On ne le dira jamais assez : le grand malheur de la 7ème République réside dans le choix des hommes. Ainsi de ce ministre qui, se morfondant dans les affres de sa retraite, a été ramené aux affaires par son Excellence Issoufou Mahamadou pour conduire à la destinée des fonds de la 7ème République.
Pourtant, le départ à la retraite est considéré comme un repos, une façon de terminer ses vieux jours une fois que les méninges pètent et n’arrivent plus à appréhender les choses avec lucidité et discernement. Nonobstant cette réalité, monsieur le ministre Gilles Baillet est aujourd’hui à la tête du ministère le plus chargé en termes de travail à abattre. Et le résultat est là, des actes qui frisent la désinvolture, avec un manque criard de lucidité. A moins qu’il n’agisse sciemment, avec la complicité de ceux qu’ils avaient servi sous l’ancien régime. Au fait, ils sont nombreux des gens ayant retourné leur veste et qui jouent au double jeu, pile et face, posant des actes qui arrangent plus l’opposition que le pouvoir. Sinon, pourquoi vouloir mélanger l’Etat du Niger avec la vaillante CEDEAO ? Lui, il peut le faire car il était de l’autre bord quand le médiateur de la CEDEAO s’investissait pour un retour à l’ordre constitutionnel normal au Niger, mais pas les acteurs sérieux de la 7ème République qui savent ce que c’est que la CEDEAO.
De quoi s’agit-il ? D’un bras de fer que monsieur le ministre des finances vient de lancer avec la CEDEAO ! Au demeurant, un défi tant au président de la République qu’à tout le peuple nigérien. Oui, vous ne rêvez nullement. Monsieur le ministre refuse tout simplement de respecter une clause de la Cour de la CEDEAO qui vient de condamner l’Etat du Niger à verser des réparations à un opérateur économique victime des errements de la 5ème République qui a mangé les fonds destinés au rachat des billets démonétisés depuis 2003. Aujourd’hui cela fait dix ans que monsieur Tidjani attend de l’Etat du Niger, le versement de cet argent qui a été intégralement débloqué par la BECEAO. Et, malgré les rappels à l’ordre par deux fois du secrétaire général du gouvernement, monsieur le puissant ministre refuse de se plier.
Genèse des faits.
En 2003, la BCEAO a lancé une opération de démonétisation qui consiste à échanger les anciens billets en circulation par des nouveaux. C’est ainsi que monsieur Tidjani s’est présenté avec la somme d’un milliard deux cent cinquante millions (1.250.000.000) à échanger. Prétextant un retard sur l’échéance de l’opération, les autorités nigériennes de l’époque avaient refusé de faire cet échange, bien qu’elles aient reçu la contrepartie versée par la BCEAO ! Ce fut le début d’une très longue aventure juridique qui fera faire à monsieur Tidjani d’incessants et onéreux déplacements entre Niamey, Dakar et Abuja. Ainsi, ayant épuisé tous les recours au plan national, monsieur Tidjani s’est alors adressé à la Cour de la CEDEAO, conformément aux textes de l’institution, notamment le Traité que notre pays a bel et bien ratifié.
Après plusieurs péripéties judiciaires, la Cour s’est finalement prononcée sur la réparation de la violation constatée et sur les dommages et intérêts.
Sur la réparation de la violation constatée.
-La Cour observe que les droits de l’homme violés par l’Etat du Niger au préjudice du Requérant sont des droits économiques, précisément son droit de propriété sur les billets CFA démonétisés en sa possession, et que concrètement cette violation résulte du refus du Défendeur d’échanger ces billets démonétisés contre des billets ayant cours légal alors qu’il en a reçu la contrepartie de la BCEAO.
- La Cour est d’avis que la réparation de cette violation ne consiste pas à la condamnation de l’Etat du Niger au paiement de la somme correspondant au montant des billets démonétisés comme le sollicite Monsieur Tidjani Boubacar, mais réside plutôt dans la constatation de l’obligation du Défendeur de procéder à l’échange qu’il a refusé de faire entre les billets démonétisés détenus par Monsieur Tidjani Boubacar et d’autres billets ayant cours légal, alors qu’il en a reçu la contrepartie de la BECEAO.
- La Cour juge que ce faisant l’Etat du Niger a porté atteinte à l’économie du Requérant, lui causant un préjudice certain.
-Par conséquent la Cour dit ordonner à l’Etat du Niger de réparer un tel dommage. » Sur les dommages et intérêts, la cour a fait injonction) l’Etat du Niger de payer la somme de 10 millions de francs CFA à monsieur Tidjani. Comme on le voit, la décision de la Cour de la CEDEAO ne souffre d’aucune ambiguïté. Il reste juste à préciser que les décisions de la Cour de la CEDEAO sont insusceptibles d’appel. C’est suite à cette décision de la Cour que monsieur Tidjani s’est logiquement adressé aux autorités compétentes nigériennes pour pouvoir rentrer effectivement dans ses droits. Il rencontra un niet catégorique, ce qui le poussa à s’adresser aux plus hautes autorités du pays, notamment la Présidence de la République. C’est ainsi que par deux correspondances, le secrétaire général du gouvernement s’est adressé au Ministre des Finances pour lui rappeler l’obligation que l’Etat du Niger a de procéder aux réparations demandées par la Cour de la CEDEAO. En vain, le super ministre oppose toujours un refus catégorique. Suite à ce refus, le RODADDHD qui suivait ce dossier depuis 2003, a pour sa part adressé une lettre au Ministre des finances pour lui rappeler le danger qu’il fait courir à notre pays en refusant d’obtempérer à une décision de la Cour de la CEDEAO. Il stipule que « … étant entendu que l’Etat du Niger se doit d’exécuter cette décision judiciaire, au risque de tomber sous le coup des sanctions prévues par le Traité de la CEDEAO dont le Niger est signataire et de surcroît membre fondateur, ce que nous ne devons pas perdre de vue. »
C’est le lieu ici de revenir une fois de plus sur ce choix des hommes de la 7ème République qui n’est pas l’un des plus orthodoxes. Comment un Nigérien qui aurait vécu de façon lucide l’énorme travail abattu par la CEDEAO pour nous sortir des griffes du tazartché peut-il un tant soit peu s’opposer aux décisions de cette valeureuse institution ? Ce serait non seulement de l’ingratitude mais une pure inconséquence. Du reste, on comprend très bien qu’au moment où la CEDEAO faisait des pieds et des mains pour sauver le Niger, monsieur le ministre était quant à lui tapis dans les salons, avec une main certaine dans la gestion de cet argent que la BECEAO a versé intégralement à l’Etat du Niger. Eh oui, le Niger a bien reçu la contrepartie de cet argent, ce n’est donc pas du budget national qu’il faut le puiser. Il s’agit juste de restituer un fonds qui lui avait été confié. Reste à savoir quelle est la direction prise par cet argent. C’est peut-être là où le bât blesse car, monsieur Gilles Baillet n’est pas étranger à la question du moment où il était Conseiller technique du ministre Zen Lamine, quand cet argent avait été versé.