Lire la déclaration du BEN SAMAN
Fidèle à sa mission de veille citoyenne relativement aux questions touchant l’Etat de droit, le respect des droits humains et l’indépendance de l’institution judiciaire, le Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN) prend l’opinion publique nationale à témoin face à des dérives autoritaires commises par certains de nos gouvernants.
En effet, il est un truisme de rappeler que la Constitution de notre pays a, de manière formelle, consacré la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice comme principes cardinaux constituant le socle de notre édifice institutionnel.
Mais que constate-t-on aujourd’hui au Niger ?
Certains Nos autorités actuelles parvenues au pouvoir par le truchement de l’Etat de droit, n’ont trouvé mieux dans leurs actions quotidiennes que de fouler au pied les règles élémentaires qui fondent toute démocratie.
Elles considèrent la justice comme un des facteurs entravant la mise en œuvre de leur projet funeste visant à mettre notre processus démocratique en péril. Leur ambition a toujours été d’avoir une justice aux ordres à cette fin.
Comment pensent-elles y parvenir ?
L’Acte1 a consisté en la création d’une ligne verte dont l’objectif est de créer un climat de psychose et de peur permanente dans l’esprit des magistrats afin de leur empêcher d’avoir le courage nécessaire pour dire le droit, non pas en leur âme et conscience mais bien selon le désidérata des gouvernants.
C’est pourquoi, le SAMAN a fait de la suppression du Bureau de la ligne verte, une de ses exigences prioritaires pour laquelle il ne saura faire aucune concession car il reste convaincu qu’il ne s’agit que d’un instrument de chantage et de pression entre les mains de l’Exécutif pour freiner l’ardeur des juges courageux et porter gravement atteinte à l’indépendance de la justice et à la séparation des pouvoirs.
L’Acte 2 a consisté en cette fausse croyance que développe le Ministre de l’intérieur par laquelle il s’érige en patron de la police judiciaire au mépris des dispositions du code de procédure pénale qui font seulement du Procureur de la République le chef hiérarchique naturel de la police judiciaire qui reste un auxiliaire de justice chargé de recevoir les plaintes et dénonciations, d’interpeller les personnes mises en cause, de mener les investigations en vue de recueillir les indices nécessaires relatifs aux infractions à la loi pénale.
Le pic a été atteint ces derniers temps avec les interpellations massives et arbitraires des hommes politiques, des journalistes et acteurs de la société civile suivies des perquisitions illégales sans aucun respect des règles de procédure faisant des juges les seules autorités habilitées à ordonner la détention des citoyens soupçonnés d’infractions à la loi pénale et d’en apprécier les charges éventuelles à retenir contre eux.
L’idée de base est de transformer nos parquetiers en des simples exécutants des ordres venant « d’en haut ».
Mais que ces gouvernants se détrompent. Aucune autorité publique, aucun homme politique, aucun groupe de pression, ne pourront entraver le travail consciencieux des juges car ils ont prêté le serment devant Dieu et devant le peuple nigérien de dire le droit dans le respect de la légalité et des exigences de l’Etat de droit.
Le troisième Acte est le comportement inexplicable et inexpliqué de ce gouverneur zélé de la Région de Zinder qui se donne le culot de continuer à croire que les magistrats de son ressort relèvent aussi de son autorité et qu’à ce titre il a un droit de regard et au besoin de substitution, dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions.
Il vous souviendra que cet ancien repris de justice notoirement connu de nos services a poussé l’audace jusqu’à s’ériger en un puissant « commandant de cercle » ordonnant à « ses gardes » d’aller nuitamment faire libérer manu militari à la prison civile de Zinder des personnes placées régulièrement sous mandats de dépôt dans l’attente de leur comparution devant l’instance de jugement au motif qu’il s’agit de ses militants qu’il entend protéger.
Notre « commandant de cercle » toujours égal à lui-même a eu aussi à donner des instructions fermes pour faire reprendre des détenus ayant bénéficié d’une mise en liberté provisoire.
Devant le refus des juges d’accepter cette atteinte grave à leur indépendance et à l’absence de tous faits nouveaux qu’auraient commis lesdites personnes, notre ‘monsieur le gouverneur » a juré de faire affecter tous ces juges insoumis. Pari, selon toute évidence réussi, car aux dernières assises du Conseil Supérieur de la Magistrature, l’effectif des magistrats en service au Tribunal de Zinder a été dans sa totalité affecté.
