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Le Sahel N° 8865 du 26/1/2015

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Soutenance d’une thèse d’habilitation à diriger des recherches en Philosophie par Dr Abdoulaye Sounaye : Une importante contribution à la compréhension de la religiosité contemporaine
Publié le mercredi 19 aout 2015   |  Le Sahel




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L'ambiance était captivante le 14 Août dernier au Campus numérique francophone où le plus anglophone des enseignants chercheurs du département de philosophie de l'Université Abdou Moumouni de Niamey, Dr Abdoulaye Sounaye a soutenu publiquement une thèse d'Habilitation à diriger des recherches (HDR) en Philosophie sur le thème "Religion et modernité : contribution à l'analyse de la réislamisation".

Dr Abdoulaye Sounaye qui a soutenu en 1995 à l'université Cheik Anta Diop de Dakar, une brillante thèse sur le thème "Logicisation de la géométrie et géométrisation de la logique", menait depuis une quinzaine d'années des recherches en vue d'une thèse d'Habilitation à diriger des recherches (HDR) en Philosophie. Mais cette fois ci, le discret et modeste philosophe, a choisi comme domaine de recherche, un terrain jusque-là inexploré par les chercheurs nigériens. Ce n'est pas une rupture avec la logique, dira le philosophe, lors de la présentation des résultats auxquels il a abouti. Chercheur polyglotte, Abdoulaye Sounaye, qui s'exprime aussi aisément en français qu'en Anglais langue dans laquelle sont publiées une grande partie de ses recherches, a travaillé sur cette thèse sous la direction Monsieur Souleymane Bachir DIAGNE, Professeur titulaire, Columbia University (USA).

La soutenance s'est déroulée devant un jury présidé M. Yaovi Akakpo, Professeur titulaire, Université de Lomé (Togo). Il y avait comme membres de jury M. Maikoréma Zakari, Professeur titulaire, Université Abdou Moumouni de Niamey(Niger), M. Mahaman S. Tidjani Alou, Professeur titulaire, Université Abdou Moumouni de Niamey(Niger), M. Jean-Dominique Penel, Maître de conférences, Université de Banjul(Gambie) et M. Mounkaïla Abdo L. Serki, Maître de conférences, Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger).
Pour entrer dans l'économie des travaux de Aboulaye Sounaye, il faut relever que sa problématique générale porte sur «la religion et la religiosité, prises dans un contexte musulman». Depuis une vingtaine d'années, a-t-il fait-il remarquer au début de sa présentation, l'Islam a connu des transformations dans le contexte nigérien. Comment l'Islam est arrivé à avoir l'importance qu'il a dans ce contexte de démocratisation ? Comment théoriser cette évolution de l'Islam, au Niger ? De quel type de contextualisation avons-nous besoin pour saisir ce phénomène ? Quel modèle explicatif pouvons-nous construire pour rendre compte des religiosités militantes telles que nous les voyons émerger en Islam. En somme, comment contribuer à l'analyse de la religiosité contemporaine dans ce contexte nigérien et africain de manière générale.

Ainsi qu'il le dit, Dr Aboulaye Sounaye résume sa problématique de sa recherche de ces quinze dernières années sous une intention qui consiste à interroger, à comprendre la religion et la religiosité. Le chercheur, parle de religion, dans le sens d'un discours sur le monde, un mode discursif, à travers lequel on perçoit le monde et on organise ses relations en fonction de cette perception. «C'est une organisation des interrelations sociales, politiques, économiques », précise -t-il. Le chercheur présente ainsi la religiosité comme l'expérience, le vécu de ce monde, sous le prisme de la religion, précisément l'Islam. «C'est la condition du fait, et de l'être religieux, des différentes manière d'être musulman», résume-t-il. Poursuivant son explication, Dr Abdoulaye Sounaye précise qu'il s'interroge dans sa démarche, sur les façons dont l'Islam se reconstruit, sur les façons dont la religion et la religiosité participent d'une idéologie fondatrice du politique.

