Tunisie, Libye, Nigeria, Cameroun, Tchad, Niger, Mali, Kenya, etc. : la liste des pays africains aux prises avec le terrorisme continue de s'allonger, au point que le continent, déjà ébranlé par maints conflits armés, vit un déferlement de violences d'une ampleur inquiétante, conséquence de sa montée en puissance dans la géopolitique du pétrole, de l'avis des analystes.
Exception faite de l'Afrique australe, aucune région du continent n'est épargnée par ce fléau, qui a atteint la cote d'alerte en 2015, avec la multiplication des attaques spectaculaires au cœur de Tunis et de Bamako, les capitales tunisienne et malienne, ajoutées à la vague des attentats-suicides régulièrement enregistrés au Nigeria, au Cameroun, au Tchad et au Niger.
Membres de la Commission du Bassin du lac Tchad (CBLT) ayant mis sur pied une Force multinationale mixte (FMM) pour lutter contre Boko Haram, groupe terroriste d'origine nigériane affilié à l'Etat islamique (EI) qui sévit au Moyen-Orient, ces quatre pays ont la particularité d'être, hormis le Niger, producteurs de pétrole et d'appartenir avec celui-ci cependant au Golfe de Guinée.
Classée "zone d'intérêt vital" par le Sénat américain, cette région qui s'étend de l'Afrique centrale à l'Afrique de l'Ouest est au centre de grands enjeux stratégiques et économiques mondiaux, notamment depuis la décision des Occidentaux de diversifier leurs sources d'approvisionnement en énergie, après les attentats du 11 septembre 2001 à New York.
TERRORISTES MOYEN-ORIENTAUX
Pour les analystes, cette décision est l'une des causes de la montée actuelle du terrorisme en Afrique. "Cette diversification qui a fait émerger le Golfe de Guinée comme zone d'intérêt stratégique pour les Etats-Unis, aurait amené les terroristes moyen-orientaux (Al Qaïda essentiellement) à poursuivre les Occidentaux en Afrique, exerçant par le fait même une sorte de droit de poursuite", observe le géostratège camerounais Joseph Vincent Ntuda Ebodé.
Evidemment, cette montée en puissance du continent noir dans la géopolitique du pétrole a entraîné une redistribution des cartes, qui n'a pas été du goût de certaines monarchies du Moyen-Orient. "D'où le fait que certains de ces Etats se soient mis à financer les mouvements intégristes en Afrique", a en outre noté l'enseignant de sciences politiques de l'Université de Yaoundé II dans un entretien à Xinhua.
En réalité, à tort ou raison, le Qatar et l'Arabie saoudite ont souvent été cités comme les principaux instigateurs de ces manœuvres, sur fond de clivages religieux entre le sunnisme et le chiisme, les deux grands courants de l'islam.
Mais selon le professeur Ntuda Ebodé encore, une autre raison de l'expansion du terrorisme sur le sol africain "serait liée à la pauvreté et au chômage des jeunes". Ceci aurait exposé les jeunes Africains à des aventures de toutes sortes. On comprendrait par là le recrutement de nombreux adeptes qui deviennent terroristes par la suite, comme on le voit aujourd'hui avec le kamikaze de Boko Haram", a-t-il dit.
En plus de dix ans depuis son apparition en 2002 au Nigeria, ce groupe terroriste s'est révélé comme l'un des plus dangereux du monde. Son essor a coïncidé avec celui d'Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), qui ont fait du désert du Sahel leur zone d'influence et profitent de l'arsenal libyen éparpillé dans la nature après l'assassinat du colonel Kadhafi.
Associées à l'Etat islamique et d'autres mouvements similaires, les trois organisations se sont spécialisées dans le crime organisé, avec pour fonds de commerce le radicalisme religieux. Par delà leurs propres agendas, elles sont soupçonnées d'être instrumentalisées par des puissances occidentales dans la bataille pour le contrôle des richesses africaines qui ont vu émerger d'autres acteurs internationaux.
BESOIN DE MOYENS PLUS IMPORTANTS
Pour combattre le terrorisme, les pays africains ont besoin de moyens plus importants d'autant que leurs armées "ne peuvent pas lutter seules contre ce fléau. Leurs moyens seraient insuffisants, même si elles avaient la volonté, parce que la lutte doit être mondiale", fait savoir le professeur Ntuda Ebodé.
L'implication de la communauté internationale, surtout celle des ex-puissances colonisatrices occidentales, est jugée pour le moment limitée. En cause, "les contradictions de leur politique étrangère, l'indisponibilité des moyens, le caractère international du terrorisme et la hiérarchisation des agendas, donnenent à certains moments, l'impression de politiques molles vis-à-vis de l'Afrique".
En se déclarant volontaire pour le renforcement des capacités et le soutien logistique, la Chine apporte un appui substantiel dans ce combat. "La Chine pourrait aider sur le plan du renseignement, la formation, les équipements et le financement", résume le géostratège.
C'est un point de vue général qui se fonde sur le fait que, sur la base de sa diplomatie de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, la Chine jouit d'un grand capital sympathie auprès des pays africains, captivés par son émergence, non seulement au plan économique, mais aussi en matière de technologie militaire, de surcroît jugée accessible à des coûts abordables et sans "chantage politique".
Membre du Conseil de sécurité de l'ONU, son coup de pouce est aussi sollicité pour déclencher une action diplomatique visant à favoriser l'"internationnalisation" de la cause de la lutte contre le péril jihadiste qui affecte les efforts de développement du continent.
Lors du récent sommet des chefs d'Etat et de gouvernement du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), en début-décembre à Johannesburg en Afrique du Sud, le président chinois Xi Jinping a annoncé un financement sans contrepartie de 60 millions pour la paix et la sécurité à l'Union africaine (UA).
Cet appui vise à aider à l'opérationnalisation de la Capacité africaine de riposte immédiate aux crises (CARIC), un des mécanismes de l'Architecture de l'UA pour la paix et la sécurité, dont le projet phare est la mise en place d'une Force africaine en attente (FAA) portée par cinq brigades régionales au sein des communautés économiques respectives, pour la prévention et la gestion des conflits.