restitution à leurs propriétaires des devises saisies les 20, 22 et 24 août 2015 à l’aéroport international Diori Hamani par des agents de douane en collaboration avec la police et la gendarmerie a donné lieu, samedi 31 octobre, à l’interpellation du ministre de l’Economie et des finances, Seydou Sidibé, par les députés de l’opposition. L’importance des sommes saisies (l’équivalant de 8.843.341.771 francs CFA en devises étrangères, des livres Sterling et des dollars principalement) et la désinvolture avec laquelle le ministre Sidibé a ordonné la restitution de l’intégralité de l’argent sans aucune pénalité contre les trafiquants commandait cette interpellation, qui a eu, comme on le sait, de la peine à aboutir, devant la résistance du président de l’Assemblée nationale, Amadou Salifou.
L’interpellation est d’autant fondée qu’il s’agit d’un trafic douteux et lorsqu’on sait aussi que ce genre d’opération est réglementé par des textes nationaux et régionaux. Les députés de l’opposition, à travers leur initiative, voulaient éclairer l’opinion nationale et internationale sur les questions suivantes : Pourquoi le ministre des Finances a-t-il pris la grave responsabilité de mettre à l’écart les services des douanes en ordonnant une main levée par lettre n° 1222/MF/CAB en date du 27 août 2015 ?
Quelle autorité a inté- rêt à soustraire les services compétents de l’examen de ces dossiers et, partant, à empêcher que lumière soit faite sur les véritables commanditaires de ce trafic ? Comment comprendre que dans un pays classé dernier en Indice de développement humain et qui a besoin de ressources financières pour faire face aux besoins sociaux essentiels et pour organiser des élections locales et générales, que des fonds considérables soient ainsi abandonnés ? La gravité et la responsabilité d’ordonner la restitution de ces fonds peuvent-elles échapper au pouvoir des plus hautes autorités en l’occurrence le président de la République et le Premier ministre ?
Face à cette série de questions, on s’attendait à ce que le ministre Sidibé apporte des réponses convaincantes sous-tendues par des dispositions légales qui autorisent la restitution intégrale aux propriétaires des sommes saisies sans aucune contrepartie. Tel n’a pas hélas été le cas. Après s’être adonné à une explication détaillée des pouvoirs à lui conférés par la réglementation nationale et les conditions dans lesquelles la réglementation de l’Uemoa peut s’appliquer dans le cadre d’une infraction au contrôle des changes, Sidibé a estimé légal d’accorder le passé outré consistant à la restitution des fonds aux propriétaires sans aucune pénalité préalable.
Le fondement de sa décision tenait, selon lui, au fait que les investigations de la gendarmerie avaient levé «tout soupçon sur d’éventuels actes de blanchiment, ou des ressources d’origine criminelle, ou encore destinées au financement du terrorisme» et que les dispositions de l’article 23 du rè- glement N° 09/ 2010/CM/Uemoa, à la base des saisies opérées, ne s’appliquent pas aux voyageurs résidents de l’espace. Les porteurs des fonds n’étant pas des voyageurs résidents de l’espace Uemoa, ils sont simplement astreints à une dé- claration par écrit, «à l’entrée et à la sortie du territoire national, tous les moyens de paiement dont ils sont porteurs, lorsque leur montant dépasse la contre valeur d’un million (1.000.000) de Francs CFA».
Pour le ministre Sidibé, c’est l’unique grief qui peut être retenu contre eux, le fait notamment de n’avoir pas fait la déclaration. Et pour cette formalité il n’existe actuellement aucune disposition opérationnelle au niveau de l’aéroport de Niamey, selon lui. Est-ce pour autant que les trafiquants ont échappé à la sanction appropriée, en dépit du fait que l’infraction est dûment constatée ? Par ailleurs, le ministre Sidibé a cité des cas de Nigériens interceptés dans des aéroports étrangers avec de grosses sommes en devises, et qui ont pu poursuivre leur voyage avec l’argent à la suite de transactions, pour chercher à minimiser la pratique. Sans pour autant préciser s’ils ont payé des pénalités ou non.
Au finisih, il est loisible de constater que le ministre Sidibé n’a pas véritablement répondu aux questions qui lui ont été posées et n’a pas donné de réponse satisfaisante à la restitution des fonds qu’il a ordonnée. Mais cela n’est guère surprenant de sa part lorsqu’on se réfère à l’intervention réplique du ministre d’Etat Bazoum sur l’affaire lorsqu’elle a été ébruitée. Il avait minimisé aussi les faits, malgré leur gravité, se contentant de montrer que des Nigériens aussi s’y adonnent. Cette posture des tenants du pouvoir prouve à l’évidence le caractère mafieux de l’affaire. Il faut compromettre les intérêts du pays pour satisfaire la clientèle politique, c’est cela, en fait, la ligne de conduite des animateurs de la renaissance.