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Le Sahel N° du 30/10/2015

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Assemblée nationale : Le ministre de l’Economie et des Finances, M. Saidou Sidibé répond à une interpellation des députés de l’Opposition sur des saisies de devises et d’or à l’Aéroport de Niamey
Publié le lundi 2 novembre 2015   |  Le Sahel


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© Autre presse par DR
Le ministre de l`Economie et des Finances, M. saidou Sidibé


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Le ministre de l'Economie et des Finances, M. saidou Sidibé, était samedi dernier à la tribune de l'Assemblée nationale pour répondre à une interpellation des députés de l'Opposition relativement à des saisies de devises et d'or opérés par les services des Douanes à l'Aéroport international de Niamey. Les réponses du ministre aux questions des députés ont donné lieu à un débat avec un temps égal de parole pour les 5 groupes parlementaires aux termes duquel, le ministre Saidou Sidibé a repris la parole pour répondre à toutes les préoccupations soulevées. Nous publions dans leur intégralité les questions des députés de l'Opposition et la réponse du ministre Saidou Sidibé.

QUESTIONS D'INTERPELLATION DES DEPUTES DE L'OPPOSITION AU MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES

Monsieur le Ministre,
Les 20, 22 et 24 août 2015, les agents de la Douane en service à l'Aéroport Diori Hamani de Niamey, de concert avec la Gendarmerie Nationale, ont opéré trois saisies de devises d'un montant global d'environ 8.843.341.771 francs CFA et ont régulièrement dressé des actes de poursuite à l'encontre des délinquants à travers des procès-verbaux de saisie dûment signés. Conformément aux dispositions légales en vigueur, les fonds ainsi saisis ont été déposés auprès du Directeur Général du Trésor et de la Comptabilité Publique du Niger.

Alors que les délinquants fraudeurs ont accepté le principe d'une transaction avec les services de la Douane, vous avez choisi de sacrifier les intérêts de notre pays en donnant des instructions aux fins de restitution aux contrevenants de la totalité des fonds saisis (Cf. Votre Lettre n° 1222/MF/CAB en date du 27 Août 2015). Dans le même registre, force est de s'alarmer lorsque des informations d'actualité nous sont parvenues faisant état d'une saisie de douze kilogrammes d'or toujours à l'Aéroport Diori Hamani de Niamey. Si l'on se réfère à votre méthode de règlement de l'affaire précédente, l'on est en droit de croire que ce précieux métal, d'une valeur de deux cent millions de francs CFA sera lui aussi, au mépris des lois de la République, restitué au contrevenant.

Ces douze kilogrammes d'or s'ajoutent aux quinze autres qui ont disparu à la Société des Mines du Liptako (SML) quelques jours auparavant. Cette série de trafics illicites, qui participent manifestement à un gigantesque négoce obscur dans lequel blanchiment d'argent sale et fuite de capitaux s'entremêlent, lèvent un petit coin du voile sur la gouvernance désastreuse de notre pays, tant y sont légions notamment la gestion patrimoniale, les passe-droits, le pillage systématique des finances publiques et des ressources naturelles ; le tout sur fond d'impunité garantie aux délinquants composés essentiellement de parents, amis et connaissances des princes qui gouvernent.

Monsieur le Ministre,
Face à toutes ces affaires troubles, en porte-à-faux flagrant d'avec les réglementations au sein de l'UEMOA, de la zone franc et de la CEDEAO, vous impliquant personnellement, nous vous demandons d'avoir l'obligeance d'éclairer la lanterne des élus du peuple que nous sommes en répondant aux questions suivantes: quelle est l'origine de ces fonds et de cet or, leur provenance, leur expéditeur, leur destination et voire même leur destinataire ?; Comment des fonds régulièrement déposés auprès du Trésorier Général par les services de l'Etat, à l'occasion d'une répression de fraude, peuvent-ils être restitués aux contrevenants sans aucune forme de procès ? Pourquoi le Ministre des finances a-t-il pris la grave responsabilité de mettre à l'écart les services des douanes en ordonnant une main levée par lettre n° 1222/MF/CAB en date du 27 Août 2015 ? ;

Quelle autorité a intérêt à soustraire les services compétents de l'examen de ces dossiers et, partant, à empêcher que la lumière soit faite sur les véritables commanditaires de ce trafic ? ; Comment comprendre que dans un pays classé dernier en Indice de Développement Humain et qui a besoin de ressources financières pour faire face aux besoins sociaux essentiels et pour organiser des élections locales et générales, que des fonds considérables soient ainsi abandonnés ? La gravité et la responsabilité d'ordonner la restitution de ces fonds peuvent-elles échapper au pouvoir des plus hautes autorités en l'occurrence le Président de la République et le Premier Ministre ?

En vous souhaitant bonne réception, recevez, Monsieur le Ministre, nos salutations distinguées.

