La Mobilisation des ressources internes au Niger, enjeux et perspectives :
Communication présentée par Issoufou BOUBACAR KADO, ancien premier secrétaire général adjoint de l’USTN, ancien secrétaire général du syndicat national des impôts et Trésor à la conférence débat organisée, le 10 octobre 2015, par le Groupe Alternative Espace.
Au Niger, la mobilisation des ressources publiques incombent aux services du ministère de l’économie et des finances.
Statutairement trois directions générales sont principalement chargées de la mobilisation des ressources publiques, il s’agit de la direction générale des impôts, de la direction générale des douanes et de la direction générale du trésor et de la comptabilité publique.
D’autres directions, parallèlement à leurs missions traditionnelles participent au recouvrement des ressources publiques, il s’agit de la direction générale du budget, de la direction générale du contrôle financier, de la direction générale de l’inspection générale des finances et de certains corps de contrôle des finances publiques.
La problématique de la mobilisation des ressources internes défis et perspectives a fait l’objet d’un thème de débat à la rencontre annuelle des cadres du ministère en charge des finances tenue le 4 et le 5 avril 2015 à Tahoua. L’importance du thème pour la vie de la nation n’est plus à démontrer.
Pour nous permettre de bien comprendre la problématique de la mobilisation des ressources internes, nous allons faire un survol sur les attributions règlementaires de chaque direction générale chargée de la mobilisation des ressources internes, puis examiner les réalisations effectuées et les prévisions 2015 assignées à chaque direction. Ensuite situer l’importance des ressource internes dans les prévisions budgétaires et il sera situé les goulots d’étranglement avant de formuler les recommandations pour améliorer la situation.
I/ La direction générale des impôts :
Dans le cadre de la mobilisation des ressources publiques, la direction générale des impôts a pour mission d’initier la préparation des textes législatifs, règlementaires relatifs l’assiette, au calcul et au mode de recouvrement des impôts et taxes , la gestion et le recouvrement des impôts, taxes, redevances, droits, produits domaniaux et toutes les recettes publiques qui lui sont confiées par la loi et règlements, l’aliénation des biens immobiliers et mobiliers du domaines privé de l’Etat ; l’administration et la gestion des services de cadastre, de la conservation foncière et des droits fonciers ; la conduite des opération relatives à la propriété foncière, la conduite des enquêtes , le contrôle et le contentieux en matière fiscale, domaniale, foncière et cadastrale, et la prévention de la lutte contre la fraude fiscale .
De 2011 à 2014 les réalisations des recettes de la DGI se présentent comme suit :
En 2011 Total recouvré : 387 201 190 000.
En 2012 Total recouvré : 473 812 313 000.
En 2013 total recouvré : 537 811 888 000.
En 2014 total recouvré : 560 801 961 000.
Et les prévisions de recettes 2015 portent sur une somme globale de 622 766 073 000 de francs CFA. Donc comme vous le constatez à peu près le même chiffre est reconduit. D’où l’interrogation de savoir si le taux de la fiscalisation est réellement en rapport avec le PIB di Niger.
II / La direction générale des douanes :
La direction générale des douanes a pour mission la préparation et la mise à application des lois et règlements en matière douanière, l’application de la politique gouvernementale dans le cadre de la protection de l’économie nationale, la perception des droits et taxes exigibles à l’occasion des opérations des importations et des opérations d’ exportations, la recherche, la constatation et la répression de la fraude douanière.
Les réalisations des recettes effectuées en 2014 au niveau de la direction générale des douanes portent sur une somme globale de 266 755 667 939 de francs CFA.
Les recettes assignées au titre de 2015 s’élèvent à 310 milliards de francs CFA.
III/ La direction générale du trésor et de la comptabilité publique :
La direction générale du trésor et de la comptabilité publique a pour mission la gestion de la trésorerie de l’Etat, l’exécution des opérations en recettes et en dépenses du budget général de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics de l’Etat.
