Donner l'"espoir" à la jeunesse africaine via le développement est la principale solution pour réduire l’émigration clandestine à destination de la Libye puis de l'Occident, estime Marou Amadou, le ministre de la Justice nigérien.
Le Niger, pays de transit, a adopté mi-mai une loi très sévère contre le trafic de migrants, qui prévoit des peines "de 1 à 30 ans de prison" et "des amendes de 3 millions à 30 millions de francs CFA (4.500 à 45.000 euros)" contre les trafiquants, ainsi que "la confiscation" des véhicules des convoyeurs.
QUESTION : On a accusé le Niger d'avoir voté une loi opportune, alors que la communauté internationale s'intéressait fortement à la question migratoire. Qu'en est-il ?
REPONSE : "Ce n'est pas parce qu'il y a eu 800 morts en Méditerranée que la loi est sortie. Le projet de loi était prévu le longue date. Jusqu'ici, on avait une loi contre la traite des personnes, mais il n'y n'avait rien sur le trafic de migrants. Mais 92 d'entre eux sont morts dans le désert en octobre 2013 (des Nigériens, dont beaucoup de femmes et d'enfants, NDLR). Il fallait cette loi pour prendre en compte cette situation."
Q : On a critiqué la loi en disant qu'elle criminalisait les migrants, alors qu'ils ont le droit, en tant qu'Africains de l'ouest, de voyager librement au Niger. Que répondez-vous ?
R : "La loi réprime les passeurs, pas les migrants. Nous allons dissuader les mafias, les combattre. Mais les migrants devront quand même avoir un passeport, ainsi qu'un visa s'ils comptent se rendre au-delà des frontières de la Cédéao (la Communauté des Etats d'Afrique de l'ouest, qui compte 15 Etats-membres, dont le Niger). Personne ne dit que ça va éradiquer l'émigration. De toute façon, nous ne sommes pas contre l'émigration licite, mais nous devons prendre des dispositions pour décourager l'émigration illicite. Nous voulons éviter que des gens aillent mourir dans le désert ou dans la mer."
Q : Comment peut faire le Niger, avec ses faibles moyens, pour mener un tel combat, face à un problème dépassant largement le cadre de ses frontières ?
R : "Le phénomène migratoire est facilité en Afrique par l'absence de législations et l'existence de frontières poreuses. Si le Niger est le seul Etat à adopter de telles mesures, ça ne va pas. Mais plus largement, si on ne crée pas les conditions du développement de l'Afrique, l'Europe sera débordée. Pour contenir toute cette jeunesse sans emplois, sans revenus, en quête de bonheur ailleurs, il faut que l'Afrique devienne une source d'espoir, de développement. La plupart des gens qui prennent tant de risques le font pour fuir la misère. Je n'ai pas vu beaucoup de milliardaires prendre le risque de se noyer."