REPONSES DU MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, SAIDOU SIDIBE AUX QUESTIONS DES DEPUTES DE L'OPPOSITION

Excellence Monsieur le Président, Honorables Députés,
Je voudrais tout d'abord vous dire le respect que j'ai pour les institutions de la République, singulièrement l'Assemblée nationale devant laquelle je suis ce jour, pour répondre à votre souhait de m'entendre sur des activités de la Douanes, en rapport avec des devises saisies et rétrocédées et de l'or saisi. Les signataires de l'interpellation ont dans leurs propos liminaires indiqué que j'ai choisi de sacrifier les intérêts de notre pays en décidant de la rétrocession des devises saisies par la Douanes et cela au mépris des Lois de la République. Ceux d'entre vous qui me connaissent, et il y en a dans cette auguste salle, eux, savent que je ne suis pas de ceux qui sacrifient les intérêts du pays. Durant toute ma carrière, et cela également, ils le savent, j'ai servi avec loyauté et conviction ces intérêts. A présent qu'en est-il de vos préoccupations ?

1. Les devises saisies et rétrocédées

Honorables Députés, vous avez souhaité savoir les raisons qui ont motivé la remise des devises aux personnes auprès desquelles elles ont été saisies.

1.l concernant les saisies

Les saisies ont été opérées en vertu des dispositions suivantes :

• L'Article 23 du Règlement N°9/2010 du 1er octobre2010 qui précise que «les voyageurs se rendant dans les Etats non membres de l'UEMOA sont tenus de déclarer les devises dont ils sont porteurs, lorsque leur montant excède la contre-valeur d'un million de FCFA » ;

• L'Article 18 de l'Ordonnance n°97-007 du 30 janvier 1997, relative au contentieux des infractions au contrôle des changes de la République du Niger ; La législation en matière de lutte contre le blanchiment de l'argent ; L'audition des prévenus menée par les services de la Gendarmerie Nationale ayant permis de lever tout soupçon sur d'éventuels actes de blanchiment, ou des ressources d'origine criminelle, ou encore destinées au financement du terrorisme, des pourparlers avaient été engagés par les services compétents, en vue de règlements transactionnels des dossiers conformément aux dispositions des articles 14 et 15 de l'Ordonnance n°97-007 du 30 janvier 1997 susmentionnée.

L'article 14 dispose que le Ministre des Finances ou son représentant habilité est autorisé à transiger avec les auteurs ou complices d'une infraction au contrôle des changes dans les conditions de l'article 15.

L'article 15 dispose en l'occurrence « lorsqu'aucune action judiciaire n'est engagée, la transaction peut être acceptée par le Ministre chargé des Finances ou son représentant habilité à cet effet dans les conditions fixées par décret».

A cet égard, l'article 78 (nouveau) du Décret n°61-211 du 14 octobre 1961 fixant les conditions d'application de la loi n°61-17 du 31 mai 1961 déterminant le Régime douanier de la République du Niger, confère au Ministre chargé des Finances l'exercice du droit de transaction sur tous les dossiers contentieux relatifs à des marchandises dont la valeur est supérieure à 50.000.000 F CFA.

Or, le droit de transaction comporte le pouvoir de fixer le montant de l'amende transactionnelle mais également celui d'accorder un passé-outré.
De surcroît lorsqu'on se penche attentivement sur l'agencement de l'annexe II du Règlement n°09/2010/CM/ UEMOA du 1er octobre 2010 (procédure particulière d'exécution de certains Règlements), on se rend compte que l'article 23 ayant servi de fondement à la saisie, s'applique en réalité aux voyageurs résidents, c'est-à-dire «les personnes physiques ayant leur principal centre d'intérêt dans un Etat membre de l'UEMAO,.. » (Article 1er du Règlement).

Les règles applicables aux voyageurs non résidents tels que ceux qui ont fait l'objet des saisies sont celles fixées par les articles 26 et 27, à savoir «l'importation par les voyageurs non résidents des billets de banque de la zone franc ou de moyen de paiement libellé en devises est libre.

Les voyageurs non résidents sont tenus de déclarer, par écrit, à l'entrée et à la sortie du territoire national, tous les moyens de paiement dont ils sont porteurs, lorsque leur montant dépasse la contre valeur d'un million (1.000.000) de Francs CFA ». Le seul grief qui peut donc légitimement leur être fait demeure le défaut de déclaration, formalité pour laquelle des dispositions pratiques ne sont pas encore opérationnelles à l'Aéroport International de Niamey. D'où la décision de leur accorder un passé-outré est tout à fait justifiée ;

Honorables Députés, ces pratiques sont fréquentes dans notre sous-région où le caractère informel des transactions commerciales est encore important. Les nigériens sont ainsi régulièrement surpris dans les aéroports avec des devises importantes, qui leurs sont le plus souvent rétrocédées après des tractations y compris parfois par les autorités.

C'est le cas d'un Nigérien résidant à Lomé, en transit à l'aéroport d'Addis Abéba le 28 Août 2015. Ce dernier avait un sac contenant 1.000.000 de dollars US et 50.000 livres sterlings. Après des tractations les fonds lui ont été remis. Il a poursuivi son voyage sur Dubaï. C'est aussi le cas de ces Nigériens interpellés à Cotonou et à Lomé dont des interventions ont permis de récupérer les ressources. Mais, nous sommes en train de prendre des dispositions pour mieux contrôler les flux à l'aéroport de Niamey, mais aussi sensibiliser les opérateurs économiques sur la nécessité de moderniser leurs activités et utiliser les canaux appropriés pour leurs transactions.

