La vitalité d’une démocratie se mesure à l’aune de la dialectique entre les forces antagoniques qui, sans se détester, doivent animer et faire vivre la contradiction dans le fair-play et le respect de la différence.
C’est pour dire que dans une démocratie normale et vivante, il revient à une opposition de jouer pleinement son rôle afin que le pouvoir du peuple ne soit confisqué par une minorité qui s’en servira pour brimer les faibles et exploiter le peuple. L’opposition nigérienne jouait ce rôle mais le régime des camarades ne voulait pas d’une opposition, tellement il est arrivé que le pouvoir leur fasse peur, très peur.
Pour s’éviter toute contrariété, il avait imaginé ce fameux gouvernement d’union dans lequel toutes les forces étaient invitées pour manger ensemble et sans doute pour oublier le peuple qui attend. Pourtant, ce sont ces mêmes qui font l’apologie d’un tel gouvernement qui disaient en d’autres temps que cette forme d’entente politique sournoise ne pouvait qu’être « une escroquerie politique ». L’ARDR avait alors compris la supercherie et a rejeté le deal que lui proposait le régime d’Issoufou Mahamadou, sans doute pour les mêmes motifs qu’invoquait hier le PNDS pour refuser de rentrer dans un gouvernent d’union. Mais puisque le refus intelligent de l’opposition ne rassurait pas des politiciens frileux qui avaient peur de gouverner, il fallait par la force dissuader l’opposition à jouer son rôle. C’est ainsi que l’on a vu interdire toutes les actions que voulait entreprendre l’opposition pour dénoncer la mal gouvernance. Ses marches, ses meetings, ses déclarations sont policièrement surveillés et refusés. Et la démocratie, à petit feu, se meurt…
Pour étouffer toutes les voix libres qui osaient se faire entendre, il y avait la férocité policière pour brimer et museler la parole. La démocratie nigérienne était alors en souffrance. On arrête toutes les voix qui dérangent, on les traque, on les matraque, on les gaze, on les emprisonne en trouvant, pour justifier la peine ou la précaution de garde-àvue, quelques fallacieux griefs que l’on n’a pas encore enseignés dans les facs de droit. Massaoudou pouvait être fier d’être le seul à en avoir l’expertise pour coller au cas par cas, les chefs d’accusation qui envoient dans le goulag de la renaissance des hommes qui ont eu l’audace – et c’est leur péché – d’avoir refusé d’être avec le Guri-système. Depuis des mois, après Soumana Sanda, Oumarou Dogari et d’autres militants de Lumana, c’est un homme sage qui n’a jamais appris à faire le mal, et qui est injustement incarcéré à Say. Youba Diallo, comme les autres, paie pour sa fidélité à Lumana et à Hama Amadou. Mais faut-il que l’opposition se taise parce qu’on l’aura intimidée, en lui brandissant la menace de la prison ? Et aujourd’hui et les militants et les observateurs ne comprennent pas ce silence de l’opposition nigérienne dans un contexte où ne manquent pas des choses à dénoncer pour dire le mal d’un régime qui accumule les fautes et les crimes. Faut-il qu’elle croie que les fautes sont si lourdes qu’elles sont suffisantes à disqualifier le Guri ? Ce n’est pas évident. On peut même croire que le régime est submergé par ses problèmes au point où il ne sait plus où mettre de la tête mais pour autant, cette opposition qui a les ressources nécessaires ne doit pas adopter la posture attentiste qui est la sienne aujourd’hui alors qu’elle aurait dû s’agiter, et faire autant de bruit que l’avait fait le PNDS à l’opposition pour montrer qu’elle a envie du pouvoir et qu’elle pouvait le mériter.
Depuis quelques jours de graves sujets viennent éclabousser le régime et l’opposition se tait. On ne l’entend pas sur les fraudes des concours à la fonction publique, sur les fuites au bac 2015, sur l’affaire Bolloré. Toutes ces questions ont un intérêt national qui aurait commandé que l’opposition se prononce aussi bien pour dénoncer que pour exiger des mesures punitives à l’encontre d’indélicats et cela ne devait pas être compliqué pour un régime qui s’est fardé d’une HALCIA pour dire sa ferme volonté à lutter contre l’impunité et la corruption qui sont curieusement le sport favori du régime des camarades. On peut croire aussi que l’opposition devait se prononcer sur ces graves sujets pour se disculper car ses remontrances en pareilles situations pourraient témoigner qu’elle n’est liée ni de près, ni de loin à de telles avanies.
Mais plus que sur un autre sujet, c’est par rapport au recensement électoral que les Nigériens et même la communauté internationale ne comprennent pas le silence de l’opposition nigérienne. Faut-il laisser courir les choses jusqu’au jour où le Guri aura atteint ses objectifs pour n’avoir en ce moment que ses yeux pour pleurer et alerter, alors que ce sera tard, que le recensement n’est pas bon et que le fichier qui en est issu ne devait pas être fiable ? Dans la vie comme dans la politique, il faut savoir ce que l’on veut. La question du fichier n’est pas une mince affaire et parce que c’est elle qui va déterminer pour beaucoup la sincérité des élections et le climat dans lequel elles devaient prendre fin, il est impératif que l’opposition use de son poids pour imposer au pouvoir des socialistes le consensus nécessaire autour de l’élaboration du nouveau fichier. Si l’opposition ne le fait pas dès aujourd’hui, il n’est pas évident qu’elle trouve demain des gens pour écouter ses récriminations.
Les Nigériens ne comprennent pas leur opposition. Elle ne se bat plus. Est-ce la faute au ramadan ? Ou bien est-ce parce qu’elle ne se fait plus confiance ? La vérité est qu’elle a un grand intérêt à sortir de cette nonchalance pour se dresser en face de son vis-à-vis contre lequel elle a plus d’atout aujourd’hui car les Nigériens sont fatigués de ce régime et on peut entendre dans les causeries plaintives des Nigériens que si ces gens devaient revenir en 2016, les Nigériens feront mieux de s’exiler pour les laisser achever un pays qu’ils ont mis à terre. Il se trouve d’ailleurs qu’aujourd’hui, bien d’autres Nigériens et qui avaient cru hier que leurs camarades étaient capables ont fini par perdre leur foi socialiste. On n’avait vraiment pas eu tort d’avoir écrit dans les colonnes de ce journal alors qu’on était encore loin de la déconfiture actuelle, que « le peuple est à l’opposition ! ».