DAKAR -- Le difficile accès aux financements pour les médias africains a été souligné par des journalistes participant à Dakar à un atelier régional sur le rôle des médias dans la promotion et la conduite de processus électoraux pacifiques.
"Il est très difficile pour les médias africains d'accéder à des financements ; les patrons de presse ont tous les problèmes du monde pour contracter un prêt auprès d'une banque", a soutenu le responsable de programmes médias à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Tidiane Dioh.
"Il n'y a que les Etats et quelques fondations qui leurs apportent des soutiens financiers. Les banques pensent peut-être qu'un investissement dans la presse n'est pas rentable", a-t-il supposé.
"Il y a des fonds d'investissement dans plusieurs secteurs en Afrique mais je n'en ai pas vu pour les médias", a-t-il fait remarquer.
Aussi, a-t-il relevé, "les radios et les agences de presse ont été au fur et à mesure sacrifiées. Il n'y a que les télévisions qui sont véritablement soutenues financièrement parce que les chefs d'Etats pensent que seule la télévision mérite d'être aidée".
Concernant l'aide à la presse accordée aux médias dans certains pays, M. Dioh est d'avis qu'"il y a très peu d'Etats qui ont compris la philosophie de cette aide" et de souligner qu'"il y a des Etats qui donnent cette aide juste par effet de mode ou par contrainte".
"L'aide à la presse est en fait donnée indirectement aux citoyens parce que si on l'accorde aux médias c'est justement pour que les citoyens soient informés", a-t-il enfin soutenu.
"Je suis contre les chèques qu'on distribue au patron de presse", a déclaré le journaliste sénégalais Issa Sall, membre de la Commission électorale nationale autonome.
"Il faut structurer cette aide parce que si on l'accorde au médias c'est pour des raisons économiques", a-t-il estimé.
Selon lui, des patrons de presse dont les projets ont réussi sont ceux qui sont venus d'autres secteurs comme les hommes d'affaires".
"La presse africaine est plutôt militante et les autorités la considèrent comme telle alors que la presse est un secteur économique qui génère de l'emploi", a-t-il souligné/
"Il faut que la presse s'organise en patronat pour chercher des financements et cesser d'être juste une presse de revendication des droits des journalistes ou de plaidoyer", a-t-il suggéré.
"Nous recevons une subvention de l'Etat à la fin de l'année mais elle est très minime", a soutenu, pour sa part, le journaliste béninois Bruno Sewade.
"Le quotidien national se bat sur le marché de la publicité avec les organes privés pour avoir des fonds", a-t-il expliqué.
"Il y a même des activités des ministères que nous facturons parce que nous jugeons que c'est de la publicité et non de l'information", a-t-il ajouté, avant de souligner que "les agents du journal national ne sont pas des agents de l'Etat, ils sont recrutés par le journal qui les paye avec ses propres recettes".
Son confrère gambien, Madior Diop a noté que dans son pays "il n'y a pas d'aide à la presse".
"Les organes de presse se débrouillent comme ils peuvent et ont fréquemment des problèmes de générateurs, d'imprimantes, etc.", a-t-il déploré.
"Les Etats africains doivent investir dans la presse, ils peuvent même collaborer pour créer un grand groupe de presse continental qui pourrait rivaliser avec les groupes de presse étrangers", a-t-il conclu.
Cette idée d'un groupe de presse continentale n'est pas approuvée par Tidiane Dioh qui a rappelé que "BBC, France 24, Al Jazeera, ne sont pas des médias continentaux mais des média d'un pays".
"Tous les grands Etats développés financent leurs médias", a-t-il soutenu.
Cependant, a-t-il estimé, "il faut mettre à la tête des médias des gens qui connaissent le milieu parce qu'il ne suffit pas de faire des études sur la presse pour bien connaître le fonctionnement de la presse".