Il faut une volonté politique affirmée de nos Etats, pour réformer la taxation sur les produits du tabac et s’adapter aux nouvelles exigences mondiales. De l’avis d’experts fiscalistes, réunis par le Cres dans le cadre de la phase I du projet régional de recherche action sur la taxation des produits du tabac en Afrique de l’Ouest, une nouvelle réforme sur la taxation du produit peut aider à combattre de façon énergique les industries du tabac.Agir sur la fiscalité est jusque-là, la meilleure façon de combattre l’industrie du tabac. C’est d’autant plus vrai que des pays en ont fait l’expérience et sont heureux de constater aujourd’hui un impact positif dans la baisse de la consommation du tabac. Ce sont par exemple les cas de l’Afrique de Sud qui applique une taxation de 459% ou encore du Ghana, qui a dépassé les 100%, depuis belle lurette, pour ne citer que ces pays, géographiquement plus proches des nôtres. Les pays industrialisés, eux, appliquent une taxation surélevée au point de pousser l’industrie vers les pays aux taxes faibles et aux lois peu contraignantes. Toujours à titre illustratif, la France, qui est également un bel exemple en matière de taxation du tabac, tire 80 % des recettes destinées à l’Assurance – maladie, du commerce du tabac.
Autant d’exemples qui font dire à Omar Ndao, point focal de la lutte contre le tabac au ministère de la Santé et de l’Action sociale, qu’il suffit juste d’une volonté politique de nos Etats, pour réformer leur taxation et s’adapter aux nouvelles exigences mondiales. M. Ndao partageait sa réflexion avec des experts fiscalistes de la direction des Impôts et de la Douane du Sénégal, en plus d’experts de l’Uemoa, au cours d’une journée de validation technique d’un argumentaire, adossé sur la nécessité de changer de politique fiscale dans l’espace communautaire.
A propos de cet argumentaire, c’est suite à une rencontre à Ouagadougou en novembre 2012, dans le cadre de la phase I du projet régional de recherche action sur la taxation des produits du tabac en Afrique de l’Ouest, que la Cedeao, qui accompagne le projet au niveau régional, a émis l’idée que des résultats déjà obtenus puissent servir à l’élaborer. A la suite de l’élaboration, l’argumentaire sera présenté aux commissions de le Cedeao et de l’Uemoa qui, sur la base de ce document, jugeront de l’opportunité de convoquer un comité technique d’experts.
Mais l’argumentaire est tellement important et déterminant que le Consortium pour la recherche économique et sociale (Cres) a tenu à le faire lire et améliorer par les experts cités plus haut, qui ont une expertise avérée dans la lutte contre le tabac, notamment en Afrique, avant de le transmettre à ces structures régionales.
Ce plaidoyer, présenté par Pape Yona Mané, chargé de cours dans une Université française, consiste à faire converger vers l’objectif d’un total de taxes représentant au moins 65% du prix de vente du paquet de cigarettes le plus vendu. Selon le consultant du Cres, «l’analyse, dans cet argumentaire, de la situation fiscale du tabac, a montré l’inadéquation des modes et niveaux de taxation avec cette convergence. Les simulations effectuées sur la combinaison des types et niveaux ont fourni des éléments, qui peuvent aboutir à une fiscalité efficiente». Avant de faire certaines recommandations : «Il faut relever les planchers de droit d’accise ad valorem fixés par la Cdeao et l’Uemoa à 70% pour toutes les marques et catégories de cigarettes.» Cette principale proposition vient du fait que certains pays appliquent le seuil plancher de 15%, alors qu’ils ont la possibilité d’aller jusqu’au plafond de 45% comme le font d’autres pays.
Saisine de l’Uemoa
Aussi, est-il proposé de «supprimer les plafonds qui restreignent les marges de manœuvre des Etats qui veulent appliquer une forte taxe, d’inscrire les produits du tabac dans la liste des produits de la 5ème bande tarifaire à 35%, d’associer un droit d’accise spécifique d’au moins 0,25 dollar américain par paquet à la taxe ad valorem de 70% minimum pour toutes les marques et catégories de cigarettes et d’adopter 0,25 dollar américain comme montant minimum de taxe d’accise spécifique».
Des propositions jugées pertinentes par les participants dont l’expert de l’Uemoa qui a donné des indications à propos du processus de décision. Pour Abdou Aziz Batoure, la commission de l’Uemoa peut élaborer une note dans laquelle, elle explique les raisons de cet argumentaire. Lequel argumentaire est soumis au Conseil des ministres, pour approbation et à la suite de laquelle, un arrêté est produit ou bien une directive, pour son application. Toutefois, M. Batoure explique que, par stratégie, le gouvernement du Sénégal devrait s’approprier le document du Cres et le soumettre himself à la Commission de l’Uemoa, pour étude…
Parmi les 51 milliards de francs Cfa, dépensés par l’Etat du Sénégal par année, en termes de prise en charge médicale, les maladies cardiovasculaires coûtent 12 milliards et 9 milliards pour le cancer. Suffisant pour Dr Abdoul Aziz Kassé d’insister sur l’argumentaire sanitaire, parallèlement à celui économique.