieds qui passe de 26 000f à 92 064f.
Bolloré est d’ailleurs si pressé qu’il a écrit au ministre des Transports pour lui ordonner – pardon – lui demander de prendre un arrêté pour promulguer sa loterie c’est-à-dire, l’acquisition des magasins sous douanes. Dans sa correspondance, le groupe Bolloré, sous la forme de Niger Terminal écrit ceci : « (...) nous sollicitons auprès de votre bienveillance un arrêté ministériel promulguant : le transfert de la gestion et de l’exploitation du terminal sur le site de Niamey Rive droite à Terminal Niger ; la responsabilité opérationnelle exclusive à Niger Terminal en charge de l’application des modalités d’exploitation telles que définies par la Convention ... »
Désormais, c’est à un ministre de la république du Niger que l’homme d’affaire Bolloré donne des ordres. En vérité, cela n’est guère étonnant lorsqu’on sait que le 7 avril dernier c’est le président de la République Issoufou Mahamadou lui-même qui a servi de chauffeur au sieur Bolloré. Chose que Le Monde d’Aujourd’hui avait dénoncé en son temps comme une banalisation de la fonction présidentielle.
Depuis qu’il a fait au président Issoufou la fausse promesse de le transporter en train de Niamey à Dosso le 3 août 2015, Bolloré semble tenir le régime de Niamey en joue. Pourtant, il n’a pas pu tenir sa promesse et il a poussé́ le chef de l’Etat à se déjuger face à son peuple. Mais au lieu d’être puni pour cette faute gravissime, le Français est récompensé avec une partie de la souveraineté économique du Niger. Pire, le rail qu’il est en train de poser, Dieu Sait à quel prix, ne répond pas aux normes. Tout le monde a vu le train dérailler en plein midi pendant des séances d’essai. Tout cela n’a pas suffi à raviser les autorités nigériennes sur le personnage et sa société.
Aujourd’hui, le gouvernement se met à dos les opérateurs économiques à cause de Bolloré. Dans une correspondance envoyée au ministre de Commerce, le syndicat des importateurs, exportateurs et grossistes demande au gouvernement de revenir de cette grave décision de transfert des magasins sous douane des mains d’une institution de l’Etat à un privé français. Et si les opérateurs économiques ne trouvent pas satisfaction, ce qui risque fort bien de se produire au vu de l’intransigeance légendaire du président Issoufou, ce sont les consommateurs qui payeront la facture Bolloré. Que ce soit un Bolloré ou un Hollande qui gère les magasins sous douanes, ce qui est sûr et certain, les commerçants ne vendront pas en perte. Donc les frais supplémentaires qui leur sont désormais facturés retomberont sur les Nigériens puisque des grossistes aux détaillants, chacun ajoutera son plus peut-être même de façon exagérée en faisant du coup plus de bénéfice. Là, les problèmes de monnaie seront mis en avant pour expliquer, justifier l’arnaque. Et en fin de comptes, c’est le peuple qui en souffre. La cherté de la vie et la rareté des ressources financières ajoutées à la faiblesse du pouvoir d’achat, le Nigérien aura beaucoup de mal à manger, dormir et se soigner. Et tant que ces trois choses ne sont pas réunies, il ne pourra pas produire à fortiori développer son pays.
Hélas ! La privatisation des magasins sous douanes n’est qu’une partie peut-être insignifiante de la compromission des intérêts nationaux par le régime de la Renaissance. On a vu l’hypothèque du pétrole nigérien au profit d’un prêt d’un milliard de dollars en un bloc et un autre milliard en « pièces détachées » ; comment oublier le bradage de l’uranium à AREVA et la remise en cause du projet Imouraren hérité́ du régime Tandja ; comment ne pas pleurer sur la malheureuse choix de la centrale électrique de Gorou Banda dont le kilowatt / heure coûtera 200 FCFA au lieu du barrage de Kandadji qui l’aurait produit à 15 FCFA sans compter tous les hectares de terres irrigables dont il aurait permis l’aménagement.
Sans avoir la prétention de connaitre encore moins pouvoir citer toutes ces affaires dans lesquelles les intérêts du Niger sont foulés au pied au profit des individus et des autorités, nous sommes néanmoins en mesure de nous demander si notre pays n’est pas lui-même hypothéqué́.