Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Le Mali    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article





  Sondage


 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles



Comment

Politique

Objection messieurs et mesdames de la CENI : les délais ne sont pas suffisamment pris en compte
Publié le lundi 7 mars 2016   |  Actuniger


CENI
© Autre presse par DR (Photo d`archive)
CENI


 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Dans une réflexion fort intéressante, Henri MANDRAS (Eléments de sociologie, Paris, Armand Colin, 2002, p. 34) relevait que s’il est une donnée qui échappe, en très grande partie, à l’emprise de l’Homme, c’est bien le Temps. Il constitue un allié peu sûr. Pour cet auteur, l’Homme, par son intelligence a fait des découvertes et inventions dans plusieurs domaines. Il a maitrisé l’espace, la communication, la vitesse etc…. Mais du temps, il n’a mis au point que des méthodes et techniques de sa mesure, sans jamais le perturber encore moins le modifier. Il court toujours trop vite quand on en a besoin, souvent trop lent quand on veut aller vite.


Dans tous les cas, il faut reconnaitre que l’on ne peut faire certaines choses qu’à un moment donné ou au cours d’une période dont il faut connaitre les termes. C’est pourquoi, on parle des délais. La délicatesse de la question du délai est accrue par sa pluralité et la diversité des acteurs censés le respecter et le prendre en compte dans leurs offices respectifs notamment en matière électorale qui nous intéresse en l’espèce.

Le 26 Février 2016, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a procédé à la proclamation des résultats globaux provisoires de l’élection présidentielle couplée aux législatives. Dans la foulée et, constatant qu’aucun des candidats n’a pu obtenir la majorité absolue des voix, la CENI fixe aussitôt la date du second tour au 20 Mars 2016.

Depuis cette annonce, beaucoup d’interrogations animent les esprits. Celles-ci portent essentiellementsur la constitutionnalité ou la légalité de cette annonce, la pertinence du chronogramme de la CENI, la faisabilité juridico-technique du second tour à la date indiquée par la CENI au regard des prérogatives de la Cour constitutionnelle et enfin ce qui pourrait se passer en cas de non tenue de ce second tour à la date indiquée.

Face à ces questions extrêmement importantes, plusieurs positions et interprétations se dégagent.Or, trop de lumière peut aveugler ; c’est pourquoi, il importe de dépassionner les débats, de prendre un peu de recul afin de voir comment ces différents délais ont été articulés dans le droit électoral nigérien avant de voir si les différents acteurs impliqués dans le processus les ont réellement pris en compte dans l’exercice de leurs attributions respectives.

A l’évidence, l’on peut remarquer que l’annonce précipitée de la CENI est compréhensible. Seulement, elle est très discutable du point de vue strictement juridique(I).Cette situation risque d’installer la Cour constitutionnelle dans un véritable embarras juridique (II).

I. Une annonce juridiquement discutable

Durant tout le processus de proclamation des résultats provisoires, la CENI a été taxée de collusion avec le camp du Président-candidat et de cautionner les fraudes et autres formes de manipulation des chiffres. C’est pourquoi, ayant constaté, à l’arrivée, que le « Coup KO » (slogan de campagne du Président-candidat) n’a pas pu être administré, la CENI a vraisemblablement poussé un « ouf de soulagement ». Et, c’est probablement pour tenter de retrouver toute sa crédibilité remise en cause et réaffirmer son indépendance, qu’elle a choisi de fixer la date du second tour en s’appuyant sur une lecture simpliste de l’article 48 alinéa 5 de la Constitution et de l’article 20 alinéa 3 de la loi n°2014-01 du 28 Mars 2014 portant régime général des élections présidentielles, locales et référendaires.

Il faut toute de suite relever que la CENI n’avait pas pris toutes les précautions juridiques nécessaires avant cette annonce. Cette imprudence apparait clairement à la suite d’une lecture combinée de l’article 48 de la Constitution, des articles 37 à 49 de la Loi organique n°2012-35 du 19 Juin 2012 déterminant l’organisation, le fonctionnement de la Cour Constitutionnelle et la procédure suivie devant elle, des articles 61 à 69 de la loi n°2014-01 du 28 Mars 2014 portant régime général des élections présidentielles, locales et référendaires ainsi que de la pratique nigérienne en matière électorale. Notons sur ce dernier point que, le Conseil d’Etat a récemment érigé la pratique et l’esprit des lois en référentiel d’appréciation des lois pour cautionner le vote par témoignage.

