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Le Sahel N° du 11/2/2016

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Entretien avec Pr Antoinette Tidjani Alou, coordinatrice Filière Arts du Spectacle au Département des Lettres, Arts et Communications (FLSH) de l`Université Abdou Moumouni : Nous voulons que ce colloque international nous aide
Publié le vendredi 12 fevrier 2016   |  Le Sahel


Pr
© Autre presse par DR
Pr Antoinette Tidjani Alou, coordinatrice Filière Arts du Spectacle au Département des Lettres


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L'Université Abdou Moumouni de Niamey organise, les 10 et 11 février, un colloque international sur le Thème : «Quelle place pour l'art et l'artiste dans l'enseignement en Afrique? Formation, Création, Valorisation». Pouvez- vous nous expliquer le choix d'une telle thématique ?
Dans nos pays, l'art et l'artiste ne sont pas compris et reconnus à leur juste valeur. Pour le citoyen ordinaire, comme pour nombre de nos dirigeants, les artistes sont des bons à rien, des rigolos ou des personnes qui ont leur tête dans la lune et rien dans la poche. Ils ne sont pas perçus comme des personnes qui pensent, créent, critiquent, qui nous procurent de la joie ou la possibilité de la communion. Je ne dis rien des possibilités économiques. Or, on voit bien que dans un pays comme la France, l'art et la culture rapportent gros. En France, par exemple, la culture contribue 7 fois plus au PIB français que l'industrie automobile, avec 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée par an, comme me l'a fait remarquer ma collègue Catherine Martin-Payen Dicko. Cela nous donne à réfléchir...
Ce n'est pas tout. Il existe, bien sûr, d'autres valeurs. Dans des pays comme le Mali, le griot généalogiste, historiographe et musicien, a sa place. Au Niger, le récit des exploits de leurs ancêtres fait trembler et pleurer les fils de princes comme nous le rappelle Sandra Bornand. Mais ce genre de reconnaissance n'est pas sans ambiguïtés. Le statut du griot est trouble. Il rehausse la noblesse du prince, mais n'est pas toujours apprécié dans sa propre noblesse. Je parle du griot généalogiste, qui est une sorte d'historiographe oral avec tous les aspects idéologiques qui accompagnent le fait de soutenir le pouvoir politique et de vivre à ses soldes. Ce ne sont pas là des conditions idéales pour la critique libre, même si les oeuvres commandées ne sont pas sans valeurs. Mais les dérives sont évidentes...
Chez nous, l'enseignement des arts de l'oralité est progressivement réduit aux seuls textes. On néglige, faute de moyens, faute d'efforts pour inventer des formations adéquates : les contextes, les prétextes, tout ce qui n'est pas parole et ne peut se traduire en écriture seulement: la musique, l'appel, les réponses, les réactions, le génie des langues et leurs manières de dire et de taire, de jouer et d'entrer en lice, tout l'univers symbolique, les sens profonds, et tant d'autres strates. Résultat : on oublie, on désapprend, on s'en laisse conter par autrui, on prive nos universités et nos sociétés d'une saisie et d'une valorisation appropriées des expressions artistiques ancestrales. Or, ce sont des vrais arts totaux qui peuvent avantageusement nourrir la création et la pensée contemporaines. Dans ce contexte, on voit toute la pertinence du thème qu'aborde notre colloque. Comment appréhender la place de l'art et de l'artiste en Afrique? Comment revaloriser l'un et l'autre à travers l'enseignement formel à tous les niveaux, et ce, dès le bas âge? Comment faire comprendre aux parents, aux jeunes, aux institutions de formation et aux décideurs que l'art et la culture sont importants, qu'ils nous permettent de mieux vivre en société, qu'ils nourrissent l'humain, au propre et au figuré. Ce sont des questions importantes. Ceci explique notre choix thématique.

De grandes rencontres de ce genre ont cruellement manqué à l'Université de Niamey depuis des lustres. D'où vous est venue l'initiative de l'organisation de ce colloque ?
Je ne suis pas d'accord avec vous. L'Université Abdou Moumouni organise régulièrement des manifestations scientifiques de tous ordres. Mais si vous voulez dire des colloques sur l'art et la culture spécifiquement, je peux dire que ces domaines sont entrés récemment dans les offres de l'Université au Niger. C'est la deuxième année de l'existence de la Filière en Arts du Spectacle. Mais c'est aussi le deuxième colloque que la Filière organise. Par conséquent, l'Université et le pays font des bonds en avant à cet égard. Il faut rester positif.

Quel est le contenu de ce colloque en termes de communications et d'autres activités connexes?
C'est un vrai banquet qui nous attend, si je puis dire. Je dois d'abord expliquer que cette rencontre a ceci de spécifique qu'elle fait partie de la formation des étudiants en Licence et Master en Arts du Spectacle. On invite à leur intention des experts en divers arts (cinéma, danse, théâtre, écriture littéraire, chant, musique) pour un temps fort qui permet d'apprendre en une semaine ce qu'on met des mois ou plus à apprendre en cours ou dans les livres. C'est tout l'intérêt d'un colloque. Mais après le colloque, les invités animent aussi des ateliers théoriques et pratiques dans leur domaine. Le colloque permet aussi d'ouvrir la discussion en direction de la communauté universitaire, des artistes et de la ville. C'est du sur-mesure pédagogique à l'intention des étudiants en Licence et Master Arts du Spectacle, donc pas d'appel à communication, mais des invitations ciblées, tout en ouvrant le dialogue, largement.
Entre le colloque et les ateliers, les étudiants présentent leurs créations collective (Licence 3) et individuelle (Master 1) lors d'une soirée culturelle. Elle aura lieu le 11 février au CCFN, à 20h30. L'entrée est gratuite. Au programme : Une Tempête d'Aimé Césaire, mise en scène par les Licence 3 avec Ildevert Méda, suivie de la projection des films courts écrits, réalisés et joués par les Masterands, supervisés par Catherine Martin-Payen Dicko et Sidiki Bakaba.

Peut-on avoir une idée du profil et du nombre des participants tant étrangers que nationaux ?
Les participants sont nombreux et prestigieux. Le colloque réunira universitaires, artistes et experts en divers arts, originaires, du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d'Ivoire, de Guadeloupe, de France métropolitaine, du Ghana, du Niger et du Sénégal. Nous compterons parmi nos invités internationaux: l'artiste polyvalente - écrivaine, peintre, metteure en scène, Werewere Liking (Cameroun), les cinéastes Gaston Kaboré et Ildevert Méda (Burkina Faso), la danseuse-chorégraphe-chercheure, Léna Blou (Guadeloupe), la cinéaste experte en médiation culturelle, Catherine Martin-Payen Dicko (France), le chanteur, compositeur de chansons, animateur de radio, Kajeem (Côte d'Ivoire). Du côté universitaire, nous avons Dr Awo Mana Asiedu de l'University of Ghana, Legon ; Dr Elhadji Malick N'Diaye de l'Institut Fondamental d'Afrique Noire-IFAN du Sénégal ; M. Thierno Ibrahima Dia de l'Université de Bordeaux. On compte aussi des intervenants des Ministères, le Ministère de la Culture, en particulier, des Institutions de Formation en Art tels que le CNCN, le CFPM, Le CCFN, l'EPAC, l'IFTIC. Les représentants d'une Association comme Ker Thiossane (Dakar) ou l'ONG internationale CISP, apportent d'autres dimensions : l'expérience des actions culturelles et artistiques sur le terrain, en dehors des pistes de l'éducation formelle. Je n'oublie pas la contribution des représentants des diplomaties culturelles : le Bureau de Coopération Suisse, l'AECID (Espagne), l'Ambassade de France, le CELHTO-Union Africaine, l'Union Européenne, les artistes et la communauté universitaire.

Quelles sont vos attentes au sortir de cette grande rencontre ?
Je me contenterai d'en lister quelques-unes, pas forcément dans l'ordre. Nous voulons que ce colloque international nous aide à mettre des mots sur nos visions, nos malaises et nos potentiels; qu'il nous permette de mieux nous connaître afin de mettre en place des réseaux régionaux et internationaux, des synergies bénéfiques à tous; que nos étudiants puissent apprendre, par le contact et l'émulation, en côtoyant et partageant avec des experts reconnus, et qu'ils puissent avancer leur choix d'un lieu de stage et nouer des relations avec leurs futurs hôtes; que de tels dialogues fructueux se nouent ici au Niger, à l'initiative de la principale université du pays.

Oumarou Moussa(onep)

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