Nous nous faisons dès lors le devoir d’interpeller le CSM par rapport à son indépendance dans la prise de ses décisions.
Aussi nous continuons à nous interroger sur la complicité dont jouit ce gouverneur à la tête de l’Etat pour continuer à défier l’autorité de la justice en toute impunité alors même qu’au haut sommet de l’institution judiciaire (notamment la Cour de Cassation), il nous a été promis que des poursuites appropriées seront engagées en temps opportun contre lui suite aux instructions illégales par lui données pour libérer des détenus au niveau de la prison civile de Zinder.
Le quatrième Acte d’atteinte à l’image et à l’honorabilité de notre justice a trait aux propos indécents et d’un autre âge tenus par « le philosophe » Mohamed Bazoum, Ministre d’Etat de la République du Niger dans les colonnes de la dernière parution de l’hebdomadaire « Jeune Afrique ».
Faisant fi des autres déclarations jetant le discrédit sur certains corps constitués et autres acteurs politiques et ignorant les subterfuges utilisés pour faire rectifier maladroitement le tir par le même journal, les propos du sieur Bazoum mettant à mal la cohésion nationale et l’ordre public doivent avoir un traitement judiciaire approprié afin qu’il se convainque définitivement qu’il n’est pas au-dessus des lois de la République. Ces déclarations ont permis à l’opinion publique de bien cerner la nature et la dimension de l’homme Bazoum.
Au niveau du SAMAN, ce « monsieur » est déjà connu dans nos archives comme un récidiviste notoire en matière d’attaques gratuites à l’endroit de notre justice. Dans ses propos injurieux, il s’est permis, au mépris du principe de la présomption d’innocence, de spéculer et d’imaginer la nature de la décision que rendront les juges en charge d’une affaire encore pendante devant les juridictions.
Pire, il a mis en cause l’intégrité de ceux ayant eu à connaitre de ce même dossier en soulignant que lesdits magistrats ont sciemment fait retarder les choses contre de l’argent à eux distribué. A ce niveau, nous disons au sieur Bazoum que Trop c’est Trop. Le SAMAN le met en garde et se réserve le droit en temps opportun de demander à ses militants injustement salis par notre apprenti sorcier qui croit tout savoir et tout connaitre du milieu judiciaire de porter plainte auprès de qui de droit pour que justice soit faite.
C’est pourquoi, il est de notre devoir de lui demander de porter à la connaissance de l’opinion publique les noms de tous les juges qu’il déclare être corrompus dans cette affaire afin de permettre au Ministre de la Justice qui excelle dans la suspension illégale des magistrats de leurs fonctions sans être entendus au préalable avec la complicité de certains chefs de juridiction zélés, pour qu’il puisse valablement exercer les poursuites pénales et disciplinaires appropriées dans le cadre de la purge de la maison « justice » de toutes ses brebis galeuses.
Nous en sommes donc preneurs et nous osons croire qu’ainsi notre justice sera véritablement assainie et jouera son rôle naturel de gardienne des libertés publiques.
Nous marquons toutefois notre grand étonnement que ce même monsieur qui ne mérite aucun respect malgré les hautes fonctions dont il est inverti à la tête de l’Etat, se permet d’affirmer sans honte bue et sans aucune réserve, qu’ils ont procédé au remplacement de ces juges qu’il qualifie d’indélicats, de leurs fonctions, par d’autre plus intègres. Quelle hérésie de sa part ?
En bon psychanalyste, car pas philosophe étant entendu que ce dernier a au moins son libre arbitre pour cogiter sur le sens des choses, il se permet de scruter le subconscient des magistrats pour les catégoriser en intègres, en corrompus, voire en politiques.
Mais nous disons au sieur Bazoum que la magistrature de notre pays n’a pas attendu son avènement au pourvoir pour appréhender la délicatesse, la noblesse, la grandeur de sa mission. Elle reste et demeure une justice indépendante et impartiale au service de notre peuple, n’en déplaise à ses détracteurs.
Aucune autorité, aucun pouvoir ne peut lui donner des injonctions dans sa manière de dire le droit. S’il pense avoir des complicités internes en notre sein, nous l’avertissions que nous les combattrions tous ensemble.
Le SAMAN ne saurait par conséquent continuer à tolérer les dérives et autres allégations mensongères et fallacieuses des Ministres Bazoum, Massaoudou, et tous autres de leur acabit, à l’endroit du corps de la magistrature.
