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Niger: six mois après les émeutes anti-chrétiennes, Zinder nie toute radicalisation
Publié le vendredi 26 juin 2015   |  AFP


Emeutes
© Autre presse par DR
Emeutes anti-chrétiennes au niger


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De la cathédrale de Zinder, il reste le bâtiment noirci, l’autel désaffecté et les pales poussiéreuses des ventilateurs : le 16 janvier, des manifestations contre Charlie Hebdo ont viré en émeutes anti-chrétiens mais les autorités nient toute radicalisation de la majorité musulmane.

Cinq personnes ont perdu la vie dans l’éruption de violence ayant frappé l’ancienne capitale (sud) et deuxième ville du Niger. Cinq autres sont mortes le lendemain à Niamey. Des dizaines d’églises ont été brûlées par des manifestants, souvent jeunes, dans les deux villes.

La modeste cathédrale de Zinder paraît désormais à l’abandon, vaguement surveillée par un policier léthargique. Les catholiques, pour la plupart issus des pays voisins (Togo, Burkina Faso, Bénin...), "sont sous le choc. Ils ont été traumatisés", observe un habitant de la ville.

"Ce sont nos frères musulmans qui ont détruit leurs églises. Ils doivent leur demander pardon", réagit Maman Sani Hassane, l’imam de la mosquée du gouvernorat, qui comme la quasi totalité des leaders religieux de Zinder, a condamné les faits.

Les violences contre les chrétiens n’ont toutefois rien à voir avec une "radicalisation" de ses ouailles, affirme-t-il.

Dans une ville où mosquées et madrasa pullulent, "plus de femmes portent certes le voile et les jeunes connaissent mieux le Coran", se félicite l’imam. Mais il s’agit d’un "réveil des consciences", d’un "retour aux valeurs islamiques".

- le bordel épargné -

Malgré la présence de quelques "groupuscules" composés d’"extrémistes" influencés par des prêcheurs venus du Nigeria voisin, d’Arabie saoudite ou du Pakistan, "il n’y a pas de radicalisation", confirme le gouverneur de la province, Mutari Kalla.

"Mais une islamisation rampante, oui", souligne-t-il, accompagnée d’une certaine "hypocrisie": "A Zinder, on a brûlé la cathédrale, mais on a laissé le bordel qui lui fait face."

"Les gens ont sûrement réagi par mimétisme, en se disant que s’ils ne faisaient rien, on allait les prendre pour de mauvais musulmans", suggère Amadou Mahamadou, le rédacteur en chef de la radio privée Anfani à Zinder.

D’après ce journaliste, le conservatisme religieux aurait même reculé en ville : "dans les années 1980, un célibataire ne pouvait même pas trouver de logement ici car les habitants craignaient la débauche. Maintenant, on ne compte plus les naissances hors mariage".

Le 16 janvier, ce seraient donc moins les musulmans locaux, scandalisés par un caricature du prophète en Une de l’hebdomadaire satirique français, que des "voyous", "utilisés" par certains "marabouts" (deux d’entre eux ont été arrêtés, NLDR) et "politiciens", qui ont "saccagé" les églises, prétend le gouverneur.

Dès le soir des émeutes, les autorités accusaient l’opposition d’avoir chapeauté les violences, ce que celle-ci réfutait formellement. Mais à Zinder, fief de l’ex-président nigérien Mahamane Ousmane (1993-1996), devenu opposant, le siège du parti au pouvoir était incendié.

Une quinzaine de militants de l’opposition étaient aussi interpellés pour la destruction d’une résidence de Mohamed Bazoum, le président de cette formation, à Gouré, à 180 km de Zinder.

- ’Frustration’ -

"Les gens ont pris le couvert de la religion pour descendre en nombre dans les rues et régler leurs comptes avec le régime", dans une période de grande "frustration", analyse Amadou Mahamadou.

La vie politique nigérienne s’est crispée depuis août 2013 et le passage dans l’opposition de Hama Amadou, principal allié du président Mahamadou Issoufou lors de son élection en 2011.

Des dizaines d’opposants de son parti ont été interpellés en juin 2014, puis libérés. M. Amadou, poursuivi dans une affaire de "trafic de bébés", vit désormais en exil en France.

Dans ce contexte, le "Nous sommes Charlie", prononcé par le président Issoufou à l’antenne de Radio France internationale, après les attentats de Paris a servi de déclencheur.

"Dans la manifestation, les gens s’en foutaient des chrétiens, avec qui ils ont toujours bien collaboré", assure un autre journaliste.

Le "désœuvrement" de la jeunesse locale a fait le reste, constate Lawan Karimou, président des associations de jeunes de la ville.

Car Zinder est aussi connue pour ses "Palais", des gangs violents aux noms évocateurs - "snake", "gangster" - qui puisent leur racine dans la culture rap, les séries télévisées et, surtout, la pauvreté endémique.

Le janvier, ces "jeunes des kara-kara" (bidonville), des "faibles d’esprit" à "l’avenir très sombre", ont également détruit des bars, vandalisé des écoles et énormément pillé, énumère Lawan Karimou.

Loin des valeurs religieuses qu’ils prétendaient défendre.

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