« Elevons le débat, discutons programme contre programme, évitons les insultes », s’est exclamé le Président Issoufou sur une chaîne télévisée. Sur la base de cette déclaration, faisons le point sur la réalité du bilan chiffré de la « Renaissance acte I » qui justifierait de manière éclairée la pertinence d’une confiance des électeurs à la « Renaissance Acte II ».
En fin 1999- début 2000, quand le Président Tandja et le PM Hama Amadou s’installaient à la tête de l’Exécutif nigérien, les caisses de l’Etat ne comptaient qu’environ 600 millions de FCFA, l’endettement représentait 90% du PIB, selon le rapport du Fond Monétaire International (FMI). Et les salaires accusaient des arriérés. En 2004, soit 4 ans après, l’endettement était, toujours selon le FMI, seulement de 17% du PIB. Soit une réduction de 73%, grâce aux efforts mis en place par le gouvernement de l’époque. En 2010, les comptes publics étaient excédentaires avec des arriérés intérieurs quasi nuls, le solde du compte Niger à la BCEAO était créditeur. Il n’y avait pas encore de pétrole, la raffinerie était seulement en construction.
Donc en 2011 quand le PNDS et Issoufou arrivaient au pouvoir les bases d’une économie saine étaient là du fait des autres : la dette publique de l’Etat ne représentait que 19% du PIB, soit une augmentation de 2% seulement en 7ans. Mais deux ans après en 2013, la dette passait à 27,1% du PIB et elle sera d’environ 51% en 2016. Oui, 51% du PIB soit une augmentation de 34% en 5 années.
Le Niger en surendettement
Jusqu’en 2009, le Niger était dans une phase d’endettement normal. Mais sur la période 2011-2015, le pays est entré dans une phase de « surendettement», c’est le terme très diplomatique utilisé dans le rapport du Fond monétaire international (FMI) en date du 15 novembre 2015 dans lequel le gouvernement nigérien contrairement aux années 2000 quémandait une fois de plus des dérogations. Cela veut dire que la moitié des ressources produites risquent d’aller vers le service de la dette et nous sommes à nouveau dans le cycle infernal où le pays s’endette uniquement pour payer la dette et combler les déficits. Résultat des courses : les Nigériens payent et payeront…
Les banques de l’UEMOA soutiennent les déficits publics du budget nigérien
Le 14 janvier 2016 le régime Issoufou émettait encore un emprunt de 40 milliards de FCFA auprès des banques commerciales de l’UEMOA pour débuter l’année budgétaire 2016 car les comptes sont dans le rouge. Pour combler ces déficits créés par sa mauvaise gestion et la réticence des bailleurs à financer les gaspillages (fin septembre 2015 la mobilisation des ressources externes dans le budget était de 26%), le régime actuel en panne d’imagination aggrave le surendettement via l’émission «d’obligations régionales» à un taux de 6,5%. En 2014, ils ont emprunté 93,3 milliards, puis 120 milliards en 2015, soit sur les deux années une dette cumulée de 213 milliards de FCFA auprès des banques de l’UEMOA dont 37 milliards auprès des banques présentes au Niger. En 2016, ils comptent emprunter encore 140 milliards de plus. L’opération du 14 janvier concerne les 40 milliards.
Le compte Niger à la BCEAO dans le rouge
Le compte dépôt du Niger à la BCEAO qui était largement excédentaire avant l’arrivée au pouvoir de Guri s’est effondré à la mesure des marchés surfacturés et autres gaspillages des ressources publiques. En 2009 ce compte présentait un solde créditeur de 113 milliards de FCFA. A la fin 2011, la première année du Président Issoufou au pouvoir il n’était qu’à 20 milliards de FCFA à la fin de l’année. Aujourd’hui, malgré les maquillages qu’ils veulent faire passer, ce compte est en débit réel. En juin 2015, ce compte n’était créditeur que de 8,4 milliards de FCFA grâce au reliquat des prêts auprès des banques régionales. La rapidité avec laquelle l’emprunt de 40 milliards de janvier a été émis, montre l’état catastrophique des comptes réels dans la banque centrale, et au trésor, ainsi que la prudence des partenaires à investir au Niger.
Budget 2015 à 1.700 milliards au taux d’exécution réel d’à peine 53%
En 2015 le budget du Niger tel que voté à l’Assemblée nationale a été évalué à 1700 milliards de FCFA. Retenez bien : 1.700 milliards de F CFA. Ce budget est réparti comme suit : Dette publique (à rembourser) : 114,54 milliards FCFA ; Dépenses de Personnel (salaires civils-militaires et accessoires) : 221,65 milliards FCFA ; Dépenses de fonctionnement (bâtiments, téléphone-électricité, maintenance): 131,23 FCFA ; Subventions et transferts (appuis aux établissements publics, bourses, évacuations sanitaires) : 219,67 milliards de FCA ; et Investissements : 1 020,05 milliards FCFA. Cherchez l’erreur, cherchez à comprendre le sens de ce gros budget.
