L’audit indépendant du fichier électoral par des experts internationaux tel qu’exigé par l’opposition politique nigérienne et demandé à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) est une entreprise qui fait trembler dans le camp du pouvoir, notamment au sein du parti-Etat Pnds Tareyya où les pires hypothèses ont été imaginées. Voici, pour votre compréhension pourquoi cet audit international fait peur à Mohamed Bazoum et consorts.
Enjeux, portée et contours L’échec du gouvernement de Mahamadou Issoufou à faire un fichier électoral biométrique pour les élections générales de 2016 a conduit la classe politique à accepter, pour sauver le processus électoral, le principe de l’élaboration d’un fichier classique qui va toutefois être conduit selon la démarche du porte-à-porte. Les opérations de recensement électoral vont démarrer en juin 2015, pour une durée légale de 21 jours sur toute l’étendue du territoire national. Les premiers couacs commencent là. Si le lancement officiel a eu lieu le 3 juin, force est de constater que le démarrage effectif des opérations a connu une disparité dans le temps et dans l’espace. Du coup, beaucoup de localités ont été lésées, oubliées carrément – la carte censitaire ayant été mal faite – ou survolées. Les témoignages ont afflué de partout mais le Comité national chargé de l’élaboration de ce fichier (Cfeb) a continué ses opérations dans un cafouillage terrible. Les ratissages décidés n’ont pas pu corriger grand-chose, au regard du nombre de citoyens laissés en rade. En plus de ces milliers de Nigériens recalés lors de ces opérations, le recensement électoral a connu un abus de l’enrôlement par témoignage de jeunes nigériens mineurs émancipés et ceux qui n’ont aucune des pièces énoncées à l’article 25 du Code électoral. Les anomalies et insuffisances constatées tournent parfois à la monstruosité. Outre les anomalies dans la collecte des informations personnelles des électeurs recensés et les similitudes ou imprécisions sur les matrices de recensement électoral, l’opposition nigérienne a identifié de nombres omissions sur les listes affichées de citoyens ayant été recensés. Pire, il a été relevé des cas de manquements qui sont en réalité des indices graves de volonté de fraudes : les centaines de bureaux de vote manquants, dont 267 ont été identifiés, rien qu’à Tahoua, les bureaux de vote surchargés (plus de 500 électeurs, en violation de la loi électorale) ; les inversions de bureaux de vote entre localités ; les centaines de milliers de doublons d’électeurs et de listes ; les bureaux de vote fictifs, etc. L’opposition nigérienne les a régulièrement dénoncées et demandé en conséquence la tenue du Conseil national de dialogue politique (Cndp) et du Conseil national du fichier électoral (Cnef) en vue de plancher sur les voies et moyens correctifs. En vain ! C’est dans sa volonté de disposer d’un fichier électoral crédible, fiable et consensuel que le Front patriotique et républicain (FPR) a exigé l’audit intégral du fichier électoral. Un audit qu’elle a voulu indépendant et international. À cette exigence, Bazoum Mohamed et ses camarades ont opposé un NON catégorique avant de s’amender pour accepter un audit forcément limitatif et sujet à caution. Un établissement commercial qui fait dans la vente de matériels et consommables informatiques, Global Consult, sera retenu pour ce travail pour lequel il n’est pas qualifié. L’opposition crie au scandale, mais sans obtenir réparation. Le tournant interviendra le 23 décembre 2015 lorsque la Ceni, entrée en possession du fichier controversé, décide de saisir l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) aux fins de procéder à l’audit dudit fichier électoral. C’est le choc et la consternation dans le camp du pouvoir qui s’agite mais reste tranquille.
Pour beaucoup de Nigériens, l’audit intégral exigé par l’opposition politique nigérienne est une affaire d’initiés. L’objectif général attaché à cette entreprise d’audit intégral du fichier électoral est de vérifier de manière intégrale le processus en amont (phase d’enrôlement) et en aval (saisie et édition des cartes d’électeur) dans sa globalité (diaspora comprise), d’en relever les insuffisances et de proposer les mesures correctives visant à le rendre crédible, fiable et consensuel. De façon détaillée, l’expertise devra s’atteler à identifier les forces et les faiblesses du fichier électoral, aussi bien au niveau structurel, organisationnel que dans l’élaboration du fichier électoral ; évaluer la conformité du fichier électoral par rapport aux normes internationales et à la règlementation en vigueur au Niger ; examiner l’adéquation technologique du fichier en vérifiant son opérationnalité ; contrôler l’intégrité des matrices et des logiciels abritant le fichier électoral (processus de codification, de numérotation et de détermination des clés d’intégrité dans le fichier ; intégrer l’ensemble du corps électoral omis et supprimer les doublons. Dans cette tâche titanesque qui vise à débarrasser le fichier électoral de toutes ses scories, il faudra impérativement identifier, entre autres, tous les bureaux de vote manquants et/ou fictifs ; les bureaux de vote surchargés ou incomplets ; les électeurs d’une localité retrouvés dans une autre ainsi que les ajouts d’électeurs non justifiés. C’est grâce à ce travail fouillé de qualité que l’on peut s’assurer, d’une part, de la conformité du processus électoral avec les normes internationales et la législation nigérienne ; d’autre part, de la prise en compte effective de toutes les insuffisances et anomalies du fichier électoral.
