Entretien avec Maman Bachir Abdou, maire de la Commune urbaine de Mirriah : "Il faut que les populations sachent que personne, mieux que nous, ne fera le développement de nos communes"
La commune urbaine de Mirriah a été créée le 27 juin 1988. C'est l'une des huit communes et le chef lieu du département du même nom. En 2012, au recensement général de la population et de l'habitat, cette commune comptait 80.126 habitants pour une superficie de 661 km2. Elle est limitée à l'Est par la commune rurale de Hamdara, à l'Ouest par la commune rurale de Kolaram, au nord par les communes rurales de Zermo et Gafati et au sud par la commune rurale de Gounna et le département de Magaria à travers la commune rurale de Wacha. Le Conseil municipal de Mirriah est composé de 14 conseillers municipaux élus et quatre membres de droit dont le chef de canton, les deux chefs de groupements (peul et touareg) et l'honorable député au titre de la circonscription. Parmi les 14 conseillers élus figurent deux femmes conformément à la loi sur le quota.
Quelles sont les principales activités des populations de Mirriah ?
Comme la majeure partie des populations nigériennes, les principales activités des populations de Mirriah sont l'agriculture, l'élevage, le commerce et l'artisanat. Vous savez que Mirriah compte en son sein des potiers et potières bien connus. Nous avons aussi un important potentiel en matière d'irrigation. Il y a le site de Falki qui a une superficie de plus de 600 ha avec 3000 exploitants. Il y a deux (2) autres sites à savoir Fotoro Hausa d'une superficie de 75 ha et le site de Fotoro Bougajé de 50 ha. Un autre facteur à prendre en compte, c'est l'expérience de notre commune qui est une ancienne commune.
Comment se présente la mobilisation des ressources au niveau de votre commune ?
Il n'est un secret pour personne que la grande partie de nos communes au Niger souffre du problème de l'incivisme fiscal. Mirriah ne fait pas exception. C'est vrai que notre commune est une ancienne commune, mais l'incivisme fiscal persiste toujours. A titre illustratif, les taux de réalisation tournent généralement autour de 50% par rapport à nos prévisions budgétaires.
Avec un tel faible taux de mobilisation, arrivez-vous M. le maire à assurer correctement le fonctionnement de la commune et à réaliser des investissements au profit des populations ?
Difficilement. Vous savez, nous disposons de services techniques communaux (agriculture, élevage, etc.), rien que pour le fonctionnement, nous avons une masse salariale de plus d'un million de francs CFA par mois. D'autre part, la loi exige qu'on consacre 45% des ressources mobilisées pour le fonctionnement et 55% pour les investissements. Ce n'est pas facile d'exécuter ces dispositions quand on n'a pas un taux de recouvrement assez consistant et souvent on a même des difficultés pour assurer le fonctionnement. Mais Dieu merci, cette année et il faut le souligner car c'est la première fois dans l'histoire du Niger, l'Etat a appuyé toutes les communes à travers le Fonds d'appui à la décentralisation qui est destiné au fonctionnement et celui de péréquation destiné aux investissements. Notre commune en a déjà bénéficié et cela nous a beaucoup aidés pour combler le gap.
Justement pour combler ce gap en financement, certaines communes développent des partenariats. Est ce le cas ici à Mirriah ?
Absolument. Mirriah a d'abord comme principal partenaire le Programme d'actions communautaires (PAC). Nous avons déjà bénéficié des interventions du PAC 1 et du PAC 2 et nous avons été retenus pour le PAC 3. En dehors de ce partenaire, nous avons aussi le Projet Petite Irrigation (PPI Ruwanmu). C'est aussi un grand projet qui intervient dans plusieurs communes de la région de Zinder dont la notre. Il y a aussi le PEMERSA qui investit dans les domaines de l'irrigation, de l'élevage et des infrastructures socioéconomiques. A cela, il faut ajouter l'Ong Sawki et Helen Keller International ; ils sont nombreux et on ne peut tous les citer ici. En outre, nous avons fait un grand pas dans le partenariat nord-sud, puisque nous avons entamé un processus de jumelage avec une commune de la Turquie. On a échangé avec eux, ils ont demandé notre accord que nous leur avons déjà envoyé. On attend leur réponse. Il y a aussi le jumelage interne qu'il ne faut pas négliger ou minimiser à notre avis. Il faut le valoriser et développer l'intercommunalité. C'est pourquoi Mirriah a noué un jumelage avec la commune urbaine d'Arlit. Les conseillers municipaux de cette commune nous ont déjà rendu visite et on a passé trois jours de travaux avec eux. Nous sommes en train de préparer notre voyage sur Arlit.
