La démocratie nigérienne marche sur un fil de rasoir. Tous les principes sont louvoyés car pour faire plaisir au camarade président les serviteurs zélés et les camarades ne s’encombrent pas de conformisme pour agir contre les moeurs démocratiques en piétinant dans bien de cas les textes fondateurs de la république. En organisant sa battue contre les opposants et les acteurs de la société civile, libres penseurs, le régime du président Issoufou par la bienveillance de son ministre de l’intérieur, bras armé du système mis en place par la camarilla rose, harcèle, traque, arrête, emprisonne sans aucun respect pour les valeurs de la république et de la bonne gouvernance.
Qui pouvait croire que sous Issoufou cela pouvait arriver ? Faire exactement ce qu’il a combattu ? Souvent pire. Car l’on conviendrait qu’en son temps, quand jouant le rôle d’opposant, les différentes républiques dans lesquelles il a mené son combat, ne lui ont jamais dénié son statut d’opposant et l’ont toujours respecté en tant que tel. Le pouvoir change l’homme et sans doute qu’aujourd’hui bien des amis qui sons restés fidèles aux valeurs du socialisme ne reconnaissent plus l’homme qui les avaient séduits et qu’ils avaient côtoyé en d’autres temps plus heureux.
Le culte de la personnalité
L’on sait que dans l’empire rose, le chef est un dieu surdimensionné, surestimé que l’on a souvent hissé au rang de prophète (ils avaient même promis d’agir comme un prophète qui semble être leur modèle, mais qu’ils ne peuvent à l’épreuve des faits incarner). Le roi socialiste est incomparable et pour ce motif fallacieux, tous les autres hommes devaient s’effacer devant lui. Après lui, point d’autres hommes valables dans le pays. Pour cultiver cette image artificielle, l’on a vue une télévision privée dans ses zèles, alors que le pays n’est pas en campagne, diffuser à longueur de journée de la musique partisane et ce sans que l’organe régulateur des médis ne puisse crier gare !
Depuis quelques jours, la télévision nationale qui s’est totalement rangée au service exclusif du candidat sortant et de son parti, par des émissions commandées sur fond de musique partisane, vend une certaine image du président - candidat qu’elle croit éblouir et influencer, oubliant que ce peuple vit dans sa chair la paupérisation des couches sociales du pays, les peurs de l’insécurité, l’angoisse de la faim, les colères des injustices et des divisions. Les Nigériens n’ont pas besoin de surhomme mais d’un homme qui est capable de se mette à la hauteur de son peuple pour l’écouter et l’entendre. La conception messianique du chef est d’une époque oubliée, révolue.
Parce que le Guri ne peut concevoir la démocratie dans la rivalité sportive, pacifiste, dans la compétitivité humaine, il tente d’imposer des relations permanemment conflictuelles, orageuses entre les protagonistes politiques pour déshumaniser la pratique politique et en faire une jungle où seule la violence verbale, peut-être la violence tout court, a droit de cité. On peut donc comprendre que les camarades soient allergiques à la contradiction et surveiller toutes les bouches bavardes. La parole du clan est comme l’évangile, irréprochable, exempte de reproches.
La pensée unique
Jamais un journaliste n’a été aussi pourchassé que sous ce régime qui est quand même celui qui, pour avoir vécu l’opposition et ses affres, pouvait mieux comprendre et préserver les acquis démocratiques. Même le régime Baré que les socialistes ont combattu avec hargne n’a pas été aussi liberticide. On ne peut se souvenir combien de fois, des journalistes ont été interpellé à la PJ et gardés à vus nonobstant les garanties que donnaient la dépénalisation du délit de presse et la fameuse montagne de la table qui n’aura été qu’un leurre, un geste fantaisiste ornemental pour tromper sur la visibilité du régime qui s’installait. La presse a eu le pire des souvenirs de son existence sous le régime des socialistes. Confondue à l’opposition quand elle choisit de dire la vérité et de se révéler acerbe vis-à-vis de la gestion des camarades, si d’ailleurs on ne voit en elle un pire ennemi du régime, la presse libre a évolué dans le collimateur du régime, persécutée et violentée. Sur le théâtre des manifestations, on ne peut faire distinction entre le journaliste qui couvre l’événement avec sa caméra et son micro et des manifestants politique ou de la société civile et il est pris comme un vulgaire délinquant pris dans la pègre. On lui arrache sa liberté et lui confisque son matériel de travail. Depuis, couvrir un événement de l’opposition est devenu est devenu pour un journaliste nigérien une activité à haut risque.
Les journalistes ne sont pas seuls à souffrir de remuer mille fois leur langue avant de parler. Tout ce qu’un opposant pourrait dire est suspect. Ses paroles sont devenues des armes redoutables qui le confondent à un terroriste sur lequel on ne peut perdre une seconde à se jeter sur lui pour lui faire regretter ses audaces. Jamais les Nigériens, sous l’ère démocratique n’ont eu peur de s’exprimer. Personne ne maîtrise le code de conduite de la renaissance pour connaître suffisamment les interdits verbaux qu’il ne faut pas oser prononcer. Pour vos paroles, vous êtes souvent perçu comme un contrebandier. La parole polluante, dérangeante, sous la renaissance est devenue un crime !
