Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Le Mali    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article



 Titrologie



Le Sahel N° 9024 du 9/11/2015

Voir la Titrologie


  Sondage


 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Société

Reportage/Tillabéri : Sur le plateau de Karma, avec les ramasseuses de graviers
Publié le mardi 10 novembre 2015   |  Le Sahel




 Vos outils




A une quarantaine de Kilomètres de Niamey, sur la route de Tillabéri, Karma un gros village est situé sur le long du fleuve Niger. Sur le plateau qui surplombe cette bourgade, règne quotidiennement et en permanence une ambiance. A perte de vue des femmes tous âges confondus s'adonnent pleinement à une activité : elles ramassent, tamisent et entassent des graviers qu'elles revendent aux tâcherons ou autres entrepreneurs. Intéressante et impressionnante à première vue mais pénible et agaçante pour celles qui la pratiquent, cette activité permet cependant à celles qui s'y adonnent de trouver leur compte.
Mme Tayyibata Seyni s'est lancée dans cette activité après une longue réflexion sur les issues de sortie de l'extrême pauvreté qui mine sa famille en période de soudure. «Avant de commencer, j'ai informé mon mari qui m'a donné la permission du fait non seulement de la situation que traverse notre foyer mais aussi et surtout parce que c'est une activité pratiquée essentiellement par les femmes. Maintenant avec l'aide de Dieu nous arrivons à profiter de ce commerce car j'aide beaucoup mon mari dans les dépenses du foyer et même dans le domaine de la scolarité des enfants » confie-t-elle. Elle a débuté cette activité avec sa sœur qui a désisté peu de temps après. Mme Tayyibata a continué seule ce dur métier. Grâce à ce commerce apparemment rentable, elle arrive à s'acheter tout ce dont elle a besoin à commencer par les outils nécessaires qui lui ont permis de mener à bien cette activité notamment : la pioche ; la pelle ; le tamis ; le râteau...

«Quand nous avons commencé cette activité, nous arrivons ma sœur et moi à vendre un à deux ¨voyages¨par semaine en raison de 25.000 FCFA le voyage. Mais, actuellement, comme il y a plusieurs revendeuses de graviers un peu partout, il y a des jours où les femmes rentrent à la maison les mains vides sans un rond» dit-elle. Selon les explications de Tayyibata, c'est seulement avant la saison pluvieuse que la vente des graviers est rentable car, en cette période, certains propriétaires se précipitent, pour arranger des maisons déjà construites et d'autres pour en construire. C'est un métier agaçant certes mais rentable qui parfois, leur cause un problème sanitaire. Le principal problème évoqué par cette femme est la rareté de la clientèle. En effet, lors de notre passage au niveau de ce qu'il faut appeler ''la mine de Karma''nous avons trouvé une vingtaine de tas de cailloux qui n'ont pas été vendus. Malgré cela, la courageuse Tayyibata continue à entasser d'autres avec l'espoir de tout vendre un jour.


Mme Aïssa Hassane est une autre vendeuse de graviers qui a commencé cette activité bien avant Tayyibata. D'après elle, ce commerce est la seule activité génératrice de revenus pour bon nombre de femmes de Karma. «Elle nous permet de subvenir à nos besoins ainsi que ceux de nos familles» a-t-elle dit le sourire aux lèvres. Aussi grâce à Aissa dit aider sa famille et même certaines amies qui sont dans le besoin. Selon elle, le travail est une grande richesse car il rend l'homme autonome et lui permet d'accéder au mieux-être. Cependant, ces ramasseuses de graviers ne sont pas organisées en groupements féminins, elles travaillent individuellement, chacune à son propre compte. Elles indiquent aussi n'avoir jamais reçu une aide quelconque. «Nous étions trois au départ mais maintenant, nous sommes séparées et chacune s'occupe de sa partie » ajoute t-elle.


Parlant de l'avantage de cette activité, Aissa Hassane affirme que beaucoup de femmes tirent profit de cette activité. Certaines ont payé du bétail et d'autres se sont lancées dans d'autres activités commerciales beaucoup plus rentables que la vente des graviers. «Maintenant la clientèle se fait de plus en plus rare et les cailloux aussi, car avant, il suffit juste de balayer pour avoir un ''voyage'' mais maintenant, il nous faut creuser pour avoir un tas alors qu'il faut regrouper quatre tas pour avoir un ''voyage''» a-t-elle expliqué. Les raisons de la rareté de la clientèle sont selon Aissa Hassane dues à une crise économique généralisée. Ce qui n'enchante pas du tout nos vendeuses qui sont déjà à la recherche d'une autre issue de sortie. Kadi Djibo âgée d'une soixantaine d'années qui exerce cette activité depuis quelques années, semble tirer son épingle du jeu. Elle a ses clients habituels qui achètent auprès d'elle à tout moment.

Grâce à ce petit commerce, la vieille gagne dignement sa vie et arrive sans problème à subvenir aux besoins de sa famille. Elle affirme avec fierté que son activité a fait d'elle une femme autonome car avec cet argent, elle assure la scolarité de ses enfants (la tenu scolaire) ; la cotisation qu'on leur demande ainsi que les fournitures scolaires). «Nous rencontrons beaucoup de difficultés tant du point de vue des outils de travail que du point de vue de la clientèle » a-t-elle cependant confié. Kadi Djibo ignore les raisons de cette rareté des clients. Quoiqu'il en soit, ces femmes travaillent tout au long de la journée et rentrent à la maison le soir pour s'occuper encore d'autres tâches domestiques telles que la cuisine, la corvée d'eau etc. Ce qui montre combien l'autonomisation de la femme est essentielle au bien-être de la famille et des communautés rurales mais également à la productivité économique en général.


Ces femmes contribuent également au développement du pays à travers toutes les activités socio-économiques qu'elles exercent. Cependant, les ramasseuses de graviers de Karma font face à de nombreuses difficultés car elles travaillent sans protection aucune et sont donc exposées à toute sorte de maladies parmi lesquelles les affections respiratoires, les dermatoses chroniques dues souvent à la nature du sol où elles exercent. En outre, les clients, malgré toutes les difficultés de cette activité et les efforts consentis par ces femmes trouvent les graviers un peu chers. Aussi certains propriétaires terriens les chassent et s'accaparent de leurs graviers.


Aïchatou Hamma Wakasso(onep)

 Commentaires