Depuis les fameux «accords de défense» et de coopération dans le domaine des matières premières et produits stratégiques signés à Paris le 24 avril 1961 entre la France représentée par Michel Debré, et ses anciennes colonies dirigées par Félix Houphouët-Boigny (République de Côte d’Ivoire), Hubert Maga (République du Dahomey, actuel Bénin) et Hamani DIORI (République du Niger), c’est seulement en 2005 que le Niger a commencé à manifester une certaine volonté de sortir de cette logique de culte du secret.
En effet, notre pays a enregistré une avancée notoire en matière de transparence, notamment à la faveur de son adhésion à l’Initiatives pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) en 2005. Mais bien que devenu pays «conforme» à la Conférence de Paris en mars 2011, le Niger reste aujourd’hui encore à la croisée des chemins en matière de gouvernance dans les industries extractives. C’est ce souci qui explique le durcissement des autorités des la 7e République. Le 25 octobre 2012, le Conseil des ministres a sèchement dénoncé les contrats déséquilibrés signés entre le Niger et les sociétés qui exploitent ses ressources naturelles, en particulier son uranium spolié depuis plus de 40 ans par Areva, fille de la Cogéma. Aussi, dans un entretien en date du samedi 02 février 2013, accordé à des journalistes français, le Président de la République du Niger a affirmé avoir demandé -sinon exigé- un équilibrage de partenariat entre Areva et le Niger, pour qu’il «soit gagnant-gagnant». Aujourd’hui, en matière de transparence dans les industries extractives, le constat est tout simplement choquant. L’analyse des rapports ITIE de 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 démontre d’une part que le Niger tire moins de 5% de recettes budgétaires des industries extractives, et d’autre part ce secteur ne participe que pour 5,8% au Produit intérieur brut (PIB). Pire encore, entre le respect des dispositions constitutionnelles des articles 145 à 156 qui stipulent la publication des contrats et des revenus, l’orientation de la dépense dans des secteurs stratégiques notamment l’éducation, l’agriculture, l’élevage et la création d’un fonds pour les générations futures, le gouvernement nigérien peine à mettre en œuvre ces aspirations que le peuple nigérien a clairement exprimés dans la loi fondamentale. Hormis la publication de deux contrats signés par le gouvernement de la transition, force est de constater que l’opacité reste aujourd’hui encore la règle, malgré les multiples interpellations des associations et autres acteurs intervenants dans le domaine extractif. Sinon comment comprendre que depuis deux ans, une vingtaine de conventions et de contrats soient signés et qu’ils ne fassent pas l’objet de publication dans le Journal Officiel ? Comment comprendre aussi que l’Etat perçoive des sommes d’argent qui n’ont pas été publiées ? Plus grave encore, tout récemment, le ministre des Finances a même voulu, d’après une correspondance dudit ministère en date du 29/11/2012 et les propos du député Zakari Oumarou, président du groupe PNDS-Tarayya à l’Assemblée nationale, utiliser les ressources provenant de l’industrie extractive pour l’achat d’un avion présidentiel. Lorsque nous avons voulu connaître les raisons de la non-publication des contrats, on nous a brandi la source de financement comme étant le problème. De l’Etat ou des compagnies, qui doit financer la publication, nous a-t-on rétorqué ? A cela vient s’ajouter la réticence des compagnies qui rechignent à publier leurs contrats dans le Journal Officiel. Pour exemple, la Guinée-Conakry divulgue les contrats et conventions sur un site dédié et plusieurs autres plusieurs autres gouvernements dont le Libéria, le Pérou, les États-Unis, le Congo-Brazzaville, la Mauritanie, le Ghana, l’Afghanistan, la République Démocratique du Congo (RDC), etc., se sont inscrits dans cette dynamique de transparence. Cette incongruité soulève un certain nombre de questionnements. Qui est le responsable des dispositions constitutionnelles dans notre pays, et exécute-t-il le travail pour lequel il est rémunéré ? L’Etat nigérien ne dispose-t-il pas de ressources pour garantir la régularité de la parution du Journal Officiel ou alors manque-t-il de courage ou de bonne volonté ? Les compagnies étrangères seraient-elles au dessus de la constitution nigérienne ? Quel sort la 7e République a-t-elle l’intention de réserver aux dispositions constitutionnelles, notamment celles relatives à la gestion des ressources du sous-sol ? Selon la terminologie des autorités nigériennes, notre pays est «engagé» dans une phase de renégociation des contrats pour mettre un terme définitif au déséquilibre longtemps entretenu au profit des sociétés comme Areva, SML, CNPC, Azelik, etc. Mais ont-elles seulement le courage politique requis pour aller jusqu’au bout du processus ? Posent-elles des actes concrets dans ce sens ? Certains actes et comportements des responsables politiques ne contredisent-ils pas cette profession de foi ? Les autorités de la 7e République et les compagnies étrangères doivent savoir que les citoyens nigériens sont résolument mobilisés pour inverser la tendance de «la malédiction des ressources». La création d’un réseau parlementaire sur la question des industries extractives procède de cette dynamique dans laquelle sont inscrits aussi les médias tant du public que du privé ainsi que les organisations de la société civile. D’autres initiatives nationales et internationales sont envisagées pour réveiller les dirigeants sur les questions de gouvernance dans le domaine des ressources naturelles non renouvelables. Devant la gravité de la situation, le Président de la République du Niger, Chef de l’Etat et garant de la constitution nigérienne, doit faire preuve de fermeté, en imposant notamment au gouvernement et aux compagnies étrangères le respect des dispositions de la loi relative à la publication des contrats, des conventions et des revenus d’une part, et d’autre part le respect strict de l’orientation de la dépense dans les secteurs sociaux de base mentionnée dans la constitution du 25 novembre 2010 votée par le peuple nigérien. Enfin, aucun programme de développement ne saurait s’appliquer au Niger, en occultant les justes revenus tirés des industries extractives !!! Ali Idrissa, Vice- Président du CROISADE, Coordonnateur National du ROTAB, Membre du CNC ITIE Niger, Membre de Conseil d’Administration de l’ITIE international au titre de la société civile africaine dans le domaine