Les citoyens se posent de grosses interrogations
Pour conduire une mission d’audit que le commanditaire (Ceni) et les parties prenantes ont voulu inclusive, il aura fallu que les termes de référence du consultant aient été élaborés de façon consensuelle. Est-ce le cas ? La question reste posée. Le caractère intégral de cette mission d’audit sous-entend que l’expertise doit couvrir l’ensemble du processus d’inscription des électeurs, allant des transcriptions dans les commissions administratives à la publication des listes électorales définitives utilisées dans les bureaux de vote, en passant par le traitement des données par le Cfeb. Ce qui doit nécessairement inclure la production ou l’édition des cartes d’électeurs, leur distribution, sous la supervision du Comité ad’ hoc. Le rappel du standard de l’OIF at- il été fait ? La place de la Ceni (superviseur ou partie prenante ?) a-t-elle été clarifiée ? Les TDR ont été consensuellement acceptés ? Le champ de l’audit a-t-il été déterminé ? Le comité a-t-il accès à toute information nécessaire ? L’audit du fichier électoral est-il réellement global, c’est-à-dire incluant le processus d’enrôlement, la saisie, l’opérationnalité et l’évaluation de la conformité légale ? Ce sont là autant de questions que les citoyens se posent et attendent d’avoir des réponses de l’équipe d’expertise.
La peur des résultats de l’audit s’empare du parti-Etat Pnds Tareyya
La peur bleue que cet audit intégral du fichier électoral a suscitée au sein du pouvoir, notamment dans les rangs du parti-Etat Pnds Tareyya s’explique essentiellement par les hypothèques que cela pose sur le challenge de Hassoumi Massoudou et de Mohamed Bazoum. Investis de la mission rocambolesque de faire élire un candidat impopulaire qui a échoué sur toute la ligne mais qui a misé sur des subterfuges divers pour se tirer d’affaire, ils se rendent compte, avec la décision de la Ceni de faire auditer le fichier électoral, que c’est tout un plan échafaudé à grands coûts qui s’écroule comme château de cartes. Les centaines de milliers de doublons d’électeurs et de listes ainsi que les bureaux de vote manquants et/ou fictifs qui seront démantelés, est synonyme d’une défaite électorale inévitable. Rien qu’à Tahoua, ce sont 267 bureaux de vote manquants qui ont été décelés par l’audit qu’ils ont, euxmêmes, commandité. Si, comme il est attendu du peuple nigérien, l’expertise du fichier électoral est conduite conformément aux règles de l’art telles que déclinées ici, il y a de fortes chances que l’on assiste à un «tremblement de terre politique» au Niger. Des informations en notre possession ayant fait état d’une dissolution à laquelle la Ceni aurait échappé de justesse, il est fort probable que, d’une manière ou d’une autre, qu’elle soit confrontée, dans les jours à venir, à des situations ingérables. Car, de l’avis du porte-parole de l’opposition politique, Ousseïni Salatou, sans doublons et sans bureaux de vote fictifs entre autres, le Président Issoufou n’aura pas ce second mandat pour lequel il est prêt à tout.
Laboukoye
Liste de quelques anomalies et insuffisances constatées et dénoncées
Les anomalies dans la collecte des informations personnelles des électeurs recensés ;
- Les similitudes ou les imprécisions sur les matrices de recensement électoral ;
- Les nombreuses omissions sur les listes affichées de citoyens ayant été déjà recensés ;
- L’absence d’une cartographie précise des bureaux de vote par localité ;
- Les disparités en termes de taux de recensement entre zones : sédentaires et nomades ;
- La problématique du recensement électoral par témoignage : les délais effectivement impartis (insuffisants) pour la période de recensement dans beaucoup de zones ;
- Le nombre d’électeurs plus élevé que celui de la population du dernier recensement général de la population dans certaines zones ; - Le non-respect des délais d’affichages des listes provisoires et les lieux inaccessibles ;
- Le manque d’affichage dans certaines communes ou chef-lieux de localités ;
- Les bureaux de vote manquants ;
- Les bureaux de vote surchargés ou incomplets ;
- Les inversions des bureaux de vote entre localités ;
- Les électeurs d’une localité retrouvés dans une autre localité ;
- Les incohérences entre électeurs et bureaux de vote ;
- Les cas de doublons d’électeurs et de listes ;
- Les incohérences entre le nombre d’inscrits et la liste affichée ;
- Les bureaux de vote fictifs ;
- Les ajouts d’électeurs non justifiés.