La chose est maintenant de notoriété publique : le PNDS/Tarayya se prépare pour jouer son va - tout, afin de faire passer son candidat Issoufou Mahamadou, Président de la République sortant, au 1er tour du scrutin présidentiel du 21 février 2016.
Aucune formation politique n’a réalisé cette gageure depuis un quart de siècle de multipartisme au Niger. Pour accomplir cette prouesse, le parti rose compte principalement brandir son bilan, à l’intention des électeurs. En effet, les réalisations du programme dit de la Renaissance sont visibles ; et le futur candidat se délecte à les exhiber : " moi je tiens mes promesses ", ressasse-t-il. Visites de chantiers et pauses de premières pierres se multiplient. Quant au Président du parti, en précampagne depuis plusieurs mois déjà, Bazoum Mohamed, loyal et résolu comme toujours, arpente monts et vallées pour « vendre » les « merveilles » accomplies par le gouvernement et exposer les promesses à venir en cas de victoire de son candidat. Dans cette mission, il s’est juré de ne laisser le moindre bled où « sa main ne passe et repasse ». Distribuant denrées alimentaires et kits de toutes sortes, aux quatre coins du pays Par le biais de leurs ONG respectives, les premières dames n’ont pas baissé les bras le long de tout le mandat de leur époux de Président.
En matière d’investissements socio-économiques (pour ne considérer que cet aspect), aucun régime antérieur ne peut se targuer d’avoir eu à son actif, au cours d’un seul mandat, des efforts de cette envergure. Ne pas le reconnaitre, c’est faire preuve de mauvaise foi. Pour ce scrutin qu’on peut qualifier de tous les défis, le PNDS ne ménagera certainement rien, dans son « arsenal de guerre » ; sa traditionnelle « force des arguments » sera soutenue par la force des moyens, y compris ceux de l’Etat (pourquoi pas, on n’est pas au pouvoir pour rien) ; en matière de suffrages, le parti du Président ne compte pas uniquement sur ses partisans de 2011. Apparemment, il a considérablement élargi sa base. En effet, depuis qu’il est au pouvoir, de nombreuses recrues, préférant aller dans le sens du « vent », ont massivement adhéré à son idéal, sans oublier bien entendu l’apport des partis alliés, dont certains semblent ne pas avoir de candidats pour les présidentielles. Le parti compte aussi sur les voix de la diaspora pour laquelle cinq sièges sont prévus à l’Assemblée Nationale. La bienveillance du Gotha International (le chef de l’Etat français en particulier) n’est pas non plus à négliger.. Cela ne surprendra guère du moment où Issoufou Mahamadou serait bien noté.
Autre élément en faveur du candidat- Président, sa maitrise des dossiers et son engagement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, dans l’espace sahélo-saharien. On comprend dès lors l’assurance qu’affiche le Secrétaire Général du parti rose (par ailleurs puissant ministre en charge de l’Intérieur), quand il déclare que « le curseur a bougé ». Autrement dit, ce qui paraissait une utopie il y’a quelques années, est bien jouable en 2016.
Comment garantir un scrutin inclusif, honnête et transparent et l’emporter au tout premier round ? Cette question implique un double défi, certainement le plus coriace de la carrière politique du Président sortant.
Rappelons qu’en 2011, le Président Issoufou avait battu au deuxième tour son challenger, Seini Oumarou avec 57,95% des voix, grâce à l’apport déterminant de Hama Amadou, son concurrent déjà déclaré, le plus farouche aujourd’hui.
Compte tenu des réalisations évoquées plus haut et de sa position de rente, le candidat du parti « des intellectuels », n’abordera donc pas les électeurs, comme on le dit chez nous, les « mains vides ».
Toutefois, une lancinante question se pose : à l’interne, la cote de popularité du Président Issoufou est- elle à la hauteur de son bilan? Rien n’est moins sûr. Bien malin celui qui nous expliquera ce paradoxe. Autant dire que le candidat du PNDS n’a pas que des atouts. Des écueils, objectifs ou artificiels ne pourraient manquer.
En effet, du fait de coïncidences fort malheureuses, le mandat finissant de Issoufou Mahamadou a été jalonné, comme jamais de mémoire de Nigérien, par l’arrivée sur le sol national, des vagues successives de réfugiés, expulsés et autres retournés venant de six pays différents dont la « lointaine » République Centrafricaine ; sans oublier les fuyards désespérés du Lac-Tchad, suite aux exactions de Boko Haram. Nullement impressionnés par la gestion somme toute acceptable de cet afflux (inédit et tous azimuts) par le gouvernement de Brigi Rafini, les opposants au régime accusent le Chef de l’Etat de porter la poisse. La série noire continue avec le verdict de la Cour de la Haye, relatif au contentieux frontalier Burkina-Niger, où nous perdons plus de 500 km2 de notre territoire et plusieurs Entités Communales ; ensuite explose l’affaire Charlie ayant entrainé des casses énormes et des morts ; enfin, surgit la sulfureuse bande de Shakaou avec ses massacres atroces, ses blessés et villages incendiés, sans oublier les milliards de FCFA engloutis dans l’effort de guerre ; on ne peut passer sous silence la meurtrière méningite qui a emporté plusieurs dizaines de vies. Pour toute explication, l’Opposition parle toujours de « guigne » à mettre sur le dos du Président de la République. Est- ce suffisant comme argument pour faire tomber un candidat-Président ? L’électorat, même considéré en général superstitieux, est-il prenable à cet appât ? Au fait qu’est-ce qui galvanise les « troupes » dans le camp d’en face ? Des mobiles plus personnels ne seraient-ils pas mis en avant ?
