La réélection du candidat du PNDS dès le premier tour, à l’instar d’Alpha Condé en Guinée-Conakry ou d’Alassane Dramane Ouattara plébiscité en Côte d’Ivoire, reste l’enjeu principal de cette investiture du Chef de l’Etat sortant, Issoufou Mahamadou. Plusieurs données plaident en faveur de cette réélection en seul un tour.
Après, Hama Amadou, candidat officiel du Moden FA Lumana, Amadou Boubacar Cissé, président de l’UDR-Tabbat, Issoufou Mahamadou sera déclaré officiellement candidat pour les futures présidentielles à l’issue d’une cérémonie qui est annoncée pour le 07 novembre 2015.
LES PRESIDENTIABLES. D’autres candidatures seront également officialisées dans les prochains jours. Il s’agit entre autres de la candidature de Seïni Oumarou, chef de file de l’opposition et président du MNSD-NASSARA, arrivé au second tour des présidentielles de 2011, celle de l’ancien ministre d’Etat Abdou Labo, président de CDS-Rahama qui a détrôné Mahamane Ousmane en septembre 2014. On cite parmi les présidentiables le nom d’Albadé Abouba, ministre d’Etat à la présidence, président du nouveau parti MPR JAMAHURIYA, une formation politique récemment créée suite à la crise de confiance qui a divisé le MNSD. On parle aussi de l’ancien président de la République Mahamane Ousmane, qui est pour le moment sans formation politique. On cite également le nom de Yacouba Ibrahim, cadre des douanes, ancien ministre des transports et directeur de cabinet adjoint du président de la République jusqu’au mois d’août dernier qui a décidé, après son exclusion du PNDS-TARYYA le 26 août 2015, de créer sa formation politique.
La liste des présidentiables n’est pas exhaustive mais ce qui est sûr, le président sortant, Issoufou Mahamadou fera face non seulement à ses anciens challengers de l’opposition, mais aussi il croisera le fer avec d’autres personnalités éprises d’un certain charisme politique. Au total, l’opposition ARDR, compte présenter au moins trois candidatures, à savoir celle de Seïni Oumarou, Hama Amadou, et Mahamane Ousmane. Tous ces responsables politiques ont eu à gérer les hautes fonctions de l’Etat, y compris des fonctions présidentielles pour le cas de Mahamane Ousmane, mais ces derniers n’ont objectivement pas de bilan à défendre comparativement au Chef de l’Etat sortant.
LE FAMEUX BILAN. En termes de bilan, le Chef de l’Etat sortant en a un bien côté qu’il vend d’ailleurs à chacune de ses sorties de ces derniers jours. Issoufou a dit à qui veut l’entendre que ceux qui le combattent aujourd’hui n’ont aucun bilan à présenter au peuple. De la diplomatie, en passant par la construction des infrastructures routières, des écoles et salles des cours, la création des nouvelles universités, de l’emploi, des opportunités d’affaires, le renforcement du dispositif sécuritaire, pour ne citer que ces quelques domaines, le Président Issoufou a incontestablement mieux travaillé que Mahamane Ousmane, Hama Amadou et Seïni Oumarou (sous le régime de Tandja), et même par rapport à d’autres chefs d’Etat qui se sont succédé, en dehors peut être de Feu Diori Hamani, le père de l’indépendance.
Il est certes vrai que tout n’est pas rose durant ce premier mandat de Mahamadou Issoufou, en raison de certains actes mafieux posés par des personnes tapis dans son entourage et qui ont écorché son image d’homme d’Etat. Mais il a su tout de même relever de nombreux défis de gouvernance, surtout dans des domaines où des personnalités citées plus haut avaient lamentablement échoué. L’exemple le plus illustratif est celui de recrutement des jeunes diplômés qui ont intégré en grand nombre la fonction publique. Ce qui était quasiment impossible avant son accession au pouvoir en 2011. Ses adversaires politiques de l’opposition y compris d’ailleurs ceux de la majorité, dont principalement Hama Amadou avant qu’il ne quitte la mouvance, trouvaient ces recrutements exagérés. Pourtant, la lutte contre le chômage des jeunes est le plus grand bien qu’un régime peut rendre à un peuple.
