L’un se montre assuré avant un départ espéré pour l’Europe, l’autre fait peine à voir de retour de Libye : Ousmane Baldé et Ali Idrisu, deux jeunes migrants, se retrouvent à Agadez, capitale du nord du Niger devenu passage obligé pour clandestins africains.
"Je n’ai pas peur", affirme le premier, un Dakarois de 22 ans rencontré de nuit à son arrivée à la gare routière, le teint frais et le vêtement coquet malgré une semaine de voyage qui l'a fait avaler Sénégal, Mali, Burkina Faso et Niger.
Le plus dur reste toutefois à venir : le franchissement du Sahara, durant lequel nombre de ses congénères ont déjà péri, celui de la très instable Libye, et surtout la traversée de la Méditerranée, où 1.800 migrants sont morts cette année.
Le Sénégalais longiligne dit compter sur "Dieu" pour le porter jusqu’en Italie. Ce même Dieu qui selon lui a "aidé" son aîné à rejoindre l'Espagne par bateau il y a quelques années via le Maroc.
Un autre frère d’Ousmane vit actuellement en Libye. Tous deux l’aident à financer son voyage malgré les risques encourus, afin de fuir un quotidien dakarois désargenté sans toutefois être miséreux.
"Si je ne sors pas travailler, je ne peux pas avancer", se justifie-t-il.
Ali Idrisu, un Ghanéen d'Accra, a lui aussi rêvé d’avancer. Pas forcément en Europe mais plutôt à Tripoli, où il comptait devenir "une star" du football, pour ensuite rejoindre les rangs de son équipe nationale.
Mais la machine s’est enrayée dès son départ d’Agadez, il y a un an et demi. Entassé avec 24 autres migrants dans un pick-up, "nous n’avions pas assez d’eau, de nourriture. Nous nous faisions battre", raconte-t-il à son retour de Libye, à peine descendu d'un 4X4 poussiéreux.
- Cadavres dans le Sahara -
"Si par hasard un migrant tombe, la voiture ne s'arrête pas, le chauffeur continue son chemin", en partie par crainte de s'ensabler, explique Amadou Hamidine Maliki, le responsable de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) à Agadez.
Si l'infortuné est chanceux, un autre véhicule peut le sauver. Dans le cas contraire, il agonise dans le Sahara. "Les migrants nous racontent que dans le désert, ils voient des corps de migrants", poursuit-il.
"J’ai vu des gens mourir dans le désert", confirme calmement Ali, dont le calvaire ne s'est ensuite jamais vraiment arrêté.
Dépouillé de son téléphone portable et de ses papiers à son arrivée en Libye, le sportif, devenu maçon pour survivre, affirme avoir été victime de maltraitance dans son ex-pays d'accueil, où "ils considèrent les noirs comme des animaux".
Malgré des mois passés à travailler "7 jours/7, 24 heures/24", le Ghanéen estime avoir "tout perdu" dans son exil libyen, à commencer par ses illusions.
"Je n’ai pas vu un terrain de foot", se désole-t-il. Et d'écarter son humble boubou marron sali par une semaine de voyage entre Tripoli et Agadez : "c'est tout ce qu'il me reste".
Ali Idrisu était parti à la conquête de la Libye avec ses chaussures de foot, qu’il avait réussi à conserver durant tout son séjour. Symboles de son échec, il les a finalement abandonnées sur place.
Quelque 150.000 migrants passeront par Agadez en 2015, dont une bonne partie rejoindra la Libye puis éventuellement de l'Europe, estiment les autorités.
Des milliers d'autres sont déjà revenus cette année dans la capitale du nord nigérien, "sans argent", "dans un état de fatigue avancé" et souvent "avec des problèmes respiratoires dus à la poussière" inspirée en cours de route, selon M. Maliki.