Si l’on met de côté les 1.020 milliards dit d’investissement dont le taux de réalisation réel est proche de zéro, comment expliquer qu’un Etat avec autant de milliards soit obligé de lancer un emprunt de 120 milliards auprès des banques de la sous-région et du pays alors qu’il aurait fallu renoncer à un ou deux investissements à réaliser sur les 1.020 milliards. Si vous regardez bien ces 114,54 milliards empruntés en 2015 correspondent à peu près à la moitié (6 mois) de masse salariale annuelle du pays qui est estimée dans le budget 2015 à 221 milliards. Donc c’est pour assurer les fins de mois que le Gouvernement s’est lancé depuis 2014 et 2015 et en 2016 dans cette technique de financement du déficit public.
Dans son programme le Président Issoufou laisse écrire que son programme 2011-2015 a été réalisé à 97% alors même qu’en septembre 2015 les chiffres officiels du Ministère des finances disent autre chose pour la seule année 2015 avec une exécution réelle du budget d’à peine 50% et une faible mobilisation (27% seulement) des appuis extérieurs obligeant l’Etat à faire recours à ces fameux emprunts auprès des banques. Donc les 8.000 milliards prévus sur la période 2016-2021 ne sont que de la poudre aux yeux, une chose irréaliste, pour rester poli, que le Guri système veut faire avaler aux nigériens.
Le Niger et ses 2737 comptes bancaires publics : opacité des transactions financières
Le gaspillage et les détournements des ressources passent aussi par la mise en place d’une comptabilité opaque. Quand ailleurs la gauche ou les socialistes luttent contre les paradis fiscaux, au Niger le Président va tranquillement aux îles caïmans pour acheter un Boeing d’occasion de 21 places à 20 milliards de FCFA alors qu’en 1978 déjà (il y’a 38 ans) un régime des militaires qualifiés d’incultes par les gens de Guri avaient eu la bonne idée d’aller directement acheter un avion neuf à l’usine et cette transaction est traçable dans les comptes publics. Question : qui peut dire de quel compte public les 20 milliards ont t-ils été transférés au propriétaire de l’avion et aux intermédiaires lors de son achat en 2014 ? Pour répondre à cette question, il faudra éplucher les 2735 comptes publics que compte le Niger à la fin décembre 2014. Ils étaient 1954 en 2012. Ces comptes sont à 84% logés à la Sonibank, la BIA-Niger (de Mangal et consorts) et à Bank of Africa. C’est une technique bien connue pour dissimuler les traces des transactions effectuées et les fuites de capitaux. Un compte unique du trésor aurait pu permettre de tracer plus simplement tous les dons et payements faits au profit du Niger comme par exemple les 20 milliards de don du Nigeria en 2015.
L’exemple de la SONIDEP qui coule la SORAZ à travers Mangal et oblige l’Etat à un emprunt de 437 milliards de FCFA pour que le pétrole continue de couler…à Zinder
A Zinder il n’y a pas que l’eau qui a du mal à couler, le pétrole aussi. Et pour cause, la raffinerie de pétrole dont la construction a été engagée avant leur arrivée au pouvoir, qui a servi à financer leurs gaspillages y compris le clientélisme et la corruption politique, est en quasi-faillite si un refinancement de 437 milliards n’est pas engagé rapidement. Pourtant les automobilistes nigériens ont été contraints de payer un prix d’essence élevé, subventionnant ainsi la SONIDEP, devenue une entreprise quasi-familiale gérée quasi-directement par le Président lui-même via le DG de la société à travers des subventions douteuses y compris le financement du débauchage des membres des partis d’opposition (députés, ministres, maires et conseillers). Ce processus a été opéré via deux hommes d’affaire écran : le Nigerian Dahirou Mangal épinglé dans wikileaks comme un mafieux notoire et un opérateur nigérien propriétaire d’une société de transport et de stations d’essence. La SONIDEP étant incapable de payer ou même quand elle le fait c’est en retard, ce qui a entraîné un gouffre financier qui est tel que la raffinerie pourra s’arrêter à tout moment si le refinancement ne se concrétise pas rapidement. Pour relever la raffinerie Soraz de Zinder, le régime s’engage à nouveau dans un prêt de 437 milliards de FCFA auprès de Exim Bank de Chine pour son refinancement.