Sur le plan des infrastructures routières, Issoufou a pris également une large avance sur ses adversaires. Au niveau de la ville de Niamey tout comme à l’intérieur du pays et sur les grands axes routiers, ce sont des milliers de kilomètres de route qui ont été réalisés ou réhabilités au gré de son programme de gouvernance. Ce sont là, les quelques données, qui vont jouer certainement en faveur de sa candidature lors des prochaines propagandes politiques. Malgré ce bilan très positif, il y a eu beaucoup de ratés que les trois principaux leaders de l’opposition auraient pu exploiter intelligemment et ravir la vedette à Issoufou. Mais l’opposition s’était laissée emporter par des querelles de clocher et des calculs mesquins.
PROBLEME D’EGO. Dans le camp de l’opposition, personne ne veut renoncer à ses ambitions présidentielles au profit de l’autre. Hama a précipité, depuis Paris où il vit en exile, son investiture, coupant ainsi l’herbe sous les pieds à l’opposition ARDR et ses militants qui avaient menacé un moment de boycotter les élections si leurs revendications ne sont pas prises en compte. Par ailleurs, plusieurs militants de Lumana, qui n’arrivent pas à oublier leur embrouille de 2009 avec Seïni autour de la bataille pour le contrôle du MNSD-Nassara après la déportation de Hama Amadou à la prison de Koutoukalé, sont très hostiles vis-à-vis de toute idée visant à soutenir Seïni Oumarou même au cas où leur leader Hama Amadou ne parvient toujours pas à rentrer au Niger.
En outre, le combat que Mahamane Ousmane mène pour se faire investir à titre de candidat indépendant, sous la bannière d’un comité de soutien, est aussi une donnée non négligeable qui trahit l’unanimité tant clamée au sein de l’ARDR.
En effet, Mahamane Ousmane, qui ne contrôle plus le parti CDS-Rahama, au lieu de serrer les rangs derrière le candidat Hama ou Seïni, s’organise lui et ses militants autour d’un comité de soutien en faveur de sa candidature aux présidentielles de 2016.
Le probable candidat du MNSD qu’est Seïni Oumarou a voulu d’une unanimité autour de sa candidature, en raison de son statut de chef de file de l’opposition. Mais c’est sans compter avec l’égoïsme de ses acolytes qui n’épousent pas cette option.
Par contre du côté de la mouvance au pouvoir MRN, même si quelques candidatures sont annoncées, il est fort probable qu’un consensus se dégage au dernier moment en faveur de la candidature unique du président sortant, Issoufou Mahamadou. C’est même une hypothèse très plausible, si l’on en croit certaines sources proches de la MRN.
Face à une candidature unique qui bénéficiera d’un large soutien des alliés de taille, notamment le CDS, le MPR d’Albadé Abouba, de l’ANDP, de l’ADN de Salah Habi…, l’opposition ARDR qui elle, a choisi d’aller en rangs dispersés, n’aura aucune raison de se soulever contre la victoire en un seul tour de Mahamadou Issoufou. La troisième donnée qui plaide en faveur du candidat du PNDS concerne le faible taux d’inscription des militants de l’opposition sur les listes électorales.
MEPRISE ET REGRETS. Dès le lancement du processus de reprise du fichier électoral, l’opposition ARDR et ses militants avaient observé un comportement de je-m’en-foutiste, qualifiée par certains de boycotte. Dans leurs fiefs, les partis politiques de l’opposition n’ont pas pris le temps nécessaire pour exhorter leurs militants à se faire enregistrer sur le nouveau fichier, contrairement aux partis de la majorité qui savent que tout se jouent au niveau de la reprise du fichier et qui avaient fait montre d’un grand enthousiasme pour que leurs électeurs ne ratent pas ce rendez-vous.
Une seconde phase de recensement des électeurs, dite opération de ratissage, a même été organisée en vue de permettre aux personnes qui n’ont pas pu s’inscrire d’en profiter pour le faire. Même là, l’opposition ARDR et ses militants étaient restés dans leur logique, fondant l’espoir sur un scénario au gré duquel tout le processus électoral allait s’arrêter net.
A leur surprise générale, non seulement il n’y a eu aucune anicroche qui peut susciter l’arrêt de ce processus, mais aussi et surtout la communauté internationale a dit prendre acte, à travers ses envoyées spéciaux et ses représentants sur place, de bon déroulement dudit processus. Mieux, les représentants de l’opposition au niveau des différentes structures en charge des élections n’ont jusque-là pas dénoncé de manière officielle une quelconque irrégularité dans la conduite des opérations électorales en cours.