Mais le chercheur prend bien soin de relever qu'en parlant de politique, il ne réduit pas le concept au sens habituel, exclusif, comme on l'entend très souvent, plutôt dans le sens de l'organisation de la société. Dans ce sens cette organisation concerne les « sociabilités » qui émergent grâce au discours auquel fait allusion le chercheur, mais aussi les « subjectivités », c'est-à-dire la manière dont le sujet est « informé » par ces différents discours. Aussi, Dr Abdoulaye Sounaye pense qu'il est important pour les penseurs sur les sociétés africaines, de comprendre ces dynamiques religieuses, ces univers de discours qui s'offrent aux musulmans, et même aux non musulmans. Ce qui est tout aussi important pour saisir la nature de l'Islam, estime-t-il. De ces problématiques générales et orientations, prises par ses recherches Dr Abdoulaye a découvert une modernité en œuvre.

Ce qui évidemment semble un lieu commun, car ainsi qu'il en convient, la modernité est présente partout. «Nous sommes tous modernes», rappelle-t-il. La question qui se pose alors, est de savoir comment est-ce que cette modernité s'affirme dans le contexte nigérien. Dans les différents débats qu'il a été amené à analyser au cours de ses recherches, Dr Abdoulaye Sounaye a découvert que cette modernité est fondamentalement religieuse, et les religiosités sont modernes tout en reniant parfois la modernité. Ce qui l'amène à percevoir cette modernité sous l'angle de l'autonomie de la raison religieuse, de la critique de la tradition religieuse. Un fait présent, depuis au moins une vingtaine d'années, ou trentaine d'années dans le contexte africain et même au-delà, où la tradition islamique s'interroge, se met en crise, souligne-t-il. Mais, aussi, un fait qui révèle comment cette modernité subit et gère ces différentes contradictions. Le chercheur a ainsi perçu relativement à ces faits qu'il a analysés, ce qu'il appelle «un anti cléricalisme », « fondateur frondeur », qui s'est posé en certains moments comme un trouble-fête. Une situation qui a dérangé la société et l'a transformée.

Des orientations pour comprendre la religiosité contemporaine

A partir des découvertes découlant de ses travaux, le chercheur dégage quelques orientations théoriques. La première porte sur ce que Dr Abdoulaye Sounaye appelle la « réislamisation ». Mais il le mentionne bien afin d'éviter tout malentendu à propos de ce concept de réislamisation. « Il ne s'agit pas d'inventer la tradition islamique », prévient le chercheur. En fait, précise-t-il, ses différentes analyses, l'ont amené à relever une tendance à la correction. Autrement dit, la réislamisation se présente comme un processus correctif, caractérisé par le rejet de l'innovation, ou la « Bidi'â », considérée comme dangereuse, car elle est « inauthentique », et blâmable.

Concrètement, la réislamisation voulait corriger la pratique islamique et en même temps la société. D'un projet de réforme religieuse, on a abouti à un projet de transformation sociale, fait-il remarquer. Ce que selon le chercheur illustrent les contextes, nigériens, nigérians, sénégalais, maliens...Cette réislamisation, se caractérise par tout un discours de morale, toute une critique, une nouvelle religiosité qui émerge. Aussi, cette réislamisation contient une purification. Il s'agit de purifier la tradition et de redéfinir ses contours. Et pour Dr Abdoulaye Sounaye tout ce qu'on observe aujourd'hui est la manifestation de ce réajustement, de ces contours de la tradition islamique. A ce sujet il relève l'angoisse d'un discours qui voit de la corruption dans la tradition.

La deuxième orientation théorique qu'avance le chercheur porte sur l'univers discursif et argumentatif. Elle porte sur l'institution d'un débat dans lequel des arguments historiques, théologiques et même politiques sont mobilisés, pour nourrir cet univers discursif et argumentatif. Ce qui a abouti à une restructuration des normes de pensées et de l'argumentation. Troisièmement, le chercheur relève la formation d'une société civile islamique avec un discours qui concerne le bien public, et qui consiste à dire qu'il y a un droit du citoyen. Quatrièmement, il note que de la mobilisation de ces arguments, on aboutit à des confrontations symboliques avec au centre la question de la laïcité, sa valeur, ...

