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Lettre ouverte au président de la République : Vous êtes votre propre adversaire
Publié le vendredi 4 mars 2016   |  Le Monde d'Aujourd'hui


SEM.
© Autre presse par DR (Photo d`archive)
SEM. Issoufou Mahamadou,Président de la République du Niger


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Je sais que vous devez être très amer après la proclamation officielle des résultats globaux provisoires de l’élection présidentielle du 21 février 2016. Je sais combien c’est dur d’être recalé si près du but, mais c’est ainsi : on ne gagne pas toujours. Je ne commenterai pas votre score du premier tour parce que je ne m’y connais pas. Par contre, je voudrais vous dire que, contrairement à ce que prétend Brigi Rafini, beaucoup de vos compatriotes sont formels : le Niger n’a jamais connu une élection aussi calamiteuse et la transparence est sans aucun doute la dernière des qualités à lui trouver. Il faut être partisan et de mauvaise foi notoire pour affirmer que les élections du 21 février 2016 ont été transparentes.

Savez-vous que des milliers de bureaux de vote n’ont ouvert qu’à la mi-journée et que jusqu’à la fin des opérations électorales, pratiquement la nuit, les équipes communales de la Ceni, sur toute l’étendue du territoire nationale, ont continué à courir à gauche et à droite pour apporter telle ou telle chose qui manque dans les bureaux de vote ? Savez-vous que des délégués de partis ont été séquestrés dans certaines régions du Niger pour bourrer des urnes et remplir les procès-verbaux comme on veut ? Savez-vous que, ailleurs, ce sont des armes à feu qui ont été utilisées pour intimider les électeurs et les délégués des partis politiques afin de se donner les suffrages que l’on veut ?

Savez-vous qu’il y a eu des urnes disparues mais comptabilisées ? Savez-vous que des suffrages ont été triturés ? Savez-vous que la subtilisation des matériels et documents électoraux, pratiquement sur toute l’étendue du territoire national, a été constatée comme si la pratique procédait d’une instruction donnée ? Bref, les élections ont été très mal organisées et personne ne peut le contester. Or, vous avez déclaré, dans votre message à la nation du 2 août 2015, que vous considérerez des élections mal organisées comme un échec personnel. L’échec de la Ceni est par conséquent votre échec et je m’en tiens à cela.

Monsieur le Président, j’ai été surpris, pour ne pas dire choqué, par votre déclaration du vendredi 26 février, consécutivement à la proclamation des résultats globaux provisoires. C’est un discours partisan qui n’honore pas l’institution que vous incarnez. C’est un discours qui sied à Bazoum Mohamed, le président du Pnds Tarayya, pas à vous. Ce discours ne doit pas être tenu à la présidence de la République, mais au siège du Pnds Tarayya. Tout candidat à votre succession que vous êtes, vous avez heurté vos compatriotes en parlant du Pnds dans un décor qui symbolise la République. Il y a plus grave. En affirmant que vous avez la majorité absolue des sièges dans la future assemblée et que vous êtes par conséquent autorisé, dès à présent, à former le futur gouvernement, vous n’êtes pas loin de dire que votre échec personnel à la présidentielle n’empêchera pas à votre camp politique d’avoir la main mise sur le pouvoir puisque vous contrôlerez, et l’Assemblée nationale et le gouvernement. Vous savez bien qu’il s’agit là d’une vision chimérique et que cela procède en vérité d’une manipulation des consciences qui ne rime à rien.
Monsieur le Président, je comprends votre amertume et votre profonde déception vis-à-vis de vos collaborateurs qui ont dû prendre beaucoup d’argent avec vous en prétendant qu’ils vous ramèneront la lune s’ils ont les moyens dont ils ont besoin. Je comprends également votre colère contre tous ceux qui, pour sauver leur liberté compromise par des actes délictueux, vous ont fait croire qu’ils ont leurs terroirs dans leurs mains et que nécessairement, vous seriez mal élu si vous ne passiez pas dès le premier tour. Je comprends enfin que vous soyez désabusé et sujet à des interrogations interminables dans la mesure où vous étiez parti en campagne avant tout le monde, avec les moyens et les attributs de l’État. Vos interrogations sont légitimes car vous affronterez curieusement, ironie du sort, celui de vos adversaires politiques que vous n’auriez pas souhaité affronter, même en rêve. Dieu, dans son infinie connaissance, en a décidé ainsi. N’estce pas un signe du destin ? Vous allez, donc, en fin de compte, « croiser le fer » avec Hama Amadou, le candidat d’une coalition qui est décidée à vous opposer l’alternance à la tête de l’État. Je me demande comment vous allez gérer votre agenda électoral alors que vous affrontez un candidat qui vous considère comme étant son principal directeur de campagne. Candidat et directeur de campagne de votre challenger, il vous sera difficile, voire impossible, de convaincre les électeurs, et par conséquent, de gagner ce second tour. L’explication ? C’est que vous êtes votre propre adversaire. C’est comme si vous livrez bataille à votre ombre. On ne gagne jamais contre son ombre et vous allez sans doute vous en rendre compte au soir du 20 mars prochain. Vous allez vous battre contre un adversaire emprisonné, en dehors de toutes procédures judiciaires. Je ne commente pas cette option de se battre contre un adversaire qui a les mains et les pieds liés. C’est votre choix. Mais, je m’interroge sur ce que vous ferez si, malgré tout, il vous mettait K.O. Ce serait une situation désastreuse pour vous. En attendant, vous allez bientôt reprendre votre bâton de pèlerin pour parcourir à nouveau le Niger, à la recherche d’électeurs hypothétiques qui vous permettront de gagner un duel qui n’en est pas un. Personnellement, je n’aurai jamais accepté de me battre contre un adversaire diminué, particulièrement lorsque j’estime que je suis plus fort que lui et que le public qui doit en définitive nous départager est largement acquis à ma cause.

Monsieur le Président, votre choix est un choix insolite qui sera inscrit dans le livre Guinness des records. Dans les annales de l’histoire du monde, c’est la première fois qu’un président sortant affronte dans une élection présidentielle son adversaire politique emprisonné. Ce faisant, vous entrez dans l’histoire, sur une page que personne, parmi vos partisans, n’aurait de fierté à rappeler, demain. J’ai eu l’occasion de vous dire que c’est à vous de choisir par quelle porte vous allez entrer dans l’histoire. Prenez la meilleure option, car un vieux sage m’a dit que quoi que vous fassiez, vous allez perdre le 20 mars prochain. Quant à moi, vous connaissez ma position : pour le bien du Niger et de son peuple, je souhaiterais que les électeurs nigériens mettent un terme à votre gouvernance qui est un échec total, à tous points de vue.

Mallami Boucar

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