Cette volonté autocratique de tout surveiller, de tout régenter, de tout confisquer, ne peut avoir de conséquence que de dénier à l’opposition une existence politique. Tout le monde devait se ranger et renoncer à la lutte politique car un messie est là. On a souvent entendu de la part de ce qui soutienne le régime que le « président est trop bon » ou qu’il est le meilleur d’entre eux. Tous les hommes politiques devaient alors se renier et renoncer à leurs ambitions politiques pour se retrouver une autre existence à travers un homme qui les dépasserait. Nous sommes encore dans l’esprit du culte de la personnalité.
La dénégation de l’opposition
C’est pourquoi, l’opposition a trop souffert sous le régime des camarades. Il n’y a pas un seul des opposants d’envergure qui n’a pas eu son petit boulet à traîner au pied au cours de la traversée tonitruante d’une renaissance maléfique. Englués dans des procès interminables voulus par le pouvoir, les opposants devaient vivre le mandant du président Issoufou comme un enfer. Ils n’ont pas de répit. Des rebellions inopérantes ont été provoquées dans les grands partis de l’opposition à qui l’on a imposé des recours incessants. Même celui que l’on croit avoir triomphé à savoir l’aventurier Albadé, ne devait plus rassurer car à l’occasion d’une de ses dernières sorties à Téra, par les images camouflées, l’on pouvait comprendre que le monde que l’on disait mobilisé n’était pas là. Ces hommes qui ont choisi l’aventure ne peuvent rien mobiliser dans les fiefs de l’opposition. Le Guri ne veut pas d’opposition, il a la plus forte, la plus représentative politiquement et sociologiquement qu’un régime a à affronter. Mais alors sur quoi peut bien compter la renaissance ?
L’argent et la force…
Le Guri a eu la naïveté de croire qu’il pouvait exploiter la misère entretenue des Nigériens. Il se trompe car il a à faire à deux catégories de Nigériens : ceux qui, même contre de l’or, n’accepteront jamais de se dédire et qui, même si cela leur coûterait une vie, sont prêts à mourir dignement, la tête haute. Ces hommes et ses femmes sont nombreux au Niger et surtout dans les partis Lumana, Nassara et dans ce qui était la CDS. L’argent ne peut donc pas prendre ces hommes parce qu’ils croient en des hommes, en des options, en des valeurs que ces hommes incarnent. Son argent amassé en cinq années de mal gouvernance, ne pouvait lui servir ici. Il y a aussi une autre catégorie de Nigériens, beaucoup plus complexes à cerner. Ceux-là pensent que l’argent que l’on leur tendra comme appât est de l’argent sale pour lequel ils ne peuvent répondre et pour lequel ils ne doivent s’encombrer d’aucun contrat moral. Ces hommes et ces femmes qui peuvent être tentés de prendre de l’argent, ne sont pas une clientèle politique de laquelle l’on peut être sûr à croire qu’on a conquis un électorat. Ils sont comme la carpe, qui prend votre appât des fonds des eaux pour s’en dormir, tranquille. Comme on le voit, l’argent ne peut pas être une bonne carte dans ce jeu délicat pour lequel le pouvoir pressent bien d’appréhensions. Du reste, il en a l’expérience, car en d’autres temps, les socialistes avaient utilisé plus qu’un autre de gros moyens dans la campagne électorale mais cela ne leur a apporté que des résultats dérisoires. Baré l’a fait, lui aussi pour le même résultat. Aussi peut-il être tenté comme Baré, d’user de la force publique pour arracher une victoire qui n’est pas la sienne car ce Guri agonisant voudrait bien rafler quelques quatre vingt- dix députés aux prochaines élections pour se donner une majorité confortable mais il sait qu’il n’en a pas les moyens. Il pourrait donc jouer au forcing notamment en provoquant des troubles dans les zones qui ne lui sont pas favorables pour profiter d’une confusion à dessein créée pour triturer des résultats et se donner les résultats faux qui l’arrangent.
C’est peut-être ce qui commence déjà quand des internautes à la solde du pouvoir font circuler certaines vidéos montées de toute pièce pour l’ignominieuse cause et faire croire qu’il y a un parti qui userait de violence pour se faire entendre, et peut-être le motif serait suffisant pour suspendre ce parti qui fait tant peurs ou carrément le dissoudre. Le Guri pourrait envisager les solutions de l’extrême. Il est ivre et aveugle ! On peut donc comprendre la stratégie du parti Lumana qui refuse de tomber dans le piège malgré de bonnes raisons de laisser exploser ses colères. L’opposition, encore une fois, doit être sous ses gardes. Le Guri a mille cordes à son arc. Dans le pré carré du président, il y a, il va sans dire, mille et un scénarios qui s’élaborent pour confisquer une victoire.
Mais tout cela est un jeu dangereux. On sait comment ça commence, on ne sait JAMAIS comment ça finit.