Le choix de la date du 20 Mars2016traduit, à notre sens, soit une volonté délibérée de la part des concepteurs du chronogramme des élections soit une certaine absence de vision générale du droit applicable en la matière. Sous ce dernier angle, l’on peut soutenir que l’annonce procède d’une lecture précipitée de l’article 48 de la Constitution et de l’article 20 alinéa 3 de la loi n°2014-01 précitée. Pour la première disposition, «…il est procédé, au plus tard vingt jour (21) jours après, à un deuxième tour auquel prennent part les deux (2) candidats arrivés en tête lors du premier tour ». Selon la seconde disposition, « en cas de ballottage, la campagne est à nouveau ouverte dès le lendemain de la proclamation des résultats définitifs du premier tour. Elle est close l’avant-veille du second tour à minuit».

La CENI a, peut-être oublié à ce sujet est que certaines dispositions de la Constitution ou même de certaines lois sont « muettes » et que c’est à la lumière des lois d’application qui constituent leur prolongement matériel, des autres loisou actes règlementaires et de l’interprétation du juge constitutionnel qu’il faut les appréhender, les comprendre et les appliquer. C’est pourquoi, il est important de rappeler que la fixation de la date du second tour doit tenir compte de toutes les sources du droit électoral nigérien et de la situation postélectorale, c’est-à-dire,selon qu’il ait ou non contestation des résultats.

Malheureusement, la date ainsi retenue et annoncée par la CENI ne tient compte d’aucune de ces hypothèses et c’est pourquoi, si elle peut être acceptable en l’absence des recours (A), il faut reconnaitre qu’elle risque de perdre toute pertinence en cas de contestation des résultats (B).

A. Une annonce soutenable en l’absence de contestation

Après avoir proclamé les résultats globaux provisoires le 26 Février 2016, la CENI a cru bon d’annoncer, pour que nul n’en ignore, que le second tour de la présidentielle aura lieu le 20 Mars 2016. Cette lecture du droit électoral traduit quelques insuffisances dans les réponses apportées à ces trois questions sommes toutes simples : Qu’est-ce qu’il faut entendre par proclamation des résultats de l’élection et quelle est la valeur juridique des résultats globaux proclamés par la CENI ? La disposition de l’article 48 de la Constitution s’intéresse-t-elle aux résultats provisoires proclamés par la CENI ou à ceux définitifs proclamés par la Cour constitutionnelle ? Et partant, quel est le point de départ du délai constitutionnel de 21 jours au plus tard après le premier tourposés par l’article 48 de la Constitution ?

Au regard des circonstances de l’espèce, il apparait que la CENI a entendu écarter toute idée de contestation des résultats globaux provisoires du premier tour pouvant justifier la non proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle dans le délai de 15 jours à compter de sa saisine. En effet, l’article 37 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle dispose sans ambages que « la Cour constitutionnelle proclame les résultats définitifs du scrutin présidentiel dans les quinze (15) jours à compter de la réception des résultats globaux provisoires accompagnés des procès-verbaux transmis par la CENI ». Cette dispositionindique clairement que c’est à compter de la transmission des résultats globaux provisoires par la CENI, en l’espèce, le 27 Février 2016, que le juge constitutionnel dispose d’un délai de 15 jours pour examiner l’ensemble des procès-verbaux et proclamer les résultats définitifs, c’est-à-dire jusqu’au 12 mars 2016.

Cette lecture est parfaitement défendablemais seulement dans le cas où de la date du 27 Février2016 à la date du 12 Mars 2016 aucune contestation n’a été introduite. En ce cas, la Cour constitutionnelle procèdera à la proclamation des résultats définitifs le 12 Mars 2016. Il sera ensuitefait application de l’article 20 alinéa 3 de la loi n°2014-01 pour ouvrir la campagne électorale le 13 Mars 2016 en vue du second du 20 Mars 2016. Il s’agit d’une approche conforme à la constitution d’autant plus que le délai de 21 jours fixé par l’article 48 de la Constitution est un délai maximum ou plafond pouvant ne pas être respecté dans son intégralité.

Mais cet optimisme mérite d’être tempéré au regard de la jurisprudence de la Cour constitutionnelleet de la pratique en cours en cette matière. Rappelons au passage que le temps de la justice n’est pas le temps du politique et c’est pourquoi, le juge constitutionnel nigérien a toujours entendu statuer dans la sérénité, loin de toute pression et contingences politiques.

En conséquence, la Cour constitutionnelle a jusqu’à la date du12 Mars 2016 pour proclamer les résultats définitifs du premier tour de l’élection présidentielle. Et, c’est au vu de ces résultats définitifs tels que proclamés par la Cour que le Président de la République signe le décret portant convocation du collège électoral pour le second tour. Aucune décision pertinente du point de vue juridique ne peut s’appuyer sur un résultat provisoire qui ne lie nullement le juge constitutionnel et qu’il peut reformer en fonction des pièces qui sont versées au dossier à lui transmis.

Pour illustrer ces propos, on peut utilement rappeler la pratique et la position du juge constitutionnel sur le processus qui a suivi la proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 2011. Pour mémoire, l’on se souvient que la CENI de l’époque avait transmis les résultats globaux provisoires du scrutin aux fins de validation le 7 Février 2011par Lettre n°437/P/CENI. L’arrêt du Conseil Constitutionnel de Transition portant validation de ces résultats a été rendu le 22 Février 2011soit à l’expiration du délai de quinze (15) jours fixée par l’article 37 de la loi organique précitée (voir, pour vérification,http://cour-constitutionnelle-niger.org/documents/arrets/matiere_electorale/2011/arret_n_06_11_cct_me.pdf). Dès lors, l’on peut remarquer que la Cour n’avait pas entendu statuer dans la précipitation nonobstant l’absence de contestations majeures et sérieuses. Elle a entenduépuiser le délai obligatoire de 15 jours prévu par sa loi organique. Et, c’est au vu de cet arrêt portant proclamation des résultats définitifs que le Chef de l’Etat de l’époque a signé le Décret n°2011-121/PCSRD/MISD/AR du 23 Février 2011portant convocation du collège électoral pour le second tour. Il a, par la même occasion, fixé la date de ce second tour au 12 Mars 2011, c’est-à-dire dans un délai de 20 joursà compter de la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle (c’est qui explique que le délai de 21 jours prévu à l’article 48 de la Constitution n’est impératif).

Au regard de ce qui précède, l’on peut conclure sur ce point que le décret portant convocation du collège électoral et le décompte du délai du scrutin du second tour ne peuvent s’appuyer sur l’arrêt de la Cour constitutionnelle portant proclamation des résultats définitifs. Etant saisie le 27 Février 2016, la Cour ne peut rendre son arrêt et dans les meilleurs des cas à la date du 12 Mars 2016 pour rendre son verdict. Et ce n’est que le lendemain, c’est-à-dire le 13 Mars 2016 que la Campagne électorale pourrait être ouverte.

A côté de cette perspective idéaliste, il faut remarquer que la CENI n’a pas entendu l’autre perspective, c’est-à-dire de contestation pourtant inhérente à toute compétition électorale.

B. Une annonce platonique en cas de recours

Avec l’introduction des recours en annulation contre certains résultats du premier tour, l’annonce de la CENI revêt un caractère beaucoup plus irréaliste. En effet, il est écrit aux articles 39, 40 et 41 de la Loi organique sur la Cour constitutionnelle repris par les articles 61, 62 et 63 de la Loi n°2014-01 précitée que certains électeurs, candidats, partis ou groupement des partis peuvent adresser au Président de la Cour constitutionnelle, une réclamation au plus tard 15 jours suivant la proclamation et la transmission des résultats globaux provisoires par la CENI.

Il ressort de ces dispositions, que c’est à compter du 27 Février 2016 que ces intéressés disposent d’un délai de 15 jours, c’est-à-dire, jusqu’au12 Mars 2016 pour saisir laPrésidente de la juridiction constitutionnelle aux fins de contester tel ou tel résultat.Du point de vue strictement juridique, rien n’interdit à l’un de ces intéressés d’attendre le dernier jour, c’est-à-dire, le 12 Mars 2016 pour introduire sa réclamation.

A compter de cette saisine qui pourrait intervenir, j’insiste, le 12 Mars 2016, l’article 42 de la Loi organique sur la Cour constitutionnelle repris par l’article 64 de la loi n°2014-01 précitée fait obligation à la Cour de communiquer la réclamation aux autres candidats. Ceux-ci disposent d’un délai de 7 jours, pour déposer leur mémoire en reponse en vertu d’un principe fondamental en droit processuel qu’on appelle le principe du contradictoire.