La Commission électorale nationale indépendante et le CFEB, structure chargée de reprendre le fichier électoral, a d’ores et déjà procédé à une première opération d’affichage des lites électorales sur toute l’étendue du territoire. Comme l’on pouvait s’y attendre, plusieurs militants de l’opposition ne savent plus où mettre de la tête en constant que leurs noms ne figurent pas sur ces listes électorales. Donc, comme en 2011, où l’opposition ARN à l’époque, a été amputée de ses listes des candidats aux élections législatives dans de nombreuses localités, du fait de sa propre faute, on peut sans risque de se tromper dire que l’opposition ARDR est en train de perdre ces élections du fait de sa propre turpitude.
Si elle avait mobilisé ses militants à se faire enregistrer massivement sur le nouveau fichier, elle ne serait pas là aujourd’hui à vouloir d’une reprise des opérations de recensement à moins de dix semaines de lancement de la campagne présidentielle. C’est une erreur fatale qui va tout naturellement permettre à la mouvance au pouvoir de faire le trop-plein des voix dans les fiefs de l’opposition. Dans les bastions du PNDS, Issoufou sera imbattable, mais aussi dans les zones d’influence de l’opposition il va récolter des bons scores, en raison de la situation décrite un peu plus haut, qu’on peut expliquer comme une méprise irrattrapable de la part de l’ARDR.
A un pas de la publication définitive des listes électorales, certains analystes politiques vont jusqu’à parler d’une «victoire du candidat Issoufou Mahamadou au demi tour», allusion faite ici à l’avance que son parti le PNDS a prise sur les autres partis de l’opposition en termes de nombre des militants inscrits sur le nouveau fichier. Enfin, le quatrième aspect non moins important qu’il ne faut pas perdre de vue dans le cadre des préparatifs des élections de 2016, porte sur la capacité de chaque parti politique à financer sa propagande politique.
NERF DE LA GUERRE. Au Niger comme un peu partout dans le monde, la propagande électorale est synonyme de mobilisation des gros moyens financiers. Avec la traversée de désert qu’ils ont connu sous la 7ème République, du fait de leur mise à l’écart de la gestion des postes de responsabilités et autres emplois juteux, la plupart des partis politiques de l’opposition seront certainement confrontés à des sérieux problèmes de ressources financières lors des campagnes à venir. La contribution des leaders y compris les éventuels appuis financiers qu’ils pourraient recevoir de l’extérieur de la part des partis amis, ne peuvent à eux seuls suffire pour affronter la machine électorale que le principal parti au pouvoir s’apprête à mettre en marche dès ce samedi 07 novembre 2015.
Aux élections présidentielles de 1999, 2004 et de 2011, les propagandes politiques de son candidat étaient financées à coups de milliards de francs CFA. Donc même étant à l’opposition à l’époque, le PNDS est habitué aux grosses finances en période électorale, à plus forte raison cette fois-ci où les dignitaires du parti, hauts cadres et opérateurs économiques encartés au PNDS, tous aux affaires, ont la possibilité de mobiliser des milliards de francs CFA pour arracher à Issoufou ce deuxième mandat. A ce niveau également, la bataille pour le financement des élections à l’interne des partis politiques est gagnée d’avance par le président sortant.
Les opposants auront tout à gagner s’ils parvenaient à inverser la tendance qui est pour le moment en faveur du candidat sortant. Encore faudra-t-il qu’ils changent de registre de revendications, en laissant tomber certaines de leurs préoccupations irréalistes, dont la plus saugrenue porte sur la destitution la cour constitutionnelle qu’elle exige, alors même que ceci relève de l’impossible, si l’on s’en tient à l’esprit de la constitution en vigueur au Niger.
La communauté internationale que l’opposition courtise depuis près de quatre ans est plus préoccupée à la stabilité du pays, dans un contexte sécuritaire sous régional marqué des conflits armés tous azimuts, notamment aux frontières nord ouest et au sud-est du Niger. C’est d’ailleurs compte tenue de cette situation sécuritaire très fragile du pays, que l’Union Européenne, la France, les Etats-Unis d’Amérique, et la Belgique bientôt, se déploient militairement sur le territoire nigérien, en vue de préserver ce qui reste à sauver de leurs intérêts stratégiques dans une sous-région qui peut s’embraser à tout moment.