Candidat à sa réélection, le président nigérien Mahamadou Issoufou est un "Lion" qui a su attendre son heure pour arriver au pouvoir et il entend bien le conserver.
En position idéale au niveau mathématique avant le 2e tour de dimanche, il doit composer avec une opposition qui a annoncé qu'elle ne reconnaitrait pas le scrutin, mettant en cause sa légitimité.
A 64 ans, surnommé le "Zaki" - le lion en langue haoussa l'ethnie majoritaire au Niger -, Issoufou a voué sa vie à la politique.
"C'est un fin tacticien et il a les idées claires", souligne un observateur de la vie nigérienne, commentant à la fois son passé et son comportement face à l'opposition qui a signé une alliance pour le battre.
Ingénieur des mines et mathématicien, il a travaillé pour le groupe français Areva qui exploite l'uranium dans le nord du Niger, un des pays les plus pauvres du monde.
Ce lien passé l'a souvent conduit à être accusé de favoriser la France, l'ex-puissance coloniale, dans de nombreux dossiers allant de la concession Areva à la présence militaire française au Niger dans le cadre de la lutte contre les groupes jihadistes dans le Sahel (opération Barkane).
M. Issoufou est un ténor de la vie politique depuis l'avènement de la démocratie en 1990. Il s'est présenté à toutes les élections présidentielles depuis le multipartisme en 1990 sous la bannière du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme, dont il est un des fondateurs.
Grâce à un jeu d'alliances, il a été Premier ministre de 1993 à 1994 sous Mahamane Ousmane, premier président démocratiquement élu et qui est un de ses adversaires de dimanche.
Mais malgré cette ascension, M. Issoufou, qui a aussi été président du Parlement de 1995 à 1996, s'est ensuite heurté au charismatique Mamadou Tandja contre lequel il a perdu les élections de 1999 et 2004 au deuxième tour.
- Un tacticien éprouvé -
Il a néanmoins su attendre son heure pour remporter la présidentielle de 2011 organisée par une junte militaire qui avait renversé M. Tandja alors que celui-ci voulait rester au pouvoir après ses deux mandats légaux.
Pendant sa campagne, il a promis la "stabilité" institutionnelle à ce pays en proie aux coups d'Etat depuis 1974 et la "sécurité", face aux attaques des groupes jihadistes sahéliens.
"C'est mission accomplie !", a-t-il clamé aux premières heures de sa campagne électorale début janvier.
Entre les raids de Boko Haram dans le sud, la menace des jihadistes dans le nord et l'ouest, "c'est un miracle que nous soyons autant en sécurité", souligne Mohamed Bazoum, le président de son parti, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS).
Mais ses opposants critiquent les budgets militaires et soulignent que le pays n'a pas décollé socialement sous son mandat, restant un des plus pauvres de la planète.
"Il a construit à grands frais des routes et des échangeurs, alors que le pays a faim et les hôpitaux sont sans médicaments", s'offusque un proche de Seïni Oumarou, un autre favori de la présidentielle.
Si la presse est libre, M. Issoufou gouverne d'une main de fer avec des arrestations fréquentes - souvent brèves - d'opposants et une présence policière forte.
Avec 48,43% des voix obtenus au 1er tour, Le "Lion" est en situation idéale. Le "tacticien" Issoufou a usé de tous les stratagèmes, provoquant des divisions et des scissions dans les partis d'opposition et jouant avec les alliances qui lui ont permis d'accéder au pouvoir en 2011.
Il a obtenu ces dernières semaines le ralliement de candidats lui permettant de passer théoriquement la barre des 50%. Mais avec le boycott annoncé de l'opposition, le Lion devra désormais convaincre qu'il est un président légitime qui ne détient pas le pouvoir grâce à sa force ou ses arrangements.