Quelles sont les principales contraintes auxquelles fait face votre commune ?
Vous savez, les communes ne fonctionnent qu'avec leurs propres ressources. Il ne faut pas toujours attendre des appuis extérieurs, il faut d'abord mobiliser ses propres ressources pour montrer aux éventuels partenaires qu'on a la volonté de faire. Et c'est là le problème. La mobilisation des ressources internes n'est pas à la hauteur de nos attentes. Notre expérience de quatre années à la tête de cette commune nous a amène à croire qu'il faut carrément changer le système du recouvrement dans toute la région. En effet, sur les 55 communes que compte la région de Zinder, il est difficile de trouver 10 communes qui fonctionnent normalement et dont le système de recouvrement est performant. Ce n'est pas que les communes n'ont pas les capacités ou les potentialités, mais c'est le système de recouvrement qui n'est pas adapté pour une mobilisation conséquente des ressources. Il faut nécessairement chercher des agents et des bons collecteurs, on n'a pas ici ce dispositif.
Et que proposez-vous pour arriver à bout de cette difficulté ?
J'ai vu que les autres régions ont procédé au recrutement des agents de la police municipale. Je suis d'avis qu'il nous faut nous aussi suivre l'exemple de ces régions pour adopter ce système. Je suis sûr que si on arrive à recruter des agents de la police municipale, cela va contribuer à améliorer la mobilisation des ressources internes. Personnellement, j'ai fait toutes les tentatives ça n'a pas marché. Un autre défi, c'est qu'il faut aussi faire une sensibilisation intensive. On a réclamé la démocratie et la décentralisation, or la démocratie n'est pas synonyme de laisser aller. Il faut que chacun respecte les règles démocratiques. Il faut que chacun contribue en s'acquittant normalement de ses impôts et taxes et il faut que nous gérons bien nos ressources, c'est ainsi seulement qu'on peut aspirer au développement. Il y a aussi un problème de personnel qualifié. La plupart des exécutifs communaux que nous sommes, sommes arrivés à travers des élections. C'est pourquoi, il faut un appui technique aux communes. Nombreuses sont les communes qui n'ont pas de ressources humaines qualifiées. Enfin, il faut que les populations sachent que personne, mieux que nous, ne fera le développement de nos communes.
Comme on le voit M. le maire, les contraintes sont nombreuses. Est-ce qu'il y a des perspectives pour votre commune ?
Nous avons un PDC (Plan de développement communautaire). Et c'est ça qui constitue le poumon ou le cœur d'une commune. Nous sommes en train de voir le Plan d'investissement annuel (PIA). Tant qu'on a des ressources, tout ce qui a été programmé sera exécuté. C'est l'outil principal de la gestion de la commune. Nos prévisions budgétaires sont d'environ quatre vingt huit (88) millions de francs CFA. Et ce montant ne prend pas en compte les appuis des partenaires. Mais avec le faible niveau de mobilisation que nous avons, nous n'arrivons pas à faire de gros investissements. C'est pourquoi, on se tourne vers les partenaires techniques et financiers. Mais eux-mêmes demandent la contribution de la commune qui est de 10% pour réaliser un investissement. Nous privilégions ces contributions dans nos dépenses, ensuite, nous faisons des appuis dans les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'assainissement, de l'élevage, de l'agriculture, de l'hydraulique.
Réalisé en avril 2015 par Siradji Sanda, Envoyé spécial(onep)