Entretien avec monsieur Kassoum Moctar, à l’élection présidentielle 1er tour du 21 février 2016 : «Le programme que nous appelons «hakida», c’est-à-dire ’’la foi en notre Nation’’ s’articule sur un certain nombre de piliers»
M. Kassoum Moctar, bonsoir vous êtes candidat à l'élection présidentielle 1er tour du 21 février 2016. Sur quel programme entendez-vous convaincre les électeurs nigériens pour qu'ils vous accordent leur suffrage ?
Merci, nous sommes candidat aux élections présidentielles du 21 février 2016 Incha Allah. Nous sommes porteurs d'une ambition pour notre pays, celle de participer à la construction de notre pays. Nous sommes candidat aux élections présidentielles parce qu'à la date d'aujourd'hui, nous savons là où se trouve notre pays. Il faut le dire notre pays est le dernier sur la planète sur le plan de l'IDH. Et je pense que cette situation doit changer. On doit nous tous ensemble en envoyant un signal fort face à ce que nous appelons l'échec de la classe politique, envoyer des signaux forts, des signaux de rupture à notre Nation avec un nouveau message, un nouveau discours.
Il faut le rappeler notre passage à la tête de la ville de Maradi qui, de par notre réussite m'a permis de comprendre comment la gouvernance peut changer significativement la vie d'une entité donnée et faire avancer une population. Le programme que nous comptons soumettre et que nous sommes en train de partager avec le peuple du Niger s'articule sur un certain nombre de points. C'est un programme que appelons « Akida », c'est-à-dire ''la foi en notre Nation'' qui s'articule sur un certain nombre de piliers. Le premier pilier sur la réforme institutionnelle ; le deuxième pilier sur la réforme économique ; le troisième sur le volet social, culturel et sportif ; le quatrième pilier sur la sécurité et le cinquième pilier sur la diplomatie et les relations internationales.
Certes, au regard de la situation de la transition que connait notre pays sur tous les plans : économique ; politique ; démographique, et au regard de la place qu'occupe notre pays aujourd'hui dans le monde, à côté de ce programme, nous avons en annexe un plan d'urgence et de crise que nous allons exécuter pendant les deux premières années si nous sommes élu Président de la République, et cela indépendamment du programme général que nous sommes en train de soumettre au peuple du Niger. Ce plan d'urgence et de crise va concerner des points sur des problèmes basiques de notre peuple à savoir la question alimentaire ; l'éducation ; la santé et aussi la jeunesse nigérienne parce que tous les discours sur la macro-économie ; les investissements ; les infrastructures ; le développement ; l'émergence ; la croissance qu'on parle, ça peut apparaitre comme des illusions et juste des discours, si à la base, les gens n'arrivent pas à se nourrir. C'est des millions et des millions des Nigériens qui n'arrivent pas à manger. Et toutes les politiques pour nourrir les Nigériens, pour faire face à la crise alimentaire pour nous ce sont des politiques qui n'ont pas encore donné leur propre résultat parce que nous avons une politique nulle dans le domaine des aménagements hydro-agricoles et hydrauliques. Pour nous, il faut réaménager tout ce qu'on a comme dispositif des anciens aménagements dans les régions de Tahoua ; Tillabéry ; Maradi ; Diffa, bref partout il faut créer et réaménager les anciens. Ce qui va permettre à notre pays de faire face à toutes ces situations. Il faudrait que l'Etat prenne en charge véritablement la question de la production. Au-delà de la production traditionnelle du cultivateur ou de nos paysans, il faut que la production ça soit une affaire de l'Etat. C'est pareil pour la question de l'éducation. Il faudrait en urgence régler le problème de la qualité de l'enseignement généralement ceux qui choisissent le métier d'enseignant, c'est des gens qui ont choisi de se sacrifier pour leur nation et de garantir la continuité de toutes les valeurs de la République et de la société donc un enseignant formé, même sans classe, il sait ce qu'il a à faire et la mission qui l'attend, il sait aussi le serment qu'il a fait d'éduquer les enfants de notre pays. C'est aussi la même chose en ce qui concerne le domaine sanitaire car nous sommes dans un pays où rien de marche.
L'Hôpital de Niamey et celui de Zinder sont dans un état moyenâgeux. Et c'est pourquoi dans ce plan d'urgence si nous sommes élus Président de la République, le Président de la République, les membres du gouvernement, tous les responsables publics et parapublics qui seront nommés vont pendant les deux ans, sauf des cas exceptionnels, se faire soigner, traiter et consulter dans les hôpitaux nationaux. Et nous allons rapidement, dans les deux ans, améliorer et reformer l'hôpital national de Zinder, moderniser celui de Niamey et créer des hôpitaux dans tous les chefs-lieux de nos régions afin de construire ce que nous avons appelé une pyramide de santé, afin de créer un système de santé de proximité.
Sur le plan de la jeunesse, que faire de notre jeunesse qui est notre richesse qui est là, qui attend ? Aujourd'hui à part le système contractuel et le métier de ''kabou-kabou'' il faudrait qu'il ait une véritable réponse à notre jeunesse. C'est pourquoi, pour prendre en charge ces quatre points dans le plan d'urgence, nous allons en dehors des ressources internes, réorienter les ressources industrielles pour prendre en charge exclusivement ces quatre volets de la jeunesse ; de la santé ; de l'éducation et le volet alimentaire. Dans le même plan d'urgence, le Président de la République ; et tous les acteurs, chacun va garder et maintenir ses enfants dans les écoles publiques.
Dans le programme « Akida », nous allons engager un certain nombre de réformes notamment institutionnelles en modifiant la Constitution pour passer à un régime présidentiel afin de libérer la fonction du Président de la République qui, depuis la conférence nationale souveraine a aujourd'hui nous sommes en train d'essayer un système semi-présidentiel qui ne marche pas. Toujours, c'est un éternel recommencement. Nous avons connu trois de crise où l'énergie de l'Etat va dans le maintien au pouvoir de celui qui dirige que de se libérer sans aucune crainte dans la construction de notre pays. Nous pensons qu'il faut aller à un régime présidentiel afin de libérer cette fonction de tous les lobbys.
Nous allons aussi créer dans le cadre de la réforme institutionnelle des permanences parlementaires dans toutes les régions afin d'accompagner et d'assister les députés dans leur travail afin que les lois qu'ils modifient respectent véritablement les préoccupations et les réalités du peuple nigérien. Et nous comptons dès la troisième année de notre mandature transférer l'Assemblée Nationale à Zinder afin de réparer certains dégâts commis par la colonisation. Au niveau de la justice, des grandes reformes seront engagées. Par exemple, les procureurs seront élus par leurs pairs afin d'éviter toute politisation de l'appareil judiciaire. Nous pensons que le procureur doit agir pour protéger l'intérêt supérieur de la Nation et pas l'intérêt de celui qui dirige.
Nous allons aussi reformer l'organisation des élections en passant par un fichier électoral biométrique, gage de toute transparence en matière d'élections. Sur le plier économique, nous savons que notre pays n'a pas un grand potentiel économique, mais avons une position géographique favorable avec la proximité du Nigeria, une grande force économique au sein de la CEDEAO. Et nous allons aussi orienter une partie des ressources issues de l'uranium ; du pétrole et de l'or vers la création de ce que nous appelons la banque du futur pour accompagner exclusivement la jeunesse dans la création d'entreprises et d'emplois. Et réviser le cadre institutionnel afin d'encourager l'investissement étranger dans notre pays.
Sur le plan social, nous sommes dans un pays où tout dépend à plus de 80% de l'Etat ; la répartition des richesses n'est pas équilibrée. Il faut rapidement engager un certain nombre de réformes institutionnelles afin d'améliorer la vie de nos populations. Je pense ici aux personnes handicapées et âgées auxquels nous allons garantir une assistance sociale annelle d'un montant de 200.000 à 250.000 F par an selon les ménages. Nous allons également appuyer 400.000 ménages, des personnes vulnérables à travers l'octroi de 150.000 à 250.000F selon la taille du ménage sur l'ensemble du territoire afin de les accompagner dans la prise en charge de certaines de leurs préoccupations.
