Comme à son habitude, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a publié, le lundi 14 décembre 2015 à Addis Abéba (Ethiopie), son rapport annuel sur le développement humain sur le thème « Le travail au service du développement humain». Et comme il est de tradition pour l’organisme onusien, notre pays est classé 188éme sur les 188 pays, même si le PNUD reconnait que le Niger a enregistré certes des progrès, mais qu’il doit fournir des efforts dans son volet éducation. Selon ce rapport, la valeur de l’indice de développement humain (IDH) pour 2014 de notre pays est de 0,348, ce qui le classe dans la catégorie des pays à faible développement humain.
Avant d’analyser froidement ce rapport, qui fait jubiler une certaine presse et une certaine classe politique qui ne veulent que du mal pour notre pays, il convient de mieux cerner l’Indice de Développement Humain (IDH) qui est un indicateur composite axé sur trois dimensions fondamentales du développement humain : (1) la capacité à vivre longtemps et en bonne santé, mesurée par l’espérance de vie à la naissance ; (2) la capacité à acquérir des connaissances, mesurée par la durée moyenne de scolarisation et la durée attendue de scolarisation ; et (3) la capacité à atteindre un niveau de vie décent, mesurée par le revenu national brut par habitant. L’IDH a une limite supérieure de 1,0. L’IDH établit un minimum et un maximum pour chacune de ses trois dimensions et indique ensuite la situation de chaque pays par rapport à ces dernières. Plus l’indice est élevé, et plus les habitants du pays sont supposés jouir d’un meilleur bien-être.
Certes le rang occupé par un pays dans le classement de l’IDH est important, mais la question fondamentale qu’on doit se poser la question en toute objectivité est : Est-ce que notre pays a connu une évolution par rapport à la valeur de l’IDH ? Selon le rapport, notre pays a connu une amélioration de son IDH, passant de 0,337 en 2014 à 0,348 en 2015. Mieux, entre 2000 et 2015, la valeur de l’IDH est passée de 0,257 à 0,348 ; soit une variation de 35,0% sur la période et une augmentation moyenne d’environ 7% entre 2010 et 2015.
Cette évolution de l’IDH est due à une meilleure amélioration des conditions de vie et de santé de notre population. En effet, selon le rapport, l’espérance de vie à la naissance qui mesure la capacité à vivre longtemps et en bonne santé est passée de 58,4 ans en 2013 à 61,4 ans à 2014; soit un gain de vie de trois ans en une année. Le PIB par tête quant à lui est passé de 873$ à 908$ malgré la forte croissance démographique annuelle (3,9% la plus élevée au monde) que connait notre pays.
Malgré cette évolution significative de l’espérance de vie et du PIB par tête, qui représentent deux des quatre composantes de l’IDH, la valeur de notre IDH n’est pas celle escomptée. La faible valeur de la composante éducation de ce notre IDH, dûe à un retard hérité des politiques éducatives passées et aux pratiques socioculturelles (comme le mariage précoce des filles) qui entrainent le phénomène de déperdition scolaire particulièrement chez les filles, explique en partie cette situation. Précisons que l’évolution des indices de l’éducation que sont la durée moyenne de scolarisation chez personnes âgées de 25 ans et plus et la durée attendue de scolarisation chez les enfants d’âge scolaire ne peuvent s’observer qu’après un changement de génération ; l’éducation étant un phénomène qui prend du temps avant de pouvoir observer ses effets positifs.
Selon le rapport, les valeurs des composantes de l’IDH de notre pays sont les suivantes :
Espérance de vie à la naissance : 61,4 ans ;
Durée moyenne de scolarisation (personnes âgées de 25 ans et plus) : 1,5 ans ;
Durée attendue de scolarisation (enfants d’âge scolaire) : 5,4 ans ;
Revenu national brut par habitant : 908$.
Si on regarde la performance de l’IDH par rapport au niveau de santé de la population et des revenus par habitant, sans tenir compte de ses deux composantes de l’éducation, notre pays devrait avoir un IDH beaucoup plus élevé que celui qu’on a actuellement.
Ainsi, par rapport à l’espérance de vie à la naissance, qui est un indicateur qui reflète l’état de santé d’une population, notre pays enregistre 61,4 ans et dépasse plus d’une vingtaine de pays, parmi lesquels on peut citer le Tchad (51,6 ans), le Mali (58 ans), le Burkina Faso (58,5 ans), la Côte d’ivoire (51,5 ans), le Bénin (59,6 ans), le Togo (59,7 ans), le Nigéria (52,8 ans), le Zimbabwe (57,5 ans), le Mozambique (50,3 ans), etc. L’espérance à la naissance de notre pays est supérieure à la moyenne de l’Afrique subsaharienne qui est de 58,5 ans. Ces résultats montrent le succès des actions menées dans le domaine de la santé en général, et celle des enfants de moins de cinq (5) ans en particulier, avec une baisse significative de 40% de la mortalité des enfants en l’espace de 10 ans.