Cinquièmement, il y a une épistémologie des transformations sociales qui conditionnent trois éléments fondamentaux. D'abord un rationalisme qui se base sur la connaissance de l'Islam. Il faut connaitre la tradition islamique pour en être un bon pratiquant, d'où une culture de savoir. Parlant du contexte nigérien Dr Abdoulaye Sounaye évoque l'émergence d'un courant anticléricalisme, anti maraboutique, une certaine démocratisation du savoir islamique et de l'Islam, avec en vue des personnages nommées « Oustaz », comme porteurs de ces discours.

La Sixième orientation dégagée par le chercheur concerne une lecture particulière de l'histoire de la société, un discours qui dit que la vérité est dans le passé, et la norme dans le modèle prophétique, avec le discours sur la Sounna ou ce qu'il appelle le sunnisme contemporain qui consiste à dire que la tradition doit se limiter au Coran et aux hadiths. Sur ce point le chercheur indique qu'il voit dans son analyse la religion à la première personne, une sorte de religiosité réflexive qui dit que « la religion c'est d'abord moi en tant que sujet, je n'hérite pas de l'Islam de mon père, ou de ma mère, mais c'est à moi de faire l'effort pour affirmer ma religiosité, pour la vivre ». Un autre élément relevé par rapport à cette lecture de l'histoire de la société porte sur la « Jamaa » comme entité politique, la communauté qu'on essaie de redéfinir, avec de nouveaux critères.

La septième et dernière orientation que donne le chercheur à partir de ses analyses, porte sur ce qu'il appelle « l'effet Izala », un terme qui vient d'une organisation qui affirme un anti soufisme et l'affirmation d'une rationalité qui consiste à dire que tout ce qui est innovation doit être écarté de la tradition et qu'on doit se limiter au Coran et à la Sounna. Ce discours, dit-il a émergé au Niger dans les années 1990, perçu d'abord comme subversif, avant de devenir un discours normal il y a une quinzaine d'années, produisant des acteurs agissant dans la transformation sociale. Dans la même lancée le chercheur évoque l'émergence d'un salafisme modéré qu'il décèle jusque dans la sphère politique, où on entend souvent des références à des khalifes tels que Omar, comme modèle de gouvernance politique, ce qui l'amène également à s'interroger sur le besoin de ce genre de référence dans un contexte démocratique, « laïc».

Ce sont là, de façon synthétique les différents contours de la présentation faite par le chercheur en ce qui concerne les travaux qu'il a menés, sur le thème "Religion et modernité : contribution à l'analyse de la réislamisation", et à travers lesquels il a voulu porter une « anthropologie de la religion », dans un contexte musulman et africain. En effet, estime-t-il si on considère que la philosophie est cette façon de penser, d'éviter de se satisfaire du discours tout fait, on comprend l'utilité d'une anthropologie. Et comme il l'a fait, qui a consisté à aller écouter, converser, comprendre finalement tout ce qui ne se laisse pas voir.

« J'ai osé dire dans ce travail qu'on a besoin d'anthropologie, pour assoir une véritable pensée, pour assoir une compréhension des dynamiques religieuses ». Ce travail qu'il est en train de faire en ce qui concerne l'Islam peut dit-il s'appliquer au Christianisme, où il y a de nouvelles spiritualités, religiosités qui émergent.
Ces travaux conduits dans une démarche multidisciplinaire ont été unanimement appréciés par les membres du jury. En effet, au-delà de la formalité qui confère désormais au chercheur le titre d'Habilitation à diriger des recherches (HDR) en Philosophie, cette thèse, inaugure un nouveau champ de recherches et donne de la matière à d'autres chercheurs.
Souley Moutari(onep)

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