A six mois des élections au Niger, le chef de l'Etat resserre les rangs. Dernière victime de ce coup de balai, l'ex directeur de cabinet adjoint du président, Ibrahim Yacouba. L’épilogue de l’ascension de l’ambitieux syndicaliste douanier Ibrahim Yacouba a été rendu public le 1er septembre, date de son remplacement au poste de directeur de cabinet adjoint du Président.
Abattu en plein vol
C’est ainsi que s’achève provisoirement la trajectoire atypique d’un douanier altermondialiste, figure de la société civile et cadre plein d’avenir du parti rose, abattu en plein vol à 44 ans par les caciques du parti au pouvoir. Un avertissement sans frais aux ralliés du régime, rappelés sans ménagement à la discipline.
Après avoir dirigé pendant près de neuf ans le tout puissant syndicat des douaniers (Syndicat national des agents des douanes du Niger), Ibrahim Yacouba a été très actif au sein du régime de la Transition du général Salou Djibo. Il a occupé les fonctions de premier rapporteur de l’assemblée consultative de la Transition, aux côtés d’un autre lieutenant de Salou Djibo, Marou Amadou, également militant de la société civile, devenu depuis ministre de la Justice du Président Mahamadou Issoufou. Il faisait partie de ceux qui poussaient le militaire putschiste à embrasser durablement la politique à travers la création d’un parti qui soutiendrait sa candidature. C’est à la même époque qu’il a créé la télévision Niger 24 pour relayer ses projets.
Dès l’élection du président du parti rose en 2011, Ibrahim Yacouba a officiellement rejoint le PNDS, bien que son statut de douanier l’en ait théoriquement empêché, pour devenir ministre des Transports du gouvernement de Brigi Raffini.
En septembre 2013, il est appelé aux fonctions de directeur de cabinet adjoint du Président de la République, une place convoitée, dans l’entourage immédiat du Président, au cœur des intérêts occultes de ce dernier. Parallèlement, il essaye de se trouver un fief où concourir aux prochaines élections. Il jette d’abord son dévolu sur Maradi, où il est né, mais se heurte au baron rose local Kalla Ankaraou. Il décide alors d’investir Dogondoutchi, une terre de conquête.
Silence dans les rangs
Il investit beaucoup d’argent – car il est riche – pour acheter des militants du parti, des milliers d’entre eux, semble-t-il, et se construire une base. Mais cette base se heurte rapidement au patron de la Fédération de Dosso, qui a autorité sur Dogondoutchi, le ministre du Pétrole, Foumakoye Gado, l’ancien secrétaire général du parti, fidèle parmi les fidèles du Président Issoufou. Le contentieux est officiellement confié à l’arbitrage du président du parti, Mohamed Bazoum, qui cherche à rapprocher les deux parties. Mais Ibrahim Yacouba ne s’en tient pas là. Croyant – naïvement – avoir le soutien du Président, il défie le parti et s’aventure dans une opposition frontale. Fin août, il prend l’initiative d’une réunion dissidente très houleuse qui conteste publiquement les dirigeants de la Fédération de Dosso.
Exclu du PNDS pour ses méthodes « divisionnistes », il est aussitôt mis à pied de la Présidence, où il est interdit d’entrée, en l’absence du Président en congé. Ses comptes en banque sont bloqués. Le piège se referme sur lui alors qu’il vient tout juste de démissionner officiellement de la douane.
Le message est dur mais clair pour les ralliés du régime : l’autorité du parti ne sera pas défiée. Quel que soit leur trésor de guerre, leur influence politique et même leur popularité, ils ne sauraient imposer leur loi aux caciques du parti rose. A six mois des élections législatives et présidentielles, les candidats du camp présidentiel devront s’en souvenir.