Khairatou Ibrahim Laouali est une jeune fille de la ville de Maradi. Née il y a 13 ans dans une famille modeste de 8 frères et sœurs, Khairatou est venue au monde jouissant de toutes ses facultés aussi bien mentales que physiques. Mais son destin a basculé lorsqu'elle contracta la poliomyélite avant l'âge de 5 ans. A cause de cette maladie incurable et invalidante, elle a perdu de facto l'usage normal de ses membres inférieurs. Là voilà devenue handicapée locomotrice. Un handicap que ses parents ont accepté avec résignation. Leur rêve de la voir aller à l'école et de recevoir une éducation moderne s'est brisé, bien que son handicap ne soit pas total car, elle arrivait à marcher cahin-caha. C'est cette jeune fille, teint clair au regard plein d'innocence que nous avons rencontré dans la cours de l'école Diori 1 de Maradi pour nous rendre compte de la vie des enfants handicapées fréquentant l'école.
La nouvelle situation de handicapée n'a donné que peu de choix à ses parents. Doivent-ils la garder à la maison ou la laisser prendre le chemin peu glorieux de la mendicité comme c'est le cas pour beaucoup d'autres enfants nigériens qu'on rencontre dans les rues, les marchés et autres carrefours. Mais face à ce choix limité, son père a décidé de ne pas la laisser aller mendier. Bien que n'ayant pas une autre alternative, il est conscient du danger de la pratique de la mendicité. Alors le papa a choisi de laisser sa fille à la maison, au milieu des siens dans la famille. Avec sa situation, il n'imaginait pas un seul instant qu'elle pouvait un jour fouler le sol d'une école. Clouée au sol, Khairatou a grandi à la maison jusqu'à l'âge de 9ans au moment où les autres membres de la fratrie et ses camarades d'âge partaient à l'école.
Aller à l'école c'est ce qu'elle voulait faire pourtant et elle rêve de devenir journaliste ou enseignante confia-t-elle. Une fatalité ? Son sort ne l'est pas vraiment. Mais étant fille et handicapée de surcroit, ses parents avaient accepté cela comme tel jusqu'au jour l'ONG Handicap International soutenue par l'UNICEF a frappé à leur porte pour leur dire que leur fille peut bel et bien et doit aller à école, car c'est son droit avant tout. Et cela dans le cadre de la mise en œuvre du projet "promotion d'un modèle inclusif à Maradi" (PMEIM). Une aubaine! Enfin une lueur d'espoir est apparue pour la jeune Khairatou Ibrahim Laouali. Ses parents coopérèrent avec l'ONG non sans hésiter un peu. Ils ont été sensibilisés sur la nécessité pour la fille d'aller à l'école comme tous les autres enfants. Ils ont compris le message.
Les assurances données quant l'intérêt de l'inscrire à l'école ont dissipé leur inquiétude. C'est alors, le cœur rempli de joie et l'esprit plein d'optimiste qu'ils l'ont inscrite à l'école primaire Diori 1 de Maradi. Cet établissement est, en effet, une des écoles pilotes où l'approche de "l'éducation inclusive" est expérimentée depuis quelques années dans le cadre du PMEIM de Handicap International. Khairatou a retrouvé le sourire depuis qu'elle a été inscrite. Et c'est avec joie qu'elle va à l'école chaque jour au même titre que ses frères qui, dit-elle, fréquentent l'école. Dans cette école, elle n'est pas la seule élève handicapée car, elle partage actuellement le banc avec 63 autres enfants handicapés. Ils étudient ensemble avec les autres élèves sans handicap dans la même école et dans les mêmes classes. Loin du cliché "personnes normales, personnes handicapées" qu'on connaissait par le passé et qui avait l'inconvénient de faire croire à cette catégorie d'enfants qu'ils sont inférieurs aux autres, cette approche fait des enfants handicapés, des élèves au même titre que les autres.
Quatre ans après son inscription, les résultats scolaires de Khairatou se sont avérés encourageants. Et l'élève, qui figure parmi les meilleurs de son niveau, va passer en classe de CM 1 à la prochaine rentrée scolaire 2015-2016 au grand plaisir de ses parents, qui disaient n'avoir pourtant pas cru au début qu'elle pourrait y arriver. Le directeur de l'établissement M Souley Abdou dit d'elle ''une élève battante et courageuse dont les performances scolaires progressent chaque année''. Ce dernier a apprécié hautement cette prouesse de Khairatou. Lorsqu'on lui demande si elle pense qu'elle peut aller plus loin dans ses études la jeune fille affiche une détermination sans équivoque. ''Je ne suis pas destinée forcément à être mendiante parce que je suis handicapée. Moi aussi j'ai le droit à l'éducation comme tous les enfants, d'aller à l'école pour apprendre afin d'étudier pour, plus tard, gagner ma vie dignement. A mon avis ce n'est pas le fait que je sois boiteuse qui va m'en empêcher. Tous les enfants handicapés doivent bénéficier de soutien de l'Etat et des partenaires pour aller à l'école" dit-elle.
Décomplexée depuis qu'elle a commencé à fréquenter, grâce au soutien et surtout à l'affection et l'engagement de ses enseignants, Khairatou dit ne déplorer aucune stigmatisation, ni provocation ou intimidation de la part de ses condisciples avec lesquels elle partage non seulement la classe mais aussi l'aire de la récréation. Etant une élève à part entière et fréquentant la même école avec les enfants dits "normaux". La jeune fille se dit prête à aller plus loin sur le chemin de l'école pour réaliser son rêve en précisant qu'elle veut devenir journaliste ou enseignante. Et cela est bien possible avec l'appui de l'ONG handicap International et
l'UNICEF qu'elle a tenu à remercier pour lui avoir montré la voie et l'avoir soutenue comme les dizaines d'autres enfants handicapés de Maradi qui ont bénéficié d'appuis divers de ces organisations, selon leur handicap.
En effet, en plus du soutien moral apporté aux élèves handicapés, certains élèves ont bénéficié des soutiens médicaux mais les établissements scolaires ont aussi bénéficié d'ouvrages et d'infrastructures pour accompagner les élèves. A l'école Diori 1 de Maradi par exemple, il a été réalisé des rampes de passage pour handicapé, des latrines et des tableaux abaissés, tous adaptés à la situation du handicap des enfants sans compter le système de suivi des enfants instauré pour les accompagner à l'école comme à la maison. Khairatou Ibrahim Laouali, s'en réjoui et souhaite disposer d'un moyen de locomotion à savoir un vélo tricycle pour soulager ses souffrances lors de ses déplacements à l'instar d'autres enfants qui en ont déjà bénéficié. La situation de Khairatou est un cas très encourageant surtout quand on sait que de nos jours des milliers d'enfants nigériens sont écartés du système éducatif à cause de leur handicap.
L'exemple du PMEIM mis en œuvre à Maradi mérite d'être vulgarisé, voire généralisé dans tout le pays pour que tout enfant, quel qu'en soit son handicap puisse bénéficier d'accompagnement pour jouir de son droit à l'éducation afin que le handicap ne soit plus un obstacle à la jouissance du droit à l'éducation d'un enfant tel que cela est consacré par les différents instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux.