Le mardi 29 mars, la Cour d’appel a finalement décidé d’accorder la liberté provisoire au président Hama Amadou, évacué pour des soins à l’extérieur du pays (à Paris) à quelques jours du deuxième tour de l’élection présidentielle du 20 mars dernier. Depuis son retour au Niger le 14 novembre 2015, après plus d’un an d’exil forcé en France, Hama Amadou a été arrêté à la passerelle de l’avion qui l’a ramené et conduit directement la maison d’arrêt de Niamey pour être transféré immédiatement à la prison de Filingué sur instruction du ministre de la Justice Morou Amadou. Hama a été jeté en prison sur la base d’un mandat d’arrêt national émis par le juge en charge de l’instruction du dossier relatif à l’affaire dite de «supposition de bébés» dans laquelle il est poursuivi comme complice.
Le régime a décidé de politiser l’affaire dans le seul but de nuire principalement à Hama Amadou, qui avait promis d’être le challenger du président Issoufou Mahamadou lors des élections présidentielles et législatives des 21 et 22 février derniers. Un défi qu’il a relevé en dépit de la situation de détention dans laquelle Issoufou et son régime ont décidé de le maintenir. Il n’a pas pu battre campagne ni lors du premier tour comme les 14 autres candidats aux présidentielles, ni lors du deuxième tour. Malgré cela, il est arrivé deuxième, démontrant ainsi à Issoufou et son régime sa force politique. L’affaire judiciaire dans laquelle il était poursuivi concernait plus d’une vingtaine de personnes dont un candidat à l’élection présidentielle en l’occurrence Abdou Labo. Elles ont tous connu la prison durant quelques mois avant de bénéficier d’une liberté provisoire. Hama Amadou a connu aussi le même sort sans pouvoir bénéficier de la liberté provisoire après plusieurs requêtes introduites par ses avocats auprès des juridictions compétentes. D’abord à la Cour d’Etat où étaient délivrés les permis de communiquer dans les premiers mois de sa détention à Filingué. Ladite Cour avait déclaré la requête irrecevable. Ensuite au niveau de la Cour d’appel qui lui a refusé la liberté provisoire alors même que son dossier de candidature à la présidentielle venait d’être validée par la Cour constitutionnelle. A partir de ce moment, le caractère politique de sa détention en prison était devenu trop flagrant pour être nié par tous les Nigériens sincères que le régime et ses animateurs cherchaient mordicus à convaincre que Hama était un détenu de droit commun.
Et lorsque la Cour constitutionnelle, saisie de la question par des députés de l’opposition, a laissé entendre qu’il n’y a pas de rupture d’égalité entre le candidat prisonnier Hama Amadou et les autres candidats libres de leurs mouvements, il n’y avait plus rien à redire. La messe était dite. Hama ne devait pas sortir de prison avant la fin des élections. Tel était la manoeuvre sournoise du régime, qui ne voulait pas de Hama dehors pour battre campagne, de crainte que son candidat (Issoufou Mahamadou) ne soit mis en sérieuse difficulté. Hama a passé le premier tour de l’élection présidentielle en prison et a eu un score honorable en se classant deuxième. La communauté internationale a qualifié d’inédite cette situation avec un candidat déclaré à la présidentielle, qui est privé d’aller à la rencontre des électeurs pour leur soumettre son programme politique. Par l’unique volonté du régime. Lors du deuxième tour massivement boycotté par les électeurs à l’appel de l’opposition, Hama était hors du pays pour des raisons de santé. Ce sont de telles élections dignes des Républiques bananières que le président Issoufou et ses partisans s’évertuent sans aucune vergogne à magnifier. La crainte de se voir battre par le redoutable adversaire étant désormais écartée avec la fin des élections bâclées, Hama peut à présent bénéficier de la liberté provisoire. Voilà la lecture politique qu’il faut faire de la décision. C’est la raison pour laquelle nous pensons que c’est non événement ni une preuve de la séparation des pouvoirs. Lorsqu’on entrave un adversaire pendant une compétition et qu’on le libère juste après la compétition, il n’y a pas lieu de pavoiser. C’est proprement scandaleux de la part d’acteurs politiques qui se targuent péremptoirement d’être les «enfants de la démocratie», en présentant leurs adversaires comme «les héritiers des régimes oppressifs». Ceci montre à suffisance la vraie nature des princes qui prétendent oeuvrer pour le bonheur du peuple.