Par rapport au revenu national par tête, notre pays a PIB par tête de 908$ plus élevé que celui du Malawi (747$), de la République Démocratique du Congo (680$), du Burundi (758$), de la République centrafricaine (581 $) et du Libéria (805 $).
En somme, ce qui explique la faible valeur de l’IDH de notre pays, ce sont les deux dimensions éducation de cet indice, et particulièrement la composante durée de scolarisation chez les personnes âgées de 25 ans et plus (1,4 ans) chez les personnes âgées de 25 ans qui demeurent les plus basses au monde. Il s’agit ici de l’éducation chez les personnes nées en 1990 et avant et qui ont connu plusieurs politiques éducatives sous plusieurs républiques. Ces personnes sont supposées avoir déjà atteint le niveau de scolarisation qui est le leur en 2015.
Quelle politique pour améliorer notre niveau d’éducation ? Notre pays a fait beaucoup de progrès sur le plan de la scolarisation universelle, on est presque en train d’atteindre l’objectif de cette scolarisation universelle. La question qui reste, en termes de progrès, est de pouvoir passer au post- primaire de sorte que les progrès réalisés au niveau du primaire puissent se traduire au niveau du secondaire puis, naturellement, que l’on puisse consentir plus d’efforts pour l’alphabétisation des adultes.
Nous pensons qu’il est important d’aller au-delà de la cristallisation sur le « rang », certes peu honorable occupé par le Niger, depuis près de vingt (20) ans, pour trois (3) raisons essentielles :
le RMDH est essentiellement un outil de réflexions et de questionnements, pour tous les pays et les organisations de développement ;
le RMDH est destiné à renforcer la prise de conscience et stimuler les débats à l’échelle nationale et internationale sur les questions de développement humain ;
le RMDH est un instrument de plaidoyer, servant aussi à l’appréciation des efforts faits dans les principaux secteurs importants de développement humain.
Le Niger a fourni d’immenses efforts et a fait d’énormes progrès dans les secteurs clés du développement humain, notamment la santé avec une baisse significative de la mortalité des enfants de moins de cinq (5) ans de 40% en l’espace de 10 ans. Notre pays a aussi fait des progrès très appréciables dans le domaine économique et celui de l’éducation. Cependant, malgré tous ces efforts et progrès, le niveau de développement humain du Niger reste encore assez faible, par rapport à celui des autres pays, avec des indicateurs socioéconomiques, notamment et surtout ceux de l’éducation parmi les plus faibles du monde.
La question de l’éducation explique clairement la position de notre pays dans le classement de l’IDH. Pour améliorer, de manière significative et durable, le développement humain des populations nigériennes, les efforts et les investissements du Gouvernement et de ses partenaires doivent encore être renforcés davantage, particulièrement dans le domaine de l’éducation, la scolarisation de la jeune fille et l’alphabétisation des adultes.
La politique du Président de la République sur la scolarisation gratuite et obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans traduit cette vision. La mise en œuvre effective de cette politique assurera à nos enfants une durée moyenne de scolarisation d’au moins neuf (9) ans et sortira notre pays de cette position par rapport à l’IDH peu enviable qui est la conséquence d’une faible scolarisation que nous avons «héritée» depuis l’indépendance de notre pays. En effet, en 1958, 4% seulement des enfants en âge d’aller à l’école fréquentaient une école primaire, un seul collège classique basé à Niamey et aucun établissement supérieur alors que les autres pays étaient déjà bien avancés dans ces domaines. Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, l’IDH tient compte de l’histoire passée d’un pays (dans sa composante éducation) pour refléter la situation actuelle du pays.
La méconnaissance des contours du calcul de l’IDH et la mauvaise foi politique amène beaucoup de personnes à ne prendre en compte que l’aspect économique de cet indice. Le Produit National Brut par habitant (PIB par tête) n’est qu’une dimension économique de l’IDH, les deux autres dimensions sociales étant l’espérance de vie à la naissance et le niveau d’études. C’est parce que le PIB par tête ne suffit pas pour décrire la situation sociale et économique d’un pays que ces deux autres dimensions sont prises en compte dans le calcul de l’IDH.
Le faible niveau de notre IDH est donc principalement structurel : après plusieurs décennies, les politiques éducatives n’ont pas permis d’atteindre les taux escomptés et à cela, il faut ajouter un accroissement très rapide de notre population (3,9% par an) qui ne permet pas un développement durable compatible avec notre croissance économique (6% par an). Dans ces conditions, il serait difficile, voire impossible, de voir une amélioration significative de la valeur de l’IDH sur la base de changements conjoncturels, c’est-à-dire le temps d’un cycle de gouvernement.
Mais avec le Programme de Renaissance du Président de la République et ses effets induits, l’espoir est de mise.