Dans une interview qu'il a accordée à nos confrères de Jeune Afrique et parue dans leur édition N°2852 du 6 septembre 2015, le Président de la République Issoufou Mahamadou, a abordé, sans tabou, les grandes questions de l'heure. De son bilan à la situation sécuritaire, en passant par la situation sociopolitique nationale, l'effervescence d'avant élection, les libertés publiques, l'affaire des bébés importés, la présence des forces étrangères au Niger et l'accord avec Areva, le Chef de l'Etat a dit ce qu'il pense de ces questions et comment il les traite dans l'intérêt du Niger.
Evoquant les griefs faits par l'opposition, le Président Issoufou a estimé qu'elle est dans son rôle. Cependant, il a été on ne peut plus clair sur certaines exigences de l'opposition comme celle relative à la dissolution de la Cour constitutionnelle. ''Nous n'en avons pas le pouvoir. D'ailleurs, quel intérêt, puisque cette Cour présente toutes les garanties d'objectivité et d'indépendance ? Seuls deux de ses sept membres sont désignés par le Président de la République et par le président de l'Assemblée nationale, les cinq autres étant élus à la fois par les magistrats, les enseignants-chercheurs, le barreau et la société civile'', a-t-il déclaré. Il en va de même pour le calendrier électoral où, il a dit qu'il n'a pas à interférer dans les affaires de la CENI qui est une institution indépendante et autonome''. ''Je n'ai pas le pouvoir de dissoudre la Cour constitutionnelle et je n'ai l'intention ni de modifier la composition de la Ceni, ni d'interférer dans ses décisions. L'opposition fait preuve de mauvaise foi'', a-t-il dit sans ambages.
Le Chef de l'Etat, a par ailleurs placé l'entière responsabilité des directions des partis dans ce que ces derniers qualifient de ''concassage de partis politiques''. Evoquant la situation des libertés publiques, Issoufou Mahamadou a rappelé le palmarès du Niger en matière de liberté de presse (29ème en 2011 et 47ème en 2015). Cependant précise-t-il, aucun citoyen n'est au dessus de la loi. ''Lorsqu'il commet des infractions, il est normal qu'il en réponde devant la loi. Nous avons une démocratie très dynamique, où toutes les libertés sont respectées'' a-t-il déclaré. Relativement à l'affaire des bébés importés, Issoufou Mahamadou s'est refusé à tout commentaire. '' Cette affaire est devant la justice, je n'ai pas à la commenter'' déclare-t-il, balayant par ailleurs d'un revers de la main les accusations de complot d'assassinat évoqué par le concerné. ''Je suis un démocrate, pas un assassin'', a-t-il dit à ce propos.
Revenant sur ses actions et l'appréciation qu'en font les populations, le Chef de l'Etat a estimé que cette appréciation ne saurait se limiter aux ''agitations de petits groupes à Niamey''. ''Mes actions y sont davantage appréciées à l'extérieur. J'ai un programme, je le mets en œuvre. Ceux qui me critiquent aujourd'hui n'en ont aucun. J'ai promis aux Nigériens de faire des routes, le chemin de fer... Ils sont en cours. J'ai pro¬mis de ne pas les laisser mourir de faim, de faire en sorte que «sécheresse» ne soit plus synonyme de «famine». J'ai réussi avec le programme 3N. J'ai promis de rendre l'éducation obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans, en particulier pour les jeunes filles. Je fais de gros efforts pour tenir cette promesse, avec la création de nombreuses écoles et la formation de 3000 enseignants chaque année. Aucun gouvernement au Niger n'a eu de telles ambitions. Les Nigériens le savent'' a-t-il expliqué.
Au plan sécuritaire, le Président Issoufou a évoqué les efforts du gouvernement pour améliorer les conditions de travail des forces de défense et de sécurité. Ce qui a-t-il estimé, a permis au Niger de vivre en paix malgré la situation au Mali et en Libye, malgré les agressions de Boko Haram. Le résultat de ce travail, c'est le classement honorable des FAN par le site américain Global Fire Power, spécialisé sur les questions de défense. ''L'armée nigérienne est au 10ème rang des armées africaines. Nous sommes la meilleure armée d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique francophone, la deuxième de la Cedeao. Ce n'est pas un hasard'' s'est-il réjoui. Le président Issoufou a en outre placé la présence des troupes françaises et américaines au Niger dans le cadre d'un choix stratégique pour faire face aux menaces qui dépensent les frontières des Etats.
''Mon devoir est de protéger le Niger et les Nigériens, de leur permettre de se coucher et de se lever en sécurité. Est-il si difficile de comprendre que les menaces auxquelles nous devons faire face dépassent les capacités de nos États ? Entre deux maux, il faut choi¬sir le moindre. Le moindre, c'est d'avoir des alliés qui puissent nous permettre d'assurer notre sécurité. Lorsqu'il y a antagonisme entre sécurité et liberté, on opte pour la sécurité, quitte à rectifier le tir plus tard'', a-t-il expliqué. Le Chef de l'Etat a par ailleurs salué la nouvelle dynamique imprimée au Nigeria par le président Muhammadu Buhari dans la lutte contre Boko Haram. ''J'en suis totalement satisfait. Le président Buhari est très impliqué. Il a réservé ses premières visites à l'étranger aux pays du front, le Niger, le Tchad et le Cameroun. Depuis son arrivée, la force mixte multinationale est quasi opérationnelle. Et, ces derniers mois, les terroristes ont perdu du terrain, ils ont été affaiblis'' a-t-il déclaré.
Pour le président Issoufou, l'allégeance de Boko Haram au groupe État islamique ne change en rien la donne d'un point de vue opérationnel, précisant que les services de renseignement restent mobilisés. Une attention est accordée au front du nord ''qui reste ouvert et que nous ne perdons pas de vue''. «C'est la raison pour laquelle nous saluons l'accord d'Alger, conclu entre le gouvernement malien et les mouvements armés qui n'ont pas d'accointances avec les groupes terroristes; il nous permet de mieux isoler ces derniers pour mieux les combattre», a-t-il dit. Par contre le Chef de l'Etat s'est refusé à tout commentaire sur le processus de transition au Burkina. «Je ne m'ingère pas dans les affaires du Burkina et ne soutiens personne» a-t-il déclaré.
Enfin, relativement à l'accord avec Areva, le Président Issoufou a estimé qu'il est transparent et équilibré. «Il a fait l'objet d'un débat au Parlement. Areva a été soumis aux nouvelles dispositions fiscales du code minier 2006. Nous pen¬sons avoir obtenu un bon accord, qui est actuellement mis en œuvre. Il est consultable au ministère des Mines. On n'a rien à cacher », a-t-il dit.