Nous rappelons au sieur Bazoum qu’il reste aux yeux de la justice comme un simple justiciable lambda et qu’il soit rassuré que son titre de Ministre d’état sans contenu, ne lui sera d’aucune utilité quand l’heure de la vérité sonnera où il viendra forcément rendre compte à cette même justice qu’il ne cesse de vilipender avec sa rhétorique habituelle teintée de mépris et de haine envers les magistrats du Niger.
Nous le rassurons qu’avec son camarade Massaoudou qui qualifie de suspecte une décision souverainement prise par un juge du siège parce que non conforme à ses desseins maquiavéliques, ils répondront inéluctablement devant la barre de la justice car comme le dit cet adage séculaire « les hommes passent, mais les institutions restent ».
C’est pourquoi, le SAMAN interpelle le Procureur de la République pour qu’il puisse prendre ses responsabilités et toutes ses responsabilités en tant que représentant du peuple auprès des juridictions pour enclencher les poursuites judiciaires appropriées devant ces innombrables faits constitutifs d’infractions à la loi pénale commis par ces princes qui nous gouvernent.
Nous allons donc tout mettre en œuvre pour que nos procureurs puissent s’affranchir du joug et du diktat qu’ils subissent de la part de l’Exécutif.
Qui dit qu’un Ministre est au dessus de la justice ?
Que dit le Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, face aux actes graves de ses ministres portant atteinte à l’indépendance de la justice ?
Peut – on y voir de sa part une complicité tacite ou une volonté délibérée de les protéger ?
Il est dès lors de notre devoir républicain et historique de mener la lutte en synergie avec toutes les forces démocratiques de notre pays pour nous aider dans le noble combat de restauration d’une justice digne, indépendante au dessus des faucons et autres fossoyeurs plus enclins à vouloir à tout prix la mettre au pas.
Enfin, il est de notre devoir en tant que bureau exécutif du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger de présenter nos condoléances émues aux familles des victimes des événements tragiques de Mina et des lâches attaques meurtrières commises sur des paisibles citoyens de la Région de Diffa.
Par ailleurs, nous condamnons et fustigeons avec la dernière énergie les ignobles attentats terroristes perpétrés en France, en Tunisie, en Egypte, au Mali et au Nigéria.
Le SAMAN reste par conséquent solidaire avec tous les peuples du monde épris de paix et de justice dans un environnement sécurisé où la vie de la personne humaine demeure sacrée et inviolable.
En conclusion
- Considérant que la République du Niger est un Etat unitaire et indivisible ;
- Considérant le désir et l’engagement historiques du peuple nigérien à vivre dans l’harmonie, l’unité et la cohésion ;
- Considérant la mission régalienne du pouvoir judiciaire de maintenir la quiétude et l’ordre dans la société ;
- Considérant les principes sacro-saints de la séparation des pouvoirs, de l’égalité des citoyens devant la loi et de la présomption d’innocence consacré par notre Constitution ;
- Considérant le serment coranique du Président de la République de respecter et de faire respecter les dispositions de ladite Constitution ;
- Convaincu qu’aucun Etat au monde ne peut se développer dans le déchirement, l’injustice et l’impunité quelle que soient ses multiples ressources ;
Le BEN SAMAN :
1. Demande aux procureurs général et de la République de Niamey de prendre toutes leurs responsabilités pour engager des poursuites judiciaires contre tous les auteurs des actes ci-dessus dénoncés ;
2. Assure ceux-ci de son soutien indéfectible et sans faille face à toutes formes de pression qu’ils peuvent subir ;
3. Dénonce le silence complice et complaisant du Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature devant les attaques et autres immixtions de certains de ses ministres et autres cadres de commandement dans le traitement des affaires judiciaires ;
4. Rappelle au Président de la République son serment prêté devant Dieu et devant le peuple nigérien de faire respecter la Constitution en garantissant une égalité devant le service public de la justice par une lutte implacable contre toutes formes de trafic d’influence et d’abus de pouvoir ;
5. Attire son attention sur les conséquences inéluctables de l’impunité et d’une justice à double vitesse ;
6. Exhorte notre peuple à plus de sérénité et d’esprit de fraternité devant les agissements hors la loi de certains individus qui n’ont aucun sens de l’Etat et qui se sont retrouvés par le hasard de l’histoire à des hautes fonctions sans mérite aucun.