YAOUNDE -- Une vaste offensive en vue de l’élimination définitive de la secte islamiste nigériane Boko Haram, déclarée en "perte de vitesse", sera menée dans les semaines à venir, ont décidé les participants à une réunion des chefs d’état-major des armées des pays membres de la Commission du Bassin du lac Tchad (CBLT) rejoints par le Bénin, tenue vendredi à Yaoundé.
Encore en cours d’opérationnalisation plus d’un an après sa création en février 2015 à Yaoundé par cette organisation régionale, la force mixte multinationale (FMM) pour la lutte contre le groupe terroriste affilié à l’organisation Etat islamique (EI) affirme vouloir "profiter de la saison sèche" pour accentuer la pression sur le mouvement jihadiste et "le réduire à sa plus simple expression".
"Je peux vous assurer que Boko Haram a été significativement affaibli, s’agissant de sa force et de son efficacité. Désormais, son éradication n’est plus qu’une question de temps", a affirmé à Xinhua le général Barry Ndiomu, chef de la délégation de l’état-major de l’armée nigériane (au sein duquel il occupe les fonctions de responsable de la formation et des opérations) à la réunion de Yaoundé.
Dans les faits, les violences de masse commises par le groupe terroriste ont effectivement beaucoup diminué, les attaques de grande ampleur ayant été stoppées par la coalition menée par le Nigeria, le Cameroun, le Niger et le Tchad, les quatre pays de la CBLT touchés par cette menace jihadiste.
Aujourd’hui, la principale source d’inquiétude réside dans les attentats-suicides perpétrés parfois par des jeunes filles et garçons transformés en bombes humaines.
L’offensive actuellement en préparation par l’état-major de la force mixte multinationale de la CBLT cible les derniers bastions du groupe armé dans les forêts du lac Tchad, espace constitué d’îlots, partagé par le Nigeria, le Cameroun, le Niger et le Tchad, et connu pour être difficile d’accès en saison des pluies.
Le déploiement aérien occupe une place centrale dans cette opération projetée pour les prochaines semaines, devant les actions terrestres. Son coût est estimé à 2 milliards de francs CFA (environ 4 millions de dollars), a révélé à Xinhua une source proche du dossier.
Pour le général Ndiomu, c’est une étape supplémentaire dans la mutualisation des efforts des quatre pays concernés auxquels s’est allié le Bénin, dans le cadre de l’objectif d’éradication de Boko Haram.
"Il y a une intense collaboration, a-t-il indiqué, entre les forces armées nigérianes et les troupes de tous les autres membres de la Commission du Bassin du lac Tchad. Par exemple, nous menons des opérations régulières avec les forces de défense du Cameroun à travers notre frontière commune, qui connaissent un réel succès".
Une coopération similaire est aussi annoncée avec le Niger. "Ces opérations se poursuivent et nous nous réjouissons du succès qui est également enregistré. Le Nigeria déploie environ 10.000 soldats dans le Nord. Comme je l’ai dit, bientôt Boko Haram sera une affaire du passé", a en outre précisé le responsable militaire nigérian.
Dans la capitale camerounaise, le Nigeria est venu plaider l’élargissement des zones d’intervention de la force régionale, pour permettre une plus grande traque du groupe terroriste apparu sur sol en 2009.
L’ordre du jour officiel des travaux précédés la veille d’une réunion d’experts avait pourtant prévu six sujets majeurs, dont un examen du concept d’opérationnalisation approuvé de la force, le réaménagement des zones de responsabilité des acteurs, des discussions sur les effets du secteur 1 (basé dans l’Extrême-Nord du Cameroun), puis la composition de la composante civile de la force.
Les participants étaient aussi appelés à débattre de la coordination et de la liaison entre cette force et les opérations nationales des pays de la CBLT et du Bénin, en matière d’opérations aériennes, d’échange d’information et de renseignement et de conduite des opérations conjointes.
La réflexion présidée par le ministre camerounais en charge de la Défense, Joseph Beti Assomo, incluait également les opérations futures de la FMM et leurs incidences financières, soit le financement à mobiliser de 2 milliards de francs CFA pour la grande offensive en perspective.
La force mixte multinationale de la Commission du Bassin du lac Tchad aurait dû débuter son déploiement depuis juillet 2015. Son acte de création avait approuvé un effectif de 8.700 hommes, répartis entre 3.200 fournis par le Nigeria, 3.000 par le Tchad, 2.250 par le Cameroun, puis 750 respectivement par le Niger et le Bénin.
Une résolution de l’Union africaine (UA) s’était par la suite prononcée pour une extension à 10.500 soldats et personnels civils.
Pour l’heure, aucune information ne filtre sur les effectifs déjà disponibles de la force dont l’état-major basé à N’Djamena (Tchad) est placé sous le commandement du général nigérian Lamidi Odebayo Adeosun.
"Nous sommes dans la phase de mutualisation de nos efforts. Il y a la Force mixte multinationale et nous faisons partie de cette force avec un contingent de 3.000 hommes", a cependant affirmé à Xinhua le chef d’état-major de l’armée tchadienne, le général Brahim Saïd Mohamed.
Depuis 2015, le Cameroun, qui occupe le poste de commandant adjoint de la force à travers le général Valère Nka et en abrite le secteur numéro un à Mora (Extrême-Nord), annonce pour sa part avoir mis à disposition 2.450 troupes. Le Bénin déclare six officiers au sein de l’état-major.
Les problèmes financiers représentent l’une des principales causes des retards observés dans l’opérationnalisation du projet, qui s’active à mobiliser un financement d’environ 30 millions de dollars pour l’installation et la dotation en équipements de son quartier général de la capitale tchadienne, selon des sources officielles.
"Nous avons reçu une aide de la part du gouvernement nigérian. Le président Muhammadu Buhari a décidé d’octroyer 100.000 dollars. Il a déjà débloqué 21.000 dollars et les 79.000 dollars restants sont en voie de déblocage", a confié à Xinhua le secrétaire exécutif de la CBLT, l’ingénieur Sanusi Imran Abdullahi, de nationalité nigériane.
"Les chefs d’Etat de la Commission du Bassin du lac Tchad et le Bénin, a-t-il ajouté, ont demandé à l’Union africaine de rechercher des financements auprès des partenaires techniques et financiers. A ce titre, nous avons appris que le Royaume-Uni a offert 5 millions de livres sterling. L’Union européenne a promis 50 millions d’euros".
"Nous avons aussi appris que les Etats-Unis, a-t-il encore mentionné, apportent leur concours dans le cadre de leur coopération bilatérale avec le Nigeria, le Cameroun et le Niger. Ils ont envoyé des experts pour la formation des troupes dans ces trois pays".