Nous l’avons dit et redit à maintes reprises à travers ces colonnes. Le régime Guri du président Issoufou Mahamadou ne respecte les lois de la République et les procédures légales que lorsque cela l’arrange. Quand le respect des textes et procédures ne lui permet pas d’atteindre ses objectifs surtout lorsqu’il s’agit de nuire à un adversaire politique, il les piétine allégrement.
Nous sommes une fois encore dans ce cas de figure avec l’arrestation manu militari du président du Moden Fa Lumana Africa, Hama Amadou, dès son débarquement de l’avion à l’aéroport Diori Hamani, le samedi 14 novembre dernier, et son placement immédiat en mandat de dépôt à la prison civile de Niamey, conformément aux termes du mandat d’arrêt national émis contre lui par le juge d’instruction en charge du fameux dossier dit de «supposition de bébés» dans lequel il est poursuivi.
Son internement à la maison d’arrêt de Niamey n’étant pas du goût du pouvoir Issoufou, il fallait, en violation flagrante de la loi, procéder dans la même nuit à sa déportation dans une prison de l’intérieur du pays, à savoir celle de Filingué, à quelque 187 km de Niamey, histoire de l’éloigner de sa famille, ses amis, ses militants et alliés politiques. Pour parvenir à leurs fins, dans la même soirée alors qu’il s’agit d’un jour férié (samedi), le ministre de la Justice, garde des sceaux, Morou Amadou, qui fait partie des personnalités du régime qui ont fait du dossier leur affaire personnelle, a été mobilisé pour établir –sans avoir la qualité de poser un tel acte gravissime- un document autorisant le transfèrement nocturne du prévenu Hama Amadou. Dans la précipitation et le désordre, il a mentionné dans le document illégal «le condamné» au lieu «du prévenu» comme si le président Hama a comparu devant le tribunal et a été jugé et condamné. Ceci montre une fois de plus qu’on n’a pas à faire à des dirigeants responsables, soucieux du respect strict des lois de la République et des procédures légales sur lesquelles reposent la démocratie et l’Etat de droit. Mais c’est oublier qu’une telle forfaiture ne peut pas passer inaperçue parce qu’il y a des praticiens du droit qui veillent au grain, notamment les avocats du prévenu.
Devant cette grave violation de la loi, ces derniers ont évidemment saisi leur Ordre pour faire constater l’immixtion flagrante du ministre Morou dans le traitement du dossier judiciaire. Ce que nous avons toujours dit est aujourd’hui apparu au grand jour. Le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats a, comme il fallait s’y attendre, adressé une correspondance audit ministre pour lui faire part de la gravité de l’acte et du discrédit que cela est susceptible de jeter sur la justice «car violant le principe de la séparation des pouvoirs consacrée par la Constitution en son article 116».
Dans la correspondance, le Bâtonnier souligne le fait de violation de la loi perpétré par Morou en ces termes : «…le samedi 14 novembre 2015 vous avez nuitamment signé un arrêté de transfèrement d’un détenu prévenu en violation de l’article 49 aliéna premier du décret 99-368/PCRN/MJ/PRN/MJ du 03 septembre 1999 qui dispose : ‘’les transfèrements des détenus prévenus sont requis par les magistrats saisis de la procédure’’. Il s’agit d’un acte judiciaire exclusivement réservé aux seuls magistrats saisis du dossier qui en sont les dépositaires, eux-mêmes en vertu du serment qui les lie au peuple au nom duquel la justice est rendue». C’est clair et limpide, et cela confirme le sentiment qui anime aujourd’hui l’écrasante majorité de la population nigérienne. Sentiment selon lequel le respect des lois de la République ne concerne pas ceux qui sont aux gouvernails, il s’applique uniquement aux citoyens lambda et le régime Issoufou n’a eu de cesse de le démontrer depuis 2011. Devant cette situation, le Bâtonnier de l’Ordre, Daouda Samna n’est pas allé du dos de la cuiller pour rappeler à l’ordre le ministre Morou en soulignant ceci : «Il me paraît judicieux, que les conséquences» de la forfaiture commise par Morou «soient rapidement tirées pour que soient restaurées les formes légales, valeurs essentielles à même de garantir les droits intangibles de la défense».
Et de poursuivre : «J’ai la conviction ferme que notre justice gagnerait en crédibilité et garderait toute son envergure citoyenne et son essence républicaine». Refuser de suivre les conseils du Bâtonnier visant notamment la restauration des formes légales ne fera que confirmer la thèse selon laquelle les guristes cherchent à transformer le Niger en une République bannière. Une République sous laquelle des ministres peuvent s’arroger les prérogatives des juges pour régler des comptes politiques, une République sous laquelle la séparation des pouvoirs n’est pas effective, une République sous laquelle des ministres bafouent les décisions de justice qui ne leur sont pas favorables s’ils ne prennent pas carré- ment aux juges. Nous avons vu tout cela sous ce règne Guri