A y regarder de près, l’on se rend compte que si l’un des protagonistes décide de saisir la Présidente de la Cour le 12 Mars 2016, le greffier en chef doit impérativement communiquer et aussitôt la réclamation aux autres candidats qui ont jusqu’au 19 ou 20 Mars 2016 pour déposer leur mémoire en reponse. C’est le dépôt de ces mémoires qui introduit la phase véritablement contentieuse avec l’instruction des dossiers. Pour la gestion de cette phase extrêmementdécisive, c’est-à-dire,l’instruction des dossiers, l’article 42 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle repris par l’article 65 de la loi n°2014-01 impartit à la Cour un délai de 15 jours. En conséquence, la Cour peut aller jusqu’au 4 ou 5 Avril2016dans le cadre de l’instruction des dossiers notamment lorsque l’un des protagonistes décide de la saisir au dernier jour du délai d’introduction des recours.

La Cour n’a aucune possibilité d’appréciationsur le délai d’attente (reponse des autres candidats) et le délai d’action (délai d’instruction) au regard de l’emploi du présent de l’indicatif par sa propre loi de procédure, en l’occurrence la Loi organique n°2012-35 du 19 Juin 2012.

Sans entrer dans les détails de la phase post instruction, l’on est loin non seulement de la date du 20 Mars retenue et annoncée par la CENI mais aussi de la date d’expiration du mandat du Président-candidat qui est le 1er Avril 2016 à minuit.

Que peut faire la Cour constitutionnelle face à cette insuffisante maitrise du chronogramme électoral ?

II. Une Cour constitutionnelle dans l’embarras juridique ?

N’étant pas dans le secret de la Cour constitutionnelle, l’on se contentera de soulever quelques questions et le temps nous édifiera sur les réponses qui leur seront apportées.

En premier lieu, l’on peut se demander si la Cour va proclamer les résultats définitifs avant l’expiration du délai de 15 jours qui lui est impartit par l’article 37 de la loi organique. En le faisant, la Cour risque non seulement de revenir sur sa propre jurisprudence de 2011, de faire le travail dans la précipitation et sous pression avec tout ce que cela entraine comme conséquence mais aussi priver les électeurs, les candidats, les partis de leurs droits de recours car ils ont légalement jusqu’au 12 Mars 2016pour introduire leurs réclamations.

Mais aussi et surtout la Cour violerait les dispositions de l’alinéa 1er de l’article 117 de la constitution du 25 novembre 2010 qui dispose que« la justice est rendue sur le territoire national au nom du peuple et dans le respect strict de la règle de droit, ainsi que des droits et libertés de chaque citoyen. ».

En deuxième lieu, l’on peut légitimement se demander si la Cour ne va pas tout de même se conformer à sa jurisprudence, respecter le droit de recours des candidats et épuiser les délaisde recours ainsi que les différentsdélais de procédurequi lui sont imposés par sa loi organique.

Après tout, elle n’est pas comptable des éventuels errements qu’il est possible de relever dans la confection du chronogramme électoral.

En attendant, une clarification du juge constitutionnel sur ces différentes interrogations, il est à craindre que cette deuxième alternative ne débouche sur un vide institutionnel. En effet, au regard de l’arrêt n°2012/2011/CCT/ME, le mandat de l’actuel Président de la République a commencé à courir le 2 Avril 2011 à 00Het expire, en principe, le1erAvril 2016 à 00 H. Or, au regard de la procédure ci-dessus rappelée, rienne permet d’affirmer avec certitude que les différents contentieux seront vidés avant cette date afin d’avoir un résultatdéfinitif qui autorise la convocation du collège électoral et la tenue du second tour. Il est à craindre la survenance d’une difficulté juridique surtout que l’article 47 alinéa 2 de la constitution précise, sans ambiguïté, que « nul ne peut…proroger le mandat pour quelque motif que ce soit ».

Loin de souhaiter un tel scenario à mon pays, je constate simplement qu’il ya eu des légèretés dans la gestion du processus électoral en cours au Niger.

Docteur Adamou ISSOUFOU

Assistant-titulaire au département de droit public

Faculté des sciences juridiques et politiques/UCAD/DAKAR

 Commentaires