La mendicité est entrain de devenir un phénomène social qui prend de l’ampleur dans la capitale Niamey avec l’éclosion de petits groupes de mendiants autour des grands carrefours, des centres de commerces et des marchés.
Il n’est pas rare qu’aux arrêts des feux de stop, devant les centres de commerces et des marchés, qu’un conducteur d’automobile, un client ou un simple passant, se voit apostrophé par un ou plusieurs mendiants opérant sur ces lieux. En véritable phénomène social, la mendicité est entrain de prendre des proportions qui, si les autorités ne prennent pas de mesures ou politiques adéquates de résorption, risqueraient de se généraliser au point de toucher un grand nombre de nos populations.
Moussa, jeune garçon de 16 ans dit ‘’je suis venu ici parce mon père est parti en exode vers la côte et ma mère n’a rien pour nous nourrir, je suis obligé de venir dans la rue pour mendier et trouver de quoi acheter à manger à elle et à mes petits frères. Je gagne 500 ou 1000f CFA parfois, et il y’a des jours où je ne gagne rien’’.
Maï Kano, aveugle, quant à lui, dit n’avoir personne pour l’aider à prendre en charge sa famille. ‘’Je suis seul avec une famille de 4 enfants laissés au village, je ne peux rien faire, vu mon état, qui puisse me permettre d’entretenir ma famille. La mendicité reste mon seul recours. Il m’arrive même d’aller jusqu’en Côte d’Ivoire. Souvent je reviens avec 200.000 ou 300.000f CFA, et nous vivons avec ça’’.
Ce phénomène est lié à plusieurs facteurs d’ordre sociologique, économique et culturel qui font que tendre la sébile est devenu une véritable activité génératrice de revenu.
Du point de vue sociologique il s’explique par la perte de certaines valeurs sociales. En effet, il est tout à fait admis qu’aujourd’hui certaines valeurs qui faisaient la fierté des sociétés rurales ont tendance à disparaitre. C’est le cas de la solidarité en milieu rural où les populations s’entraidaient mutuellement pour que personne ne meure de faim, mais sur laquelle l’individualisme est entrain de prendre pas.
Au plan économique la mendicité est la résultante d’une extrême paupérisation des populations due surtout aux différentes politiques économiques imposées au Niger par les institutions internationales de financement du développement qui ne favorisent pas réellement l’épanouissement des nigériens dans leur grande majorité. Ajouté à cela le climat qui ne répond plus aux attentes des ruraux.
Le seul remède, pour certains, est de tendre la sébile pour pouvoir satisfaire les besoins essentiels de survie. Cependant il faut remarquer qu’il y a trois catégories de mendiants : les saisonniers qui migrent des villages vers les villes pendant les périodes sèches de l’année qui sont obligés de mendier pour subvenir à leurs besoins à cause des mauvaises récoltes et des sécheresses; les mendiants permanents qui sont en situation de difficultés ; et en fin la catégorie de la mendicité liée à la culture des sociétés nigériennes animée par les talibés et autres handicapés.
Cependant la religion musulmane utilisée de manière abusive interdit la mendicité quand elle prend des proportions telles que ce que nous vivons aujourd’hui. En effet, « l’islam autorise la personne en difficulté à mendier juste pour gagner le nécessaire lui permettant de satisfaire le quotidien », au-delà de cela, il le bannit. Si une personne dépense en temps normal 1000f CFA pour ses besoins journaliers, selon l’islam, elle n’a pas le droit de dépasser cette somme. Une fois acquise il doit cesser de mendier ce jour là.
La loi nigérienne, quant à elle, interdit la mendicité par les articles 179 à 182 du code pénal. En effet, le code pénal dit que toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu public ou privé sera punie d’un emprisonnement de trois à six mois. Les parents de mineurs de moins de 18 ans se livrant habituellement à la mendicité, tous ceux qui les auront invités à mendier ou qui en tirent sciemment profit, seront punis d’un emprisonnement de 6 mois à un an. Les personnes qui font partie d’une association des mendiants sont punies de 1 à 2 ans de prison. Aucune peine ne pourra être, par contre, prononcée contre les vieillards de plus de soixante ans et les infirmes.
Mais des difficultés subsistent, quant à l’application de ces disposions du code pénal. Les pouvoirs publics n’ayant pas de programmes sérieux pour pallier ou réduire efficacement le phénomène de la pauvreté, se taisent ou laissent le fléau se développer jusqu’à prendre des proportions qui sont aujourd’hui inquiétantes.
La mendicité est alors liée souvent à une individualisation galopante des stratégies de résorption des problèmes de la communauté et une tendance à la disparition de la solidarité qui, autrefois, était une valeur sûre dans la gestion de la communauté en milieu rural. Il y a également l’attraction des ruraux par les villes et le développement d’une forme d’assistanat induite par la religion.
Aussi, si autre fois quémander constituait une honte pour une personne dans nos sociétés, aujourd’hui il est devenu la principale occupation d’une certaine catégorie de personnes, et avec tous les risques que cela comporte.
Il est alors nécessaire et impérieux pour les autorités politiques et autres décideurs publiques de prendre des mesures idoines pour créer des meilleures conditions de vie pour ces populations et réduire ainsi leur vulnérabilité.