De toute évidence, les leaders de l’Opposition, malgré leur désarroi bien réel, ne ménagent rien pour en découdre avec « le Lion de Dandaji » ; ils lui reprochent notamment d’avoir " concassé" leurs structures et partant, de les avoir eux - mêmes atrophiés. Pour le cas spécifique du parti Lumana/FA, l’affaire dite des bébés importés, où Hama Amadou, son président, est accusé d’être trempé, est considérée par les opposants, comme une machination politicienne du régime en place visant à liquider un adversaire « dangereux ». Depuis son exil parisien, l’ancien président de l’Assemblée Nationale, multiplie interviews et conférences de presse pour faire entendre sa cause. Aux dernières nouvelles, il menace de braver le mandat d’arrêt lancé à son encontre, et rentrer au bercail. Attend-il l’avis de la Cour compétente sur la recevabilité de sa candidature pour aviser?
Sur le chapitre de la gouvernance , l’Opposition ne parle que de « mal gouvernance » : elle récuse la Cour Constitutionnelle, taxée d’être à la solde du Chef de l’Etat ; la liste électorale serait concoctée sur mesure et le calendrier des élections, contrairement aux usages, ne serait pas consensuel ; l’impunité serait le label caractéristique du pouvoir : à titre illustratif, aussi scandaleux que cela soit, le sieur Zakai (réputé champion toutes catégories en surfacturations et fausses factures), est lavé de tout soupçon, simplement parce qu’il s’est affublé en « rose » ; l’on évoque aussi les fraudes à répétition dans les concours professionnels, sans oublier les agissements du ministre en charge de l’Intérieur narguant allègrement les magistrats de l’ordre judiciaire. La dernière trouvaille en date, dans ce jeu de crocs-en-jambe et de guet-apens politiciens, reste sans doute, l’affaire des 9 milliards de FCFA, saisis à l’aéroport de Niamey, et restitués aux contrevenants sur instruction venue du plus haut niveau. Les partis de l’Opposition crient au scandale et alertent l’opinion ; la société civile s’en mêle et une nouvelle coalition, regroupant « tout ce beau monde », dénommée Front Patriotique Républicain voit le jour.
Le Front considère que par cet acte, le Président de la République se rend coupable de favoriser la « jet-society » plutôt qu’alimenter le Trésor Public, « grenier national», au service de l’intérêt général. Profitant de cette levée de boucliers, les opposants brandissent « l’artillerie lourde » : la procédure de mise en accusation du Chef de l’Etat, pour haute trahison, est envisagée. Quoique l’issue infructueuse d’une telle offensive « d’avant-guerre » soit prévisible, le simple fait qu’elle donne lieu à un déballage médiatique, peut écorner l’image du Président.
Autres évènements qui, vus de l’opinion, risquent de dégraisser sérieusement le parti d’Issoufou Mahamadou. En effet, à quelques mois de l’échéance électorale, contre toute attente, au lieu de la carotte, le Président candidat sort le bâton : son parti exclut un militant de gros calibre (Ibrahim Yacouba, DIRCAB/Adjt. du Chef de l’Etat) ; deux membres du gouvernement, issus d’un parti allié, dont le ministre d’État, Amadou Boubakar Cissé, Président de ladite structure, sont remerciés. Serait- ce le sort de tout prétendant à la magistrature suprême, comme c’est le cas du ministre Cissé? Sommes- nous en présence de l’option choisie pour discipliner le reste des alliés? Le « Lion » préfère-t-il être craint que d’être aimé ?
En revanche, la naissance d’une nouvelle formation politique, le Mouvement Patriotique pour la République (MPR/Jamhuria) d’Albadé Abouba, acquis à la mouvance présidentielle, peut générer du réconfort dans le camp du Président-candidat. En effet, face à un MNSD réduit comme une peau de chagrin, ceux qu’on appelait « les dissidents », ayant enfin conquis une identité, peuvent constituer des partenaires de taille.
En tout état de cause, le pouvoir d’Etat ayant un goût de revenez-y, le Président Issoufou ne veut rien laisser au hasard, ni s’arrêter en si bon chemin. Toutefois, il fait face à un dilemme cornélien : passer dès le premier round à tout prix au risque de triompher sans gloire, ou braver un 2ème tour qui peut signifier un saut dans l’inconnu? Entre des alliés dubitatifs parce qu’échaudés, et une Opposition, composée de « Généraux sans troupes », « d’Unités sans chefs », et de « soldats auxquels il manque l’ordinaire », mais déterminée comme jamais, parce que mue par l’instinct de survie, le « Lion » va donc tenter l’aventure. S’agira-t-il alors du combat de David contre Goliath ou de la guerre des Alliés affrontant l’Axe? Suspense poignant!