L’affaire du rachat par l’Etat du Niger et Dahiru Mangal du Nigeria de la Banque BIA n’est pas encore terminée
Alors que l’Etat du Niger dispose d’une banque quasi-nationale la Sonibank, l’Etat a eu besoin d’investir en 2012 des milliards dans une banque en quasi faillite, la BIA. Placé à la tête de cette banque après un départ mouvementé du Ministère des finances, l’actuel directeur de campagne et pas moins Directeur de cabinet du Président devra nous expliquer les détails des opérations douteuses qui ont servi de cadre à cette banque. Expliquez-nous pourquoi vous avez eu confiance à l’Homme « d’affaires » du Nigeria Dahiru Mangal qui se retrouve actionnaire de la Banque Internationale pour l’Afrique (BIA-Niger). Pourquoi garantir un portefeuille avec des prêts toxiques anciens et nouveaux en particulier ceux liés à la gestion du pétrole Soraz-Sonidep. La tentative d’abandon de la BIA en rase campagne aux marocains sans faire un état réel des actifs toxiques et des montages douteux pose des problèmes auxquels vient s’ajouter l’audition de Mangal fin janvier 2016 à Abuja par la EFCC du Nigeria (organe de lutte contre la corruption du Nigeria). Le report des discussions sur la BIA à mars 2016 ne visent qu’à éviter la révélation de scandales pendant la campagne électorale dont l’un des protagonistes connaît les grands mystères.
La faible transparence sur les travaux d’infrastructures
Le programme de la renaissance manque de clarté sur le financement des infrastructures et le choix politiques à court terme qui ont motivé le lancement du chemin de fer (une route pour le train) qui n’est pas conforme aux nouveaux trains construits dans le monde. Ces rails vont encore coûter plus chers, comme pour la raffinerie de la Soraz-Sonidep, car à moins de ramener des vieux wagons des années 1970-1980, il va falloir déraciner tous les rails pour rendre ce chemin viable pour les wagons de fret. Face à la réticence des chinois de libérer le prêt de 1 milliard de dollars sans projets pertinents, la volonté de présenter un ouvrage pour des raisons électoralistes a obligé les agents de Bolloré à exécuter contre le bon sens cette infrastructure coûteuse et aussi objet de litige international.
De même au lieu de finaliser Kandaji ou Salkadamna, le guri s’est lancé dans des infrastructures dont le coût de revient pour le consommateur sera encore plus élevé que par le passé, sachant qu’il faudra acheter du fuel pour alimenter les turbines alors même que le régime n’a pas fini de gérer le problème entre la Soraz et la Sonidep. Enfin le prix de la route au Niger continue d’être l’un des plus chers de la zone UEMOA ce qui traduit l’état de surfacturation dans ce secteur qui aggrave une fois de plus les déficits publics. Rappelez-vous le départ de deux ministres du gouvernement Guri en 2012 justement à cause d’une attribution concernant une construction de routes à un député du PNDS. Jetez un regard sur l’état de contentieux dans l’attribution des marchés publics au Niger auprès de l’UEMOA. Grâce au contrôle politique qu’il tente d’exercer sur la Cour des comptes et le ministère des finances le guri veut masquer la réalité du gouffre dans lequel est plongé le Niger après l’embellie et l’espérance créé par les réformes des années 2000 à 2009.
Un programme irréaliste qui ignore les réalités de la crise financière sous Guri
Le bilan qui est présenté par l’équipe sortante du Président passe sous silence la réalité de la situation économique et financière du pays. Résumant votre bilan 2011-2015 vous écrivez « Le plan de financement du Programme de Renaissance a prévu de mobiliser 6.238,83 milliards de FCFA en cinq (5) ans dont 50% de ressources internes 50% de ressources externes. Au terme des cinq ans de mise en œuvre les ressources totales mobilisées se sont élevées à 7.659,18 milliards de FCFA dont 4.201,68 de ressources internes et 3.457,5 milliards de ressources externes. Les décaissements se sont établis par contre à 5 761,5 milliards de FCFA ». Pour 2016-2021 on parle de 8.000 milliards alors même que pour faire face aux frais de fonctionnement de l’Etat en janvier février 2016, le gouvernement a eu besoin d’avoir recours à un emprunt urgent de 40 milliards de FCFA.
Ce programme cache aux nigériens les vrais problèmes et le Guri en faisant comme si tout roulait bien…ne prépare pas les Nigériens à assurer les indispensables réformes dont le Niger a encore hélas besoin pour faire face aux lendemains incertains qu’il a créés. Il est vrai que la pluie des billets de banque craquants neufs, observée au cours des meetings organisés par Guri, ne reflète pas la réalité des comptes publics déficitaires dans le pays classé dernier sur l’IDH en 2015 et la propagande de certains médias internationaux ne serait qu’une petite main qui tente de cacher une forêt déjà bien visible.
Comment dans ces conditions le Président et son parti peuvent-ils présenter un soi-disant programme dans un document de 117 pages qui passe sous silence la réalité économique et financière du pays, ignore les signaux rouges lancés par les partenaires internationaux et promet pour la période 2016-2021 de mobiliser 5.000 milliards de FCFA alors même qu’en 2015 ils ont été obligés d’emprunter 115 milliards pour boucler le payement des salaires des fonctionnaires auprès des banques privées ?
Le véritable débat aurait gagné si un le vrai bilan financier avait été présenté à la nation et aux électeurs par ceux qui ont géré le pays. La question est dès lors de savoir comment sortir le pays de la situation financière du K.O dans laquelle il se trouve actuellement. Le 21 février 2016 si tout est prêt, les Nigériens doivent en tenir compte pour donner leur verdict.