Depuis l’année 2003 , la direction général du trésor et de la comptabilité publique ne s’occupe plus du recouvrement des impôts directs, elle est responsable du recouvrement que des recettes non fiscales, soit directement, soit à travers les versements effectués par les régies des recettes, des produits financiers générés par les actifs et les activités financières publiques, l’encaissement des recettes des receveurs des impôts, des receveurs en douanes, la réalisation des collecte de l’épargne au profit de l’Etat et des organismes publics .
La situation des réalisations au niveau de la direction générale du Trésor et de la comptabilité publique de 2010 à 2014 se présente comme suit :
En 2010 total recouvré : 39 009 581 000
En 2011 Total recouvré : 14 079 027 000
En 2012 Total recouvré : 41 392 522 000
En 2013 total recouvré : 29 503 373 000
En 2014 total recouvré : 18 231 096 000
Le trésor a prévu de mobiliser au titre de l’année 2015 quatre-vingt milliards quatre de recettes non fiscales.
La direction générale du budget parallèlement à ses attributions traditionnelles , de l’élaboration et de l’exécution du budget général, participe à la mobilisation des ressources publiques à l’occasion des précomptes de l’impôt général sur les revenus ,opéré sur les traitements et salaires des fonctionnaires et employés des services publics , des précomptes TVA, BIC etc. .
La direction générale du contrôle financier, à l’occasion de l’apposition des visas réglementaires sur les dépenses publiques par les contrôleurs, financiers, participe au recouvrement de la TVA, BIC etc.
Les corps de contrôles comme l’inspection générale des finances, l’inspection générale d’Etat, participent à la mobilisation des ressources publiques à l’occasion des contrôles sur places.
V/ L’importance des ressources internes dans les prévisions budgétaires 2015 :
Les prévisions des ressources publiques initiales (avant collectifs) au titre de l’année 2015 s’élèvent à une somme globale de 1 707,14 milliards de francs CFA.
Elles se composent comme suit :
Ressources internes 1 025,23 milliards de francs CFA.
Ressources extérieures : 681,91 de francs CFA.
Les prévisions des ressources internes sont constituées des recettes fiscales, des recettes non fiscales et des recettes exceptionnelles. Elles sont évaluées à une somme globale de 1 025,23 de francs CFA.
Les recettes espérées de l’impact de l’utilisation des équipements de contrôle des activités de téléphonie prévues pour 43 milliards de francs sont prises en compte.
Les recettes internes représentent 60,06 % du budget général :
Dont recettes fiscales : 930,27, milliards,
Recettes non fiscales : 21,61milliards
Recettes exceptionnelles : 73,35 milliards
Les ressources extérieures s’élèvent à une somme globale de 681,91 milliards de francs CFA. Soit 39 ,94% des prévisions générales totales. Elles se composent comme suit :Appuis extérieurs destinés au financement des projets et programmes de développement sous forme de dons et legs pour 206,32 milliards de francs CFA et d’emprunts aux projets pour 234 ,16 milliards de francs CFA. Appuis directs, soutient au budget sous forme de dons : 92,13 milliards, Des prêts budgétaires pour 149,30 milliards de francs CFA dont 115 milliards d’obligation du Trésor et 34 ,3 milliards d’emprunts budgétaires.
A partir des prévisions budgétaires 2015, nous pouvons en déduire que la problématique de la mobilisation des ressources internes se pose avec acuité au Niger.
En effet, l’analyse des dépenses publiques sur la période de 2005 à 2014 montre que la totalité des ressources fiscales est affectée aux dépenses courantes, notamment les dépenses relatives aux traitements et salaires, soit 32% des recettes fiscales, matériels et fournitures 23% et subventions et transferts 29% de la période. Si la tendance se maintient les pouvoirs publics seront contraints de sursoir à certaines dépenses d’investissement sur fonds propre ou s’ils souhaitent les réaliser, ils devront faire recours à des emprunts extérieurs.
En outre, l’analyse de l’évolution de la dette publique sur la même période fait apparaitre une tendance alarmante. Cette tendance risque de faire passer le Niger d’un pays à faible risque de surendettement à celui de risque modéré de surendettement.
Par conséquent ces différents défis nécessitent de la part des pouvoirs publics des mesures appropriées afin d’améliorer la mobilisation des ressources internes.
En résumé, le montant total recouvré par les trois principales directions générales s’élèvent donc à : 560 801 961 000. + 266 755 667 939 + 18 231 096 000 = 845 788 724 939 francs CFA.
C’est des chiffres qu’il faut prendre avec beaucoup de précaution étant donné à l’occasion de l’examen des comptes de gestion la cours des comptes a rejeté toute la partie recettes de la loi de règlement. En effet, le transfert du recouvrement des impôts directs à la DGI n’a pas été suivi des mesures d’accompagnement. Les comptables principaux n’ont pas été nommés et installés au sein des réseaux de la DGI et des douanes. Entre autres la nomenclature de pièces justificatives des recettes n’est pas éditée.
Au regard de l’enjeu du plan de développement économique et social (PDES) 2012 -2015, la recherche des goulots d’étranglement s’impose en vue de trouver le financement de cet important programme.
VI/Les goulots d’étranglement :
Au niveau de la direction générale des impôts les goulots d’étranglement se situent au niveau du faible rendement des certains impôts, notamment la TVA, L’ISB et les taxes immobilières.
La faible rationalisation des exonérations fiscales et un important stock des restes à recouvrer de 2012 à 2014 soit respectivement 103,147 milliards et 199 ,892 milliards de francs CFA.
Le manque des moyens humains et matériels revient toujours dans les débats.
Au niveau des douanes le goulot d’étranglement sont liés à l’incivisme fiscal, difficultés à contenir la fraude, faible informatisation des services, insuffisances dans la procédure de dédouanement.
Au niveau de la direction générale du trésor et de la comptabilité publique les goulots d’étranglement se situent à plusieurs ordres : on peut citer la non maitre des régies des recettes, la non maitrise de l’encaissement des dividendes des sociétés d’Etat , la résistance de certains services de l’Etat à verser les recettes réalisées ,l’insuffisance des carnets infalsifiables notamment de la série A réduit de manière considérable les recettes effectuées par les services de la gendarmerie et de la police,
L’effectif des régies des recettes n’est pas maitrisé, le dispositif de suivi des régies de recettes n’est pas opérationnel.
Conclusion
Comme vous le constatez les défis à relever sont énormes en vue de la mobilisation des ressources internes. La conclusion provisoire qu’on peut tirer :
Maintenant que le ministère en charge des finances a retrouvé le volet économie dans sa structure actuelle, nous osons espérer que des indicateurs économiques seront bien maitrisés en vue de leur prise en compte dans les prévisions budgétaires et de l’élaboration du prochain plan de développement économique et social.
En vue d’améliorer la mobilisation des ressources internes, il serait souhaitable que le ministre de l’économie et des finances puisse prendre des dispositions en vue de mettre en exécution les contrats de performance signés avec les différentes directions générales.
Les directeurs généraux devraient être appréciés en fonction des leurs performance.
La maitrise de l’assiette fiscale, l’exécution des programmes de contrôle inopinés des services, le renforcement des actions de recouvrement pourraient aider à améliorer la situation.
La mise en place des structures chargées de recouvrement des recettes non fiscales, la poursuite de la budgétisation des recettes provenant des régies de recettes et le parachèvement de la transformation des régies des postes diplomatiques et consulaires en postes comptables pourraient également améliorer la performance des services.
Les réseaux actuels de la direction générale des impôts et de la direction générale des douanes devraient être intégrés au réseau comptable du trésor en vue de respecter l’unité de la caisse unique de l’Etat d’une part et d’autre part d’avoir une visibilité claire sur les ressources internes.
Le code général actuel des impôts devrait être revu et corrigé en vue de l’adopter à la réalité socio-économique du pays. (Et surtout le conformer à la loi organique 2012)
Il serait hautement souhaitable de fondre toutes les directions générales chargées de la mobilisation des ressources internes, en une seule direction générale des finances, pour raison d’efficacité et de l’unité dans l’action de la mobilisation des ressources. Ainsi il sera mis fin à la guerre des clochers entre la pléthore des directeurs généraux, qui nuit à l’efficacité des services.
Par Issoufou BOUBACAR KADO, ancien premier secrétaire général adjoint de l’USTN, ancien secrétaire général du syndicat national des impôts et Trésor.