La justice nigérienne serait-elle si grippée au point de tordre le cou aux règles élémentaires du droit? Malgré l’organisation en grandes pompes des états généraux de la justice, le débat reste d’actualité, car les citoyens continuent à se plaindre de la justice, à décrier des aberrations.
Vraisemblablement, les juges campent dans une logique de préservation de privilèges et dans l’enthousiasme de vouloir plaire aux autorités actuelles, plutôt que de s’acquitter en toute impartialité de leur travail : dire le droit, rien que le droit. Ainsi, il n’est pas rare de voir l’honnête citoyen être transformé en criminel, sur la base de la délation d’un individu à la moralité douteuse. Une inspection d’Etat peut conduire en prison des fonctionnaires, alors même que ceux-ci n’ont pas eu droit à la procédure du contradictoire, donc n’ont pu se défendre. En somme, tout est bâclé, parce qu’au Niger, l’on sait que vitesse et précipitation sont confondues ; qu’une fois accusé, l’opinion ne cherche guère à comprendre quoi que ce soit : elle vous condamne.
Tenez ! L’ex doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance hors classe de Niamey, Moussa Seybou Amadou, a été accusé de corruption et incarcéré depuis novembre 2012 à la prison de Ouallam. A la date d’aujourd’hui, c’est-à-dire 5 mois après et bien qu’il continue de clamer son innocence, il n’a toujours pas été interrogé. Pour ses proches et les membres de la famille judiciaire qui le soutiennent, cette situation conforte la thèse que le magistrat est victime d’un complot ourdi par certains de ses collègues. Et on serait en effet tenté de leur donner raison en se posant certaines questions :
Qu’est devenu le nommé Habiboulaye Adamou Moumouni, personnage central de cette affaire? Comment a-t-il réussi à prendre la fuite ? Quelqu’un l’aurait-il informé du mandat émis contre lui? Autre élément surprenant : pourquoi le magistrat instructeur, spécialement désigné pour instruire ce seul dossier, traîne t-il des pieds pour interroger le juge Moussa, alors même qu’un magistrat instructeur du tribunal qui gère à lui seul une centaine de dossiers, ne mettrait pas autant de temps pour interroger un inculpé? De plus, pourquoi les avocats n’ont toujours pas accès au dossier?
Selon des sources judiciaires, il y a quelques jours, l’ex doyen des juges qui jouit d’une grande estime au sein d’une large partie de la famille judiciaire a été pris d’un malaise et s’était évanoui. Il a été évacué à l’hôpital de Ouallam ou les médecins ont pu le réanimer. Mais faute d’avoir pu diagnostiquer sa maladie, le médecin chef a demandé que des examens plus approfondis lui soient faits à Niamey. Des le lendemain, le régisseur de la prison de Ouallam adressait une correspondance au magistrat instructeur et à la direction des affaires pénitentiaires pour demander l’autorisation. Pourquoi, à la date d’aujourd’hui, aucune suite n’a-t-elle été réservée à cette correspondance ?
Récemment, à la suite d’arrestations de certains de leurs militants, des syndicats et associations sont sortis de leurs gonds, pour dénoncer les errements de la justice. Ces personnes ont été incarcérées alors même qu’elles n’ont pas eu à exercer leur droit de réplique relativement à un rapport d’inspection. Epreuve alors pour le Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN)
O.I