Après plusieurs mois de négociations opaques et difficiles, le ROTAB a eu accès à l’une des conventions régissant les contrats miniers d’Areva au Niger, contrats qui permettent à l’entreprise française de bénéficier d’exonérations fiscales en violation de la règlementation en vigueur et au détriment de la population nigérienne qui compte parmi les plus pauvres au monde[1].
Cette convention concerne le site de SOMAIR, la plus grande des deux mines qui fournit plus de la moitié de l’uranium du pays, et a été signée le 16 juillet 2015 entre Areva et le Niger pour la poursuite de l’exploitation de l’uranium pendant cinq ans. Ce document détaillé confirme plusieurs des inquiétudes que le ROTAB avait déjà soulevées au niveau de l’accord de partenariat stratégique, document signé le 26 mai 2014 qui ne comporte aucune valeur juridique[2].
Cette convention de la SOMAIR est tout d’abord au-dessus des lois nationales et réglementaires : elle s’affranchit clairement des règles fiscales existantes en précisant qu’elle prévaut « en cas de contradiction sur un objet donné entre la réglementation minière et la Convention », ce qui est contraire à la hiérarchie des normes.
Plusieurs exonérations importantes sont maintenues en violation de la loi minière 2006-026 du 09 août 2006 et du règlement N°18/2003/CM/UEMOA du 23 décembre 2003 portant code minier UEMOA qui limitent les exonérations en phase d’exploitation à des produits spécifiques tant pour le régime fiscale que douanier. Ainsi et Areva bénéficie de l’exemption de nouveaux impôts (TVA, taxes sur les biens d’équipements, etc.) nullement justifiée et ne reposant sur aucune vision de développement durable, au mépris des articles 29 à 33 du Code Communautaire et de l’article 93 alinéa (b) de la loi 2006.
Cette convention entretient par ailleurs la confusion sur son statut même qui concerne à la fois l’exploitation et la recherche alors que ces activités doivent clairement faire l’objet de contrats distincts normalement : cela permet de profiter du maintien d’exonérations fiscales indues qui n’ont aucune raison de s’appliquer à une mine en exploitation depuis plus de 40 ans ! Pour exemple, la TVA déjà exonérée partie dans les contrats précédents représentait quand même 3,2 milliards de FCFA en 2012 – 5 millions d’euros (soit le coût de la construction de 500 classes au Niger). Si des sociétés en exploitation depuis plus de 40 ans au Niger doivent continuer à bénéficier des exonérations à l’occasion de leurs opérations minières, quand est-il du cas du nigérien lamda soumis au paiement des droits fiscaux pour l’importation d’un simple poste téléviseur.
Le processus de réhabilitation de la mine est par ailleurs lacunaire : cela pose un problème pressant alors que la SOMAIR est aujourd’hui clairement en fin de cycle et devrait cesser ses activités à moyen terme. La question de la restauration du site doit être centrale, plus détaillée (avec notamment un plan de réaménagement chiffré) et figurer au cœur de la réforme du code minier nigérien.
Enfin, plusieurs engagements mentionnés n’engagent pas vraiment Areva en matière de « contenu local » ou d’emploi des Nigériens. Il n’y a aucun objectif chiffré ni de calendrier précis pour la mise en place de dispositions trop vagues (« autant qu’il est possible », « dans la mesure où ») alors que des plans sociaux ont déjà affecté durement le personnel de la SOMAIR et de la COMINAK.
Au vu de ces éléments, le ROTAB demande au gouvernement nigérien la publication au plus vite de la convention du site SOMAIR au Journal officiel comme l’exige la Constitution nigérienne. Le Niger et Areva doivent être transparents sur le processus de négociation et informer l’opinion publique des avancées sur les deux conventions suivantes de la COMINAK, l’autre mine d’uranium au Niger exploitée par Areva. Il est fondamental que ce contrat respecte la loi minière nationale et le code communautaire de l’UEMOA qui s’imposent à tous les Etats membres de cet espace : aucun contrat ne peut être au-dessus des lois, notamment en matière de dispositions fiscales.
La réforme du code minier engagée au Niger doit être l’occasion pour l’Etat nigérien de défendre ses intérêts en matière de retombées économiques, de transparence des contrats et de réhabilitation des sites miniers. La société civile doit être pleinement associée à ce processus essentiel et ses observations prises en compte pour que les ressources minières du pays bénéficient davantage au développement du pays et aux besoins primaires des Nigériens en matière de santé et d’éducation.