Selon plusieurs médias, la COPA et le camp du Président sortant seraient tous prêts à entamer un dialogue politique sous l’égide d’une médiation internationale, maintenant que les résultats du très controversé 2ème tour de la présidentielle sont pratiquement connus. A en croire certaines sources, le Président Isssoufou serait lui-même disposé à un dialogue politique avec ses adversaires. Ce qui n’est guère surprenant, vu qu’il n’a pas beaucoup de choix; car, refuser le dialogue politique reviendrait pour lui à se condamner à faire marcher, par la force et l’argent, le pays tout entier dans la direction qu’il veut. Ce qui serait un pari difficile à tenir dans le contexte actuel du pays, et eu égard aux multiples défis auxquels le pays est confronté.
Aussi, la question que tout le monde se pose est d’abord de savoir qu’est-ce qu’il y a à négocier à partir du moment où le chapitre des élections présidentielles et législatives est officiellement clos, en tout cas pour les partisans du régime en place ? C’est là une question tout à fait pertinente, surtout si l’on considère que la reprise de l’ensemble des élections n’est pas envisageable ou du moins acceptable pour le régime en place, comme le disent bien certains de ses ténors et comme l’a laissé entendre également l’ex Président de transition burkinabé, Monsieur Kafando. L’expérience dans d’autres contextes a montré qu’il est toujours possible de trouver un juste milieu; on l’a vu au Kenya en 2007 avec une formule de partage de pouvoirs entre Kibaki et Raila; on a failli vivre ça aussi au Niger même après le hold up électoral du général Baré et le dialogue en vue des élections locales de 2009.
En effet, si l’on peut affirmer qu’il serait difficile pour le Président Issoufou d’accepter la remise en cause de sa propre élection, on ne peut pas dire autant pour ce qui concerne les élections législatives. A moins qu’il ne se sente suffisamment forts pour diriger le pays en ignorant totalement, voire en méprisant son opposition, il ne peut demander qu’une seule chose, placer qu’une seule ligne rouge dans un dialogue politique, à savoir sa reconnaissance en tant que président de la République. Le bon sens voudrait qu’il accepte au moins que la reprise des élections législatives; car, il serait difficile de s’imaginer l’opposition politique accepter, une nouvelle fois après 2011, une représentation nationale qu’elle considère issue d’un scrutin entâché de fraudes. C’est le lieu de rappeler que l’assemblée précédente n’était pas représentative de l’éventail politique.
Si les deux camps parviennent à s’entendre sur la reprise des élections législatives, ils vont devoir s’entendre aussi sur la mise en place d’une nouvelle CENI et d’une nouvelle Cour constitutionnelle; et sans doute aussi sur la reprise du recensement électoral. Une nouvelle CENI, parce qu’il serait absurde de retourner à des nouvelles élections avant la même commission qui a été vivement critiquée; une nouvelle cour constitutionnelle, parce que celle qui est en place ne saurait avoir la confiance de l’opinion (je ne dis même pas de l’opposition); une reprise du recensement électoral, parce que c’est de là qu’est parti toute cette histoire d’élections contestées.
En dehors de ces aspects, il faut aussi dire qu’un dialogue politique ne peut passer sous silence la question des élections locales et régionales; mais, celles-ci peuvent-elles avoir un sens dans le contexte actuel sans envisager un renforcement des compétences transférées aux collectivités territoriales ? C’est aussi une question cruciale.
Au regard de tous ces éléments, on peut se demander s’il y a des chances que le régime en place et l’opposition regroupée au sein de la COPA acceptent de discuter sur ces bases qui, à certains égards, sont minimales ? Est-ce que les médiateurs internationaux vont pousser à un compromis de cette nature ou inviter l’un des deux camps à aller au-delà, c’est-à-dire dans ce cas capituler carrément ? Sans préjuger de l’issue de ce qui semble se tramer dans les couloirs, je pense que l’histoire des élections générales de 2016 pourrait, malgré toute la frayeur que nous avons eu, se terminer par un compromis de cette nature; car, les deux camps politiques savent qu’ils n’ont pas beaucoup à gagner dans la confrontation (c’est au moins clair pour l’opposition qui a fait preuve de son souci d’éviter un tel scenario auquel le régime en place s’est préparé de longue date). Le dernier mot revient au Président de la République, c’est à lui de dire s’il pense pouvoir continuer à gérer le pays par la force et l’argent, avec la coalition qui le soutient, ou s’il pense que ce serait prendre des risques pour lui-même et pour le pays tout entier que de faire le pari de la continuité.