La minorité chrétienne du Niger a célébré vendredi la fête de Noël sous haute surveillance à Niamey, près d'un an après les émeutes anti-chrétiens de janvier qui avaient fait dix morts et causé la destruction de la plupart des églises de la capitale de ce pays principalement musulman.
Les 16 et 17 janvier 2015, des manifestations contre la publication d'une nouvelle caricature de Mahomet en Une de Charlie Hebdo, après l'attentat qui avait décimé la rédaction de l'hebdomadaire français, avaient dégénéré en émeutes faisant dix morts. Le président du Niger faisait partie des chefs d'Etat africains qui avaient participé quelques jours plus tôt à Paris à la Marche républicaine organisée par la France en hommage à Charlie Hebdo.
Quarante-cinq églises, cinq hôtels, des débits de boissons, des commerces et écoles chrétiens avaient été pillés puis incendiés dans la capitale et à Zinder, la deuxième ville du Niger.
"Vous allez constater sur toutes nos paroisses il y a une présence militaire pour prévenir" de telles émeutes, a affirmé à l'AFP Dissou Fidèle, un responsable de l'Eglise catholique Saint-Jean de Yantala, quartier populaire de Niamey. Selon lui, des "mesures" ont été prises par les autorités, des patrouilles motorisées instaurées, pour garantir la sécurité des chrétiens, qui ne représentent que 1 à 2% de la population du Niger.
Devant l'église, des policiers, pistolets dissimulés sous les uniformes, montent la garde. Quatre vigiles d'une société de sécurité privée munis de matraques filtrent les entrées de l'édifice bondé. Des dizaines de fidèles grelottant de froid assistent à la messe sur des bancs métalliques dans la cour.
"Je me sens en sécurité", dit à l'AFP Nadège, une chrétienne venue à la messe, son bébé au dos.
"Notre pays vit en ce moment des ères difficiles, parce qu'il y a l'insécurité généralisée", a relevé jeudi soir dans son homélie, Laurent Lompo, le tout premier archevêque nigérien de Niamey, à la messe de minuit qui a réuni plusieurs centaines de personnes à la grande cathédrale de la ville.
Laurent Lompo, qui a succédé en juin au Français Michel Cartatéguy, a invité les Nigériens à "être de vrais acteurs de paix".
- Cathédrale épargnée -
Située au cœur de la capitale, protégée par des dizaines de policiers, cette cathédrale est l'un des rares édifices chrétiens qui a été épargné par les émeutes. Elle est désormais gardée en permanence par les forces de sécurité.
Non loin de là, sur le rythme infernal d'un orchestre, chantant les louanges du Christ, le révérend Boureima Kimso, se félicite du "travail de mobilisation" des "différentes confessions religieuses" pour "rapprocher les citoyens" afin de prévenir d'éventuelles flambées de violences.
Le président de l'Association des missions et églises évangéliques du Niger (AMEEN) a vu son église totalement incendiée et pillée il y a un an.
Les pertes se chiffrent à quelque 2 milliards de francs CFA (environ 3 millions d'euros), selon des responsables chrétiens. De nombreux lieux de cultes ont été remis en état le plus souvent sur leurs fonds propres ou avec l'aide de philanthropes.
Avant les émeutes de janvier, les chrétiens vivaient sans heurts avec les musulmans, majoritaires à 98% dans ce pays sahélien pauvre de 17 millions d'habitants.
Depuis, les deux communautés tentent de restaurer la paix. Sous la houlette de l'Union européenne et l'ONG américaine CARE International, le projet Revalorisation du vivre ensemble (REVE) promeut ainsi la "coexistence pacifique".
Mais pour Boureima Kimso, le véritable défi est celui de la sécurité face aux attaques meurtrières menées depuis février par le groupe islamiste Boko Haram dans le sud-est du pays. "Aucun Nigérien n'a une tranquillité" car dit-il, "au fond il y a l'inquiétude".