Nous sommes dans un pays où il y a une catégorie de fonctionnaires qui, dès qu'ils vont à la retraite, deviennent des misérables ; des mendiants. On trouve cette catégorie parmi les militaires et une certaine catégorie de fonctionnaires. Sur le plan sécuritaire, notre pays est menacé. Et il n'y a pas mille matières pour garantir la sécurité. Il faut impliquer les populations et doter les forces de défense et de sécurité de moyens modernes afin de faire face à toute agression. Nous allons réorienter toutes nos énergies en interne pour la sécurité de nos populations. Le cinquième pilier, qui est la diplomatie, nous allons faire une diplomatie de développement qui va permettre à notre pays de consolider ses rapports avec les autres pays pour la promotion de notre image. Voilà les cinq piliers essentiels du programme ''Akida''.
Alors Monsieur Kassoum, comment comptez-vous mobiliser les ressources nécessaires pour la mise en œuvre de ce programme ?
Merci. Vous savez, il n'y a pas de miracle, Je pense que dans la mobilisation des ressources, il y a des ressources internes et extérieures. Les ressources internes sont mobilisées à partir des impôts ; les recettes fiscales ; la douane où nous assistons à une progression de la mobilisation des recettes. Il faut doter les services douaniers et impôts des moyens adéquats. Il faut engager des véritables réformes pour aller vers des budgets d'abord réalistes et même temps engager une lutte pour dépolitiser l'administration douanière et fiscale. Nous allons mobiliser des ressources qui vont nous permettre de financer notre plan d'urgence. Et je pense que nous sommes résolus à le faire. Il faut faire confiance aux agents de l'Etat. Il faut engager des reformes parce que tout cet argent, qui ne va pas au trésor, doit forcément y aller afin d'améliorer significativement les ressources internes.
Sur le plan extérieur, vous savez que c'est des dons ; ce sont des projets qu'on présente à nos partenaires internationaux comme la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI), BAD et les partenaires bilatéraux. Il faut aller vers eux avec des programmes réalistes et concertés. Nous sommes dans un pays où tout est urgent, prioritaire. C'est pourquoi, nous allons engager un véritable combat par rapport à nos préoccupations basiques. Nous allons prendre des dettes qui ne vont pas compromettre l'intérêt des générations futures étant donné que tout le débat sur le développement durable se focalise sur comment protéger les générations à venir.
Nous allons vers l'extérieur en auditant toutes les dettes du Niger afin que celles qui seront contractées soient orientées vers l'économie rurale. Nous allons moderniser nos villes, mais ce projet sera inscrit sur 20 ans. On fait un mandat ou deux sur des programmes de 50 ans ou 100 ans. Tout le débat, c'est parce que effectivement personne ne va construire seul le pays. Nous allons financer tous ces programmes conformément au plan d'urgence et le programmes « Akida » sur la mobilisation des ressources internes et avec les partenaires traditionnels. On n'invente pas la roue. Il faut aller vers les partenaires traditionnels avec des besoins concrets et participatifs.
Alors M. Kassoum, si vous êtes élus président de la République, quelle sera la priorité de vos priorités ?
Vous savez quand on porte l'ambition d'être Président de la République dans un pays où tout est à construire, notre priorité, c'est de rétablir la confiance entre les Nigériens. Les Nigériens n'ont pas confiance à l'Etat. Il y a une rupture de confiance entre tous les citoyens. Et comment s'il n'y a pas confiance les politiques de l'Etat vont être accompagnées ? Comment s'il n'y a pas confiance les cadres de l'administration vont se libérer ? Vous avez 20 ans ou 30 ans de service et juste parce que vous n'avez pas la carte d'un parti politique, dès que Kassoum arrive au pouvoir, il vous écarte. Comment l'administration va fonctionner sans confiance ? Certains régimes militaires ont réussi parce qu'ils ont créé les jalons d'une Nation ou les citoyens avaient confiance. Donc le véritable chantier, je ne fais pas d'illusion, je dois créer toutes les conditions pour qu'il ait confiance entre nous. Le programme «Akida» a pour boussole la confiance entre les Nigériens.