1.2 concernant la rétrocession des fonds par le Trésor Public

II fallait protéger ces fonds durant le week-end. Or la Douane n'est pas équipée pour garder tous ces fonds dans ses locaux. J'avais alors décidé de constituer le Directeur Général du Trésor et de la Comptabilité Publique gardien des devises saisies. Mais, il faut noter que ces fonds étaient gardés au Trésor Public, sans jamais avoir fait l'objet d'écriture comptable. Autrement dit, il s'agit tout simplement d'une opération de garde de fonds pour des raisons de sécurité.

De même il faut préciser que les fonds déposés ne sont pas des dépôts et consignations décidés par un Juge après une décision de Justice. Dans le cas d'espèce, seul le Juge est habilité à autoriser la sortie des fonds. En vertu de toutes ces dispositions et après la confirmation que ces fonds ne sont pas d'origine criminelle, ou destinés au financement du terrorisme ou au blanchiment par la Gendarmerie, j'ai décidé de rétrocéder les fonds au chef du Bureau des Douanes qui a procédé à la saisie, pour les restituer à leurs propriétaires conformément à l'article 9 du Décret 2013-83 du 1er mars 2013, portant Règlement Général de la Comptabilité Publique, qui stipule que le Ministre chargé des Finances est seul habilité à autoriser la restitution des sommes dont il a lui-même autorisé la garde, sans aucune appréciation de l'opportunité comptable.

1.3 Les fonds saisis

• La première saisie a été opérée le 20 août 2015.
Elle porte sur des montants de 4.925.330 dollars US; 25.000 Euros et 500 Livres Sterling; en provenance du Nigeria

• La deuxième saisie a été opérée le 24 août 2015.
Elle porte sur des montants de 8.568.000 dollars US ; 942.775 Euros et 147.000 Livres Sterling ; en provenance du Nigeria ;
2. la saisie de l'Or

Honorables Députés vous m'avez également interpellé à l'effet de savoir l'origine, les expéditeurs et destinations ainsi que les destinataires de l'Or saisi.
Il y a eu effectivement des saisies d'or.

• La première a été opérée le 24 août 2015 par la Direction de la lutte contre la fraude, portant sur 12 lingots d'or de 36.110 grammes. La provenance de l'or n'est pas déterminée.
Une transaction a été effectuée par les services compétents. Cela a donné droit au paiement d'une amende de 97.833.400 FCFA et des droits éludés de 2.166.600 FCFA, soit un total de 100.000.000 FCFA.

• La deuxième saisie a été opérée le 21 septembre 2015 par le Bureau des Douanes de l'Aéroport de Niamey. Il s'agit de 12.350 grammes d'or brut non traité.
La transaction a conclu un paiement d'une amende de 10.000.000 FCFA.

La fraude en matière d'exportation d'Or se développe dans notre pays. Mais pour lutter contre ce phénomène une Circulaire du Directeur Général des Douanes vient d'être publiée le 21 octobre 2015, rappelant aux agents des Douanes et aux usagers les règles à observer en matière de commercialisation et d'exportation d'or. Les services ont également été instruits pour redoubler de vigilance.

Honorables Députés, Je voudrais terminer par votre rappel sur le rang peu honorable de notre pays en termes d'Indice de Développement Humain, en ajoutant qu'un tel pays ne peut abandonner des ressources aussi importantes.

Nous ne construirons pas le Niger avec des ressources prises sur des citoyens, le plus souvent mal informé sur la réglementation. Nous le ferons avec des ressources que l'Etat se donne les moyens de mobiliser sur la base d'une fiscalité assise sur les Lois et Règlements du pays, ou des ressources extérieures régulièrement obtenues auprès de nos partenaires. Un proverbe de chez nous dit « ce n'est pas parce qu'on a faim qu'il faut manger l'assiette ».
Vous le savez, Honorables Députés, l'IDH est calculé avec un mixte d'indicateurs tels que le revenu, l'éducation, la santé.

Le bon comportement de ces indicateurs est fortement lié aux investissements faits sur un long terme pour impacter une transformation structurelle. Malheureusement durant de longues années cela n'a pas été fait, en dépit de la stabilité politique des années 2000 : ni dans l'agriculture, ni dans les infrastructures, ni dans la formation ou la santé. Ne soyez pas étonné de notre faible performance. Mais, vous le savez depuis plus de quatre ans de gros efforts ont été déployés pour rattraper notre retard, et cela malgré le contexte sécuritaire difficile qui absorbe beaucoup de ressources financières. Vous le constaterez dans les prochains rapports du PNUD sur l'IDH, en dépit du taux élevé de la croissance démographique, notre position va s'améliorer.

Alors soutenons ensemble, cet élan pour poursuivre et intensifier ces transformations en cours, en vue de relever ce défi au grand bonheur des populations nigériennes.